Culture
Le Printemps du livre et des arts de Tanger appelle à la rencontre
La 22e édition du Printemps du livre et des arts s’est tenue à Tanger du 19 au 22 avril. Un riche programme en débats, en ateliers et en concerts, autour du thème de la rencontre, a animé l’enceinte du Palais Moulay Hafid. Récit d’une édition réussie.

Il faisait bon flâner dans les couloirs du Palais Moulay Hafid pendant les quatre jours de la vingt-deuxième édition du Printemps des livres et des arts. L’on pouvait découvrir des titres anciens ou nouveaux dans les stands des exposants, libraires et éditeurs, de Tanger et d’ailleurs, voler un selfie ou une dédicace à son auteur préféré, prendre une pause gourmande aux restaurants associatifs en attendant un événement ou tout simplement s’imbiber de soleil et de discussions instructives. Même se hasarder dans les ateliers pour enfants avait du charme, pour peu que l’on tolère l’excès de décibels.
L’édition du salon ne pouvait donc pas trouver meilleur thème que celui de la rencontre. «Ce thème de la rencontre nous est paru comme étant une donnée essentielle et fondamentale. A titre individuel, on n’est pas capable de se rencontrer soi-même si l’on est incapable de rencontrer les autres. A titre collectif, il ne peut pas y avoir de dialogue entre les peuples, sans rencontre. Cela vaut pour la culture, l’économie, la politique. La rencontre est au cœur de la globalisation», nous explique Jérôme Migayrou, directeur de l’Institut français de Tanger et commissaire du Printemps du livre et des arts.
En accord avec l’ADN du salon, la programmation a été développée autour de la littérature et des sciences humaines et sociales. Il s’est agi de mettre l’accent sur la rencontre amoureuse, sur l’identité et la définition de soi-même dans l’altérité, sur la rencontre intime à travers la sexualité, la rencontre radicale ou la première rencontre, celle de la maternité, ou encore langue comme territoire de la rencontre. «L’on a pensé à la rencontre des religions et à la spiritualité. Mais il nous a semblé qu’un thème aussi fondamental mériterait une édition à part», nous explique Jérôme Migayrou.
Cartes sur table
De la qualité, il y en avait à foison. Le Printemps des livres et des arts n’a pas lésiné sur les moyens pour offrir à son public des rencontres de choix avec des grands auteurs. Côté France, l’on a découvert, entre autres, le prix Médicis Frédéric Boyer, le Goncourt Gilles Leroy, le Renaudot Eric Reinhardt, l’essayiste et productrice Laure Adler… Côté écrivains marocains, l’on ne pouvait rêver une meilleure agrégation : Abdelatif Laâbi, Mohamed Hmoudane, Fouad Laroui, Abdelfettah Kilito, Mahi Binebine, Ali Benmakhlouf, Abdelhak Serhane, Jalil Bennani, Lamia Berrada, Sanaa Elaji : c’en était presque beaucoup! «Je pense que c’est le résultat de l’évolution du Printemps du livre et des arts qui aujourd’hui s’est fait une place dans le paysage culturel marocain. Mais cela tient aussi d’une agrégation des énergies qui a rendu possible un tel rassemblement», explique le commissaire de l’événement.
Ces bons gens se sont répartis sur les différentes tables rondes, signatures et lectures pour le grand plaisir d’un public venu très nombreux. La rencontre amoureuse était le sujet parfait pour faire parler Frédéric Boyer, Gilles Leroy, Lamia Berrada et Robert Juan-Cantavella. On en retient des idées précieuses qui pourraient faire l’objet d’un livre collectif : L’amour est dans le langage…
Sans jeu de mots coquins, la rencontre sur la sexualité fut tendue. Bien avant de circuler dans la salle, la parole a été disputée entre les sociologues Sanaa El Aji et Abdessamad Dialmy, devant les yeux de l’essayiste Abdelhak Serhane, autour de concepts et de notion purement académique. Ce n’était pas pour déplaire au public qui a trouvé à redire pendant et à l’issue de ce débat de deux heures.
La rencontre de l’autre à soi a été modérée par l’animateur Abdellah Tourabi, qui a amené le psychanalyste Jalil Bennani, le philosophe Ali Benmakhlouf, et le dramaturge-romancier Driss Ksikes à définir le soi et l’altérité à l’époque de la tension identitaire.
Une rencontre essentielle, dans le contexte marocain, celle de la langue, a été au centre des intérêts dimanche 22 avril. Pour en parler, l’on a sollicité le très discret Abdelfettah Kilito, l’insatiable Fouad Laroui et l’inventif Youssouf Amine Elalamy. Les langues se sont déliées…
Les arts à foison
Pour abonder dans l’esprit festif de l’événement, la littérature s’est déclinée sous diverses formes, telles que ce précieux récital de poésie d’Abdelatif Laâbi qui a happé son public, sous des airs de violoncelle de la gracieuse Lola Malique. Eric Reinhardt a sollicité la comédienne Mélodie Richard pour mettre en scène et en musique des extraits de son roman La chambre des époux. L’écrivain Marek Halter a été accompagné par la pianiste Nathalia Romanenko pour donner voix à sa trilogie des Femmes de l’Islam.
Et puisqu’il y a aussi l’art dans l’intitulé du salon, le public a eu droit à trois concerts musicaux avec le rappeur Muslim, Hamid Hadry et les incontournables Gnaoua Diffusion. Côté cinéma, deux films autour de la rencontre amoureuse ont été projetés. Il s’agit de Tassanou Tayrinou de Kamal Hachkar et Shakespeare à Casablanca de Sonia Terrab. Pour rappel, les deux documentaires ont été produits par la chaîne 2M, dans le cadre de sa collection sur l’amour.
Pour brasser large, l’événement a été l’occasion d’une éruption picturale, à travers une série de vernissages dans divers lieux de la ville. L’on pouvait découvrir de la photo et des arts plastiques à travers un parcours artistique auquel ont participé Mahi Binebine, Abdelkader Melehi, Hicham Gardaf et d’autres…
L’animation autour de la jeunesse a été particulièrement fournie. «Le but est que chacun avec son âge, sa sensibilité et son approche de lecture puisse trouver sa place dans ce salon. On a, ainsi, mis l’accent sur la jeunesse avec des ateliers d’écriture, d’illustration, de percussion, d’acrobatie, avec des spectacles pour les tout-petits, à partir de deux ans, de conte et de musique», nous détaille Jérôme Migayrou. Sur la coïncidence du Printemps du livre et des arts avec le Festival du livre de Marrakech, le directeur de l’Institut de Tanger déplore un enchevêtrement des agendas, lié aux vacances scolaires et à l’approche de Ramadan, en promettant une meilleure coordination avec les organisateurs du festival l’année prochaine.
