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Carrière

Entrepreneuriat social : entretien de Adnane Addioui Directeur d’Enactus Morocco et président du Centre marocain pour l’innovation et l’entreprenariat social (CISE)

L’entrepreneuriat social est présent dans tous les secteurs : énergie, santé, éducation… L’incubateur Dare Inc du Moroccan CISE a pu accompagner plus de 80 projets en 2 ans et soutenir la création de 22 entreprises.

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Adnane Addioui
Directeur d’Enactus Morocco

Pour Adnane Addioui, directeur d’Enactus Morocco et président du Centre marocain pour l’innovation et l’entreprenariat social (CISE), les Marocains portent un intérêt certain pour l’entrepreneuriat social mais tout reste à faire pour développer des mécanismes d’accompagnement.

L’entrepreneuriat se développe de plus en plus au Maroc. En quoi consiste t-il déjà ?

En effet, le “Social Entrepreneurship” ou encore le “ Social Business” s’est développé au début des années 70 dans l’environnement anglo-saxon. Durant les cinq dernières années, on parle beaucoup plus de concept impact entrepreneurship dans le milieu des affaires. C’est pourquoi dans l’état actuel, on assiste à de profondes divergences en termes de définitions et d’approches. En effet, l’entrepreneuriat social dans un contexte anglo-saxon est assimilé à l’innovation, la création de richesse et un modèle économique avec un objectif social qui inclut aussi la durabilité économico-sociale et l’environnemental.

En termes simples, l’entrepreneuriat social consiste à résoudre une problématique sociale (inclus la culture, l’environnement…) à travers des modèles économiques viables et qui créent de la valeur ajoutée.

Au Maroc, l’économie sociale est relativement assez développée. Depuis une quinzaine d’années, un peu avec l’avènement de l’Initiative nationale de développement humain (INDH), les termes “solidaire”, “sociale” “activité génératrice de revenus- AGR”, “coopératives” sont devenus monnaie courante…

Cette économie sociale et solidaire (ESS) vise en en effet a intégrer socialement et économiquement des populations marginalisées (très souvent des femmes dans le rural) à travers la création d’activité pour pouvoir améliorer leur revenu quotidien. De ce fait, et vu le “push” de l’INDH, de nombreux projets se sont développés (en majorité dans l’artisanat ou encore l’agriculture et l’élevage) avec des milliers de coopératives (environ 12 000 actuellement) et un nombre très important d’associations (on compte environ plus de 150 000 associations bien qu’il n’existe aucun moyen actuel pour vérifier la pérennité ou encore l’activité de ces associations).
Ceci étant, le Maroc reste encore très inspiré du modèle de l’ESS français que je nommerai 1.0 qui été la référence depuis les années 80 jusqu’à très récemment.

Les premières organisations de soutien de l’économie sociale ont commencé à émerger en 2012 dont le Centre marocain pour l’innovation et l’entreprenariat social (CISE) que je préside actuellement. Il s’est donné comme mission de trouver des solutions entrepreneuriales innovantes pour chaque défi social au Maroc.

Il faut dire aussi que les questions d’allier rentabilité économique et impact social sont encore récentes et le sujet commence a suscité de l’intérêt et le soutien financier de la part du secteur privé en l’absence de mécanisme de soutien public et d’un cadre législatif dédié.

A ce jour, il existe une vingtaine d’entreprises, toujours en amorçage, qui se définissent comme étant des “entreprise sociales”. Certaines structures telles que l’AMH, qui est devenue Groupe AMH, ont muté vers cette voie aussi.

Comment devenir entrepreneur social ?

En identifiant un besoin social puis en développant une solution et la transformer en business, relativement facile peut-on dire.

Qu’est ce qui poussent les jeunes à prendre cette voie ?

J’ai la chance d’accompagner des milliers de jeunes au Maroc séduits par le concept. En effet, l’envie de changer la situation, d’améliorer la société, de se sentir utile tout en réalisant des actions concrètes est un facteur encourageant pour beaucoup de jeunes.

La demande dépasse l’offre actuellement. Pour donner un exemple, le programme Enactus a triplé le nombre de jeunes bénéficiaires du programme en 3 ans et presque doublé le nombre de projets implémentés et surtout à ce jour plus de 30 entreprises ont déjà été créés.

L’incubateur Dare Inc lancé par le Moroccan CISE a lui aussi à ce jour pu accompagner plus de 80 projets sur 2 ans, soutenir la création de 22 entreprises et investis en amorçage sur 19.

Nous poussons également les jeunes à créer leur propre emploi et de ne pas être dans la logique d’attentisme ou d’assistanat. Si nous voulons être ambitieux, nous pouvons dire que nous pouvons créer toute une génération d’entrepreneurs sociaux, pourquoi pas près d’un 1 million d’entrepreneurs si les moyens sont mis à disposition. Cela devrait coûter environ 300 MDH. Nous pouvons imaginer les externalités positives que nous pourrons avoir pour le pays : plus d’emplois décents, plus de valeur ajoutée et plus d’inclusivité.

Faut-il avoir des compétences particulières ?

De l’ambition, beaucoup de patience et une volonté de changer la société, tout le reste peut être développé.

Vous accompagnez les porteurs de projet dans ce sens. Quelle est la nature des projets ?

L’entrepreneuriat social est présent dans tous les secteurs: énergie, santé, éducation… Il est important de savoir que ce n’est pas destiné à un secteur ou une cible particulièrement, mais plutôt un mode de pensée ou encore un paradigme différent.

Il est limité par son aspect peu lucratif. Comment assurer la pérennité d’un projet ?

C’est une supposition dangereuse et un stéréotype. En effet, il ne s’agit pas de faire peu ou beaucoup d’argent, mais plutôt des modèles opératoires différents. Il faut savoir que l’exigence de rentabilité est double vu qu’elle est économique et en termes d’impacts. Tout cela pousse les entrepreneurs à innover pour rester pérenne et à impacter la société. A l’international, nous pouvons trouver des entreprises sociales qui réalisent d’importants résultats financiers.

Pour clôturer, je pense qu’au Maroc, si nous ne procédons pas au changement de modèle économique, nous risquons de creuser davantage les disparités sociales. Actuellement et contrairement à plusieurs pays, il n’existe pas d’initiatives gouvernementales pour soutenir les entrepreneurs sociaux et les organismes de soutien.Tout le monde veut des entrepreneurs et de l’accompagnement, mais personne ne veut payer. Au Maroc, la quasi-majorité des initiatives est financé par la Fondation OCP qui est la seule structure existante et qui permet de garantir la viabilité de l’écosystème et de fondations internationales tel que la Fondation Drosos.

Dans d’autres pays, les communes et les régions soutiennent les incubateurs, les programmes d’accompagnement et les entreprises dans leur vision de responsabilité partagée.