Culture
Le cinéma de Belabbes revu par la photo de Kilito
Du 5 juin au 1e juillet, les murs de l’Uzine seront recouverts d’émouvants clichés du photographe M’hammed Kilito. Issues d’une rencontre haute en émotion et en créativité avec le cinéma de Hakim Belabbes, les photos rendent hommage au monde derrière la scène.

Il a choisi le titre simple de «Cinéma Caméra» pour une exposition à la fois dense et émouvante. Il aurait pu l’intituler «Que sont ces mains-là devenues?». Mais peut-être est-il judicieux d’en dire peu, quand on se prépare à montrer beaucoup… Quelle que soit la philosophie du photographe M’hammed Kilito, son exposition prévue du 5 juin au 1er juillet, parle pour ces artisans de Bejaâd, qui ont inspiré il y a dix ans le cinéaste Hakim Belabbes. Profondément humaniste, son film «These hands» ne pouvait laisser indifférent un chasseur de beauté et d’émotion comme M’hammed Kilito. Le résultat saisit par son réalisme implacable, mais combien déroutant, tant il transforme le regard sur l’ordinaire.
Ces mains-là…
«These hands» (Ces mains-là) a été tourné à Bejaâd en 2008. Hakim Belabbes y revenait sur le destin des artisans de sa ville natale. Potiers, forgerons, tisseuses, projectionnistes : le cinéaste s’est attelé à humaniser ces professions pour raconter, à travers ses personnages, «la mémoire de Bejaâd».
Dix ans plus tard, M’hammed Kilito revient sur les pas du cinéaste, pour tenter de retrouver ces personnages émouvants et raconter, à travers la photo cette fois, ce qu’ils sont devenus. Parmi les survivants, certains acceptent de poser. D’autres refusent…
Pour ne rien manquer du périple du cinéaste et pour abonder dans son approche sociologique, M’hammed Kilito traverse les rues et les places de la petite ville, pour en saisir la poésie, la mélancolie ou les traces du temps. Une deuxième vie est, ainsi, donnée à cette œuvre à la fois humaine et nécessaire, l’inscrivant dans une dimension aussi bien artistique que d’intérêt public.
Mission sensibilité
Le travail de Kilito s’est démarqué depuis ses premières expositions. Et pour cause. Le photographe n’est pas de ces traqueurs de la superficialité et de la beauté factice. Il s’emploie au contraire à capturer l’émotion et l’histoire. Pas étonnant que ses clichés sont souvent sollicités pour renseigner sur la situation générale du Maroc, à travers des scènes de vie quotidienne.
Fort de son sens de l’observation et armé de patience, M’hammed Kilito ne dégaine son appareil que pour raconter la bonne histoire, poser la bonne interrogation. Dans une démarche ouvertement sociologique et engagée, il interroge les contrastes socioéconomiques, la migration, l’identité ou le déterminisme social. Le photographe implique ainsi son art dans la réflexion sociale, faisant le pont entre perception et pensée.
M’hammed Kilito est titulaire d’une maîtrise en science politique. Son travail s’appuie également sur son bagage en sciences sociales. En témoigne le beau livre «Un si long chemin : paroles de réfugiés au Maroc», dans lequel il collabore avec l’écrivain et psychanalyste Jalil Bennani.
Le photographe expose fréquemment au Maroc et à l’étranger. Son travail a été présenté dans des galeries telles que La Rétine argentique (Marseille), l’Institut français (Rabat), la Fondation Alliances (Casablanca), Fotofilmic gallery (Vancouver), le 18 (Marrakech), la Tate Modern (Londres), la Bibliothèque nationale (Rabat), les Nuitsphotographiques d’Essaouira (Essaouira) et la Galerie Visual Voice (Montréal).
