Carrière
«Je crève d’ennui dans mon travail !»
Sanaa : Responsable communication externe, «Il y a des journées où je ne fais rien !» «Cela faisait trois ans que je travaillais dans une petite agence de publicité qui m’avait embauchée dès la fin de mes études.
Sanaa : Responsable communication externe, «Il y a des journées où je ne fais rien !» «Cela faisait trois ans que je travaillais dans une petite agence de publicité qui m’avait embauchée dès la fin de mes études. C’était un grand plaisir d’autant plus que, pour une première expérience, j’étais curieuse de tout. Par conséquent, je n’avais pas le temps de souffler. Pour m’aguerrir, j’ai touché un peu à tout. Mais comme la boîte était relativement petite, mes possibilités d’évolution étaient assez restreintes, même si mon employeur avait eu la gentillesse d’augmenter mon salaire. Par le biais d’une connaissance, j’ai eu des propositions dans une grande entreprise dont la direction de la communication avait besoin d’une personne pour la communication externe. Je n’ai pas hésité, d’autant plus que le projet qu’on m’avait présenté était très séduisant. Une fois dans l’entreprise, j’ai dû déchanter, tout simplement parce qu’il n’y a pas de communication ou très peu, en dehors bien sûr des insertions dans la presse écrite ou des conférences de presse pour annoncer un événement. Et là, c’est le responsable du département qui s’occupe de tout. Le reste du temps, je ne suis pas habilitée à parler directement à la presse, ni même à mon patron. Mon travail se résume à transmettre à ma hiérarchie la requête des interlocuteurs, journalistes pour l’essentiel. Je me sens parfois inutile et, forcément, je m’ennuie à mort. Il y a des journées où je ne fais rien.
Pire, je n’apprends pas grand-chose, d’autant plus que je savais déjà préparer un dossier de presse et rédiger des communiqués. Après une année, j’ai pris la décision de retourner en agence.»
Rachid
42 ans, ingénieur dans une wilaya
«C’est vrai, dans la fonction publique, il y en a beaucoup qui s’ennuient !»
«On dit beaucoup de choses sur la fonction publique. Personnellement, j’ai alternativement connu des périodes de chômage, de surmenage et d’ennui lorsque les tâches n’étaient pas définies. Entre les flemmards, les mis au placard, sans compter les fonctionnaires fantômes (emplois fictifs), il est vrai que beaucoup s’ennuient. Sur les 500 employés de la wilaya, on pourrait en virer 400 sans que cela n’affecte le moindre service. De même, le Conseil régional, composé de 20 personnes, pour lequel je travaillais aurait très bien pu tourner avec seulement 4 salariés. Alors, les gens discutent beaucoup, s’absentent… Et pour casser la routine ils développent un autre business : une téléboutique, une épicerie…»
Rachid
30 ans, financier
«J’ai été dessaisi de tout travail suite à un différend avec le patron»
«Suite à une demande de mutation, j’ai été mis au placard il y a plus d’un mois par le chef de division. J’ai été dessaisi de tout travail, même mon ordinateur m’a été confisqué. J’ai des propositions de responsabilité dans d’autres services, mais la DRH ne peut pas (ou ne veut pas) me réaffecter de peur certainement de contrarier mon supérieur hiérarchique qui est assez écouté par la direction générale.
Je n’ai jamais eu autant de temps pour lire la presse. Mais je perds souvent les pédales. C’est une situation insupportable. La surcharge de travail que j’ai connue autrefois était souvent intenable, mais aussi stimulante intellectuellement. L’ennui est sans fin. On est tout le temps dans l’incertitude. La réponse sensée aurait été de me convoquer pour discuter des problèmes. Cette situation est très révélatrice d’un grand malaise dans le management. Je considère que mon employeur préfère me payer à ne rien faire.»
Youssef
37 ans, agent administratif
«J’essayais d’occuper mon esprit à des choses extraprofession-nelles»
«C’est terrible l’ennui ! Je retrouve dans l’entreprise cette impression désagréable de temps volé que j’ai connue autrefois à l’école. J’ai occupé de nombreux postes dans lesquels je m’ennuyais à mourir. J’essayais de faire marcher ma tête, un peu comme si j’avais été en prison. J’apprenais des choses par cœur, quelquefois assez inutiles, des textes de chansons, des listes de capitales… une sorte d’opération survie en milieu hostile. Je vivais comme une trêve mes moments aux toilettes, les seuls moments d’isolement réel. J’y passais le plus de temps possible. La machine à café était aussi comme une oasis. J’ai toujours apprécié les emplois près d’une fenêtre donnant sur une rue animée. Je regardais les gens libres marcher… J’essayais d’occuper le plus possible mon esprit à des choses extraprofessionnelles pour avoir quelquefois l’heureuse surprise de voir que la grande aiguille de ma montre avait tourné plus vite que je ne croyais. Un jeu de devinette permanent avec ma montre qui m’obsédait.»
Hicham
responsable formation
«Il m’est arrivé de douter de ma compétence»
«Entre le suivi des programmes, les réunions avec les formateurs, externes ou internes, les debriefing et la gestion administrative des dossiers, je n’ai plus le temps de souffler. Je m’épanouis parce que j’ai mon boulot et le fait dans un cadre très agréable. Mais, il y a quelque temps, j’ai failli tout simplement démissionner car mon ancien DRH n’avait pas confiance en moi ou ne savait pas déléguer. Je n’ai jamais compris son attitude car il avait plutôt bien accepté mon recrutement. Alors, pendant six mois, bien qu’expérimenté, j’ai dû me contenter de remettre à jour les calendriers de formation. J’ai passé des heures très difficiles et il m’est arrivé de douter de ma compétence. Je comprends les personnes qui disjonctent quand elles sont mises au placard. Heureusement, mon patron a cédé la place à un autre, plus ouvert, et qui n’hésite pas à responsabiliser.»
