Culture
Lettres du Maghreb : de mots, d’espoir et de bons sentiments
Du 21 au 24 septembre, la ville d’Oujda a accueilli quelque 160 intellectuels du Maghreb, à l’occasion de la première édition de son salon du livre «Lettres du Maghreb». De l’avis des différents participants, l’événement fut un succès.

Les lettres du Maghreb ne manquaient pas d’adresse. Si la première édition de ce bel événement a souffert quelques désistements, ses autres invités ont honoré avec enthousiasme les différentes activités proposées du 21 au 24 septembre.
A l’heure du bilan, le président du salon, Mohamed Mbarki, a annoncé quelque 43000 visiteurs de cette première édition, dont 600 enfants participant aux différents ateliers et 16 rencontres littéraires, dont certaines étaient particulièrement suivies, mais surtout des ventes respectables mettant à l’honneur un public oujdi avide de lecture. Fedoua Ennajy, responsable développement aux éditions Le Fennec, a été surprise du fort engouement et de l’ouverture du public «à l’égard de certaines œuvres dont le contenu est souvent jugé osé». Même constat chez les autres éditeurs qui ont trouvé l’occasion de prendre contact auprès des libraires de la région.
Idées et débats
Parmi les axes importants de ce salon du livre maghrébin était le débat d’idées des différents participants issus des cinq pays du Maghreb, mais également de France, du Liban, de Palestine et du Sénégal, pays invité d’honneur de cette édition. Bien que «La jeunesse» ait été le sujet principal autour duquel s’articulaient les débats, les tables rondes ont porté sur plusieurs thématiques liées à l’écriture contre les murs, les plumes féminines, l’écriture et la migration, le patrimoine juif de la région de l’Oriental, ainsi que des hommages à Fatima Mernissi, Assia Djebbar, Mohamed Arkoun ou encore Mohamed Abed El Jabri.
D’autres rencontres beaucoup plus professionnelles ont traité le sujet de la nécessité de circulation de la littérature entre les pays du Maghreb, de la construction d’un imaginaire commun, ou encore des aspects pratiques comme la collaboration Sud-Sud en matière d’édition, avec possibilité de créer une charte de la coédition. Ceci aurait non seulement des retombées positives économiquement, mais permettrait de contourner le filtre de l’édition française qui livre aux différents pays du Maghreb ses propres choix littéraires maghrébins…
Sans frontières
Même si Lettres du Maghreb n’avait pas vocation à traiter les aspects politiques de la constitution du Maghreb, les différents débats convergeaient mélancoliquement vers ces frontières fermées entre le Maroc et l’Algérie. Pour l’Algérien Hocine Tandjaoui, «tout intellectuel maghrébin a ce rêve flottant de pouvoir circuler de part et d’autre des frontières», surtout lorsque les liens familiaux l’appellent des deux bords. Yassin Adnan a tenu à témoigner d’un passé estudiantin où, bourse en poche, il prenait le train de Marrakech à Alger, pour rencontrer ses amis.
Mais pour le politologue Omar Saghi, l’union du Maghreb n’a jamais existé historiquement. «On pourrait évidemment s’y atteler si l’envie y est, mais politiquement on ne va pas du tout dans ce sens». L’écrivain et historien Abdeslam Cheddadi nuance le propos en expliquant que «la communauté européenne a commencé à se créer cinq siècles avant l’Union l’européenne et ce par le biais des traductions et de la culture». L’on pourra donc formuler un projet politique si l’on arrive à formuler un projet culturel. Pour Hafid Gafaiti, poète algérien né à Oujda, «le Grand Maghreb ne veut pas dire l’effacement des différences ou des Etats. Il y a de toute façon une communauté du destin des pays du Maghreb. Je suis optimiste quant à l’avenir de la région». Que ferait-on sans poésie…
