Culture
«Même pas mort» : d’amour et de douleur
Dans son dernier roman paru chez Lefennec, Youssouf Amine Elalamy se dévoile dans un récit particulièrement personnel, revenant sur la disparition de son père, un quart de siècle auparavant.

Vingt ans après son premier roman «Un marocain à New York», l’écrivain Youssouf Amine Elalamy revient dans un récit puissamment personnel. Qu’y a-t-il donc de plus intime que de dévoiler un deuil impossible. Dans «Même pas mort», le narrateur ressuscite un père décédé il y a vingt-quatre ans, pour donner corps à ce manque jamais disparu. «On ne fait jamais vraiment son deuil», explique l’écrivain. Si l’idée du livre hantait l’auteur depuis toujours, ce dernier a pris son temps pour reconstituer la vie de son défunt père, avec le recul du temps, de l’âge et de l’expérience. Car il ne s’agit pas d’un récit factuel et linéaire, mais d’éclats de souvenirs, mêlés à des bribes de fiction. Le plaisir de lecture y est tiré dans de belles phrases puissantes et dans l’imagination profuse qui donne du relief à des instants figés.
Réel et imaginaire
Raconter son père était un bien pâle dessein pour Youssouf Amine Elalamy. Car sa nostalgie est grande, son manque vif, comme au premier jour. Et aussi puissante que soit sa mémoire, il ne pouvait se résoudre à le dépeindre à travers ses seuls souvenirs. Alors il est parti loin, il a laissé libre cours à son imagination pour animer tous les personnages d’une vieille photo de lycée, retrouvée sur internet. Cette réincarnation dans la peau du père lui a non seulement permis d’imaginer sa vie d’avant, mais également de donner vie à toute une époque où la diversité et le mélange fleurissaient au Maroc.
Le livre permet également de raconter un épisode clé de l’histoire du Maroc auquel son père a été témoin et surtout survivant : celui du coup d’Etat de Skhirate, puis des exécutions qui ont suivi, du bagne de Tazmamart. Pour Youssouf Amine Elalamy, on a souvent lu de la littérature carcérale sur le sujet, mais jamais personne n’a raconté l’évènement de l’intérieur et surtout de l’autre camp. Malgré la réserve de son père sur le sujet, l’auteur a pu reconstituer les faits grâce aux confidences de sa mère.
Plus loin, l’auteur pousse les limites jusqu’à partager avec son père des souvenirs qu’il n’a pas connus. A savoir les événements du 11 Septembre ou le camionneur fou de Nice. Une façon de dire les changements dans le monde, mais également de rendre hommage à ce New York qu’il a écrit il y a vingt ans, quand les tours transperçaient encore le ciel.
