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Affaires

La CGEM… un an après

Pour de nombreux patrons, le changement est palpable : la nouvelle équipe est plus efficace et plus accessible.
Pour d’autres, mécontents, le président ne se concerte qu’avec ses proches et les résultats ne sont pas au rendez-vous.
De l’avis général, il faudra attendre la deuxième année pour porter un jugement plus tranché.

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C’était il y a onze mois, le vendredi 30 juin 2006, précisément. Ce jour-là, les patrons devaient désigner le nouveau président de la CGEM. L’élection, quoique sans grand enjeu, Moulay Hafid El alamy étant l’unique candidat, n’en était pas moins importante. Après six années de l’ère Hassan Chami, marquées, vers la fin, par des dissensions internes qui avaient miné le pouvoir d’influence de la confédération, les patrons espéraient bien tourner la page… Ce 30 juin, donc, Moulay Hafid Elalamy était porté à la tête du patronat, jouissant d’un crédit d’image assez substantiel et amenant, dans son sillage, nombre d’entreprises à se réconcilier avec la CGEM. Comme le veut la tradition, à la suite de son élection, il sera monté au pupitre pour faire un long discours-programme.

Il y a près d’un an, Moulay Hafid El alamy avait promis le changement. Dans un mois, il aura bouclé la première année de son mandat. Y a-t-il eu réellement des changements ? L’efficacité, le pragmatisme, le professionnalisme promis se sont-ils illustrés par des actions concrètes ? Le ramage se rapporte-il au plumage ?

Les pour, les contre et les «centristes»
LaVie éco a posé la question à des patrons,membres de la CGEM, à des présidents de fédérations et même à des membres du conseil d’administration, y compris ceux cooptés par M. El alamy.
De leurs témoignages, deux grands constats se dégagent d’emblée : pour la plupart d’entre eux il est normal que la première année ait été surtout consacrée à la mi économie en place des structures internes de la CGEM.

Pour les dossiers de fond, en revanche, et c’est le deuxième constat, les patrons sondés pensent qu’il faudra attendre la deuxième année pour voir des résultats palpables. Cela dit, et au-delà de ces deux éléments saillants, les avis et impressions sur la prestation de la nouvelle équipe aux commandes restent partagés entre trois tendances. Dans la première, on retrouve les franchement positifs qui, sans hésiter, affirment que M. Elalamy et son équipe «ont fait du bon travail depuis leur arrivée».

Principaux éléments mis en avant : efficacité, accessibilité et proximité. Ainsi, le président de la Fédération des transports, Abdelilah Hifdi, pour qui «le bilan de cette première année est incontestablement positif » se dit «agréablement surpris par l’efficacité et la capacité d’écoute de la nouvelle équipe ». Il en donne pour preuve le soutien inconditionnel apporté par le bureau, et particulièrement le président, à la fédération durant les durs moments de grèves et de négociations qu’a connues le secteur. Le président de la fédération ajoute, par ailleurs, l’avancement des chantiers du secteur avec, entre autres, deux réunions déjà tenues avec le Premier ministre, et la concrétisation imminente d’un partenariat avec les transporteurs espagnols. Hassan Sentissi, président de la Fédération des industries de l a p ê c h e (Fenip), reconnaît, pour sa part, que «le nouveau président est plus accessible, a fait réellement preuve d’une approche nouvelle et ne ménage pas s e s e f f o r t s pour y arriver ». Pour le patron de la Fenip, qui estime n’avoir pour l’instant pas de reproches à faire, «on ne peut pas demander des miracles en un an».

Une CGEM plus faible ou moins claironnante ?
Cette nouveauté dans l’approche, le patron de l’Amica, Larbi Belarbi, la retrouve, lui, dans «une meilleure organisation du travail, une meilleure coordination et une plus grande efficacité de l’équipe». Mais au-delà, M. Belarbi y voit aussi «une approche plus dynamique des affaires et un alignement de la CGEM sur les orientations de développement du pays». Dans ce que certains qualifient d’alignement, d’état d’esprit plus positif, d’autres par contre voient un affaiblissement de la position de la confédération, n’hésitant pas à parler d’une CGEM «plus docile,moins revendicative, moins présente sur la scène du débat», comme l’affirme un industriel membre du conseil d’administration.

Ce deuxième courant, minoritaire il faut le dire, est celui des mécontents. Et les critiques adressées par ces derniers à M. El alamy sont nombreuses. La première est «l’absence de résultats concrets après une année d’exercice», dénonce l’un d’entre eux. «Que faites-vous de la baisse de l’impôt sur le revenu, des amendements au Code du travail déjà remis au gouvernement, du travail fait dans la formation… », répond pour sa part M. El alamy. «Si, pour être visible, poursuit-il, je dois faire débattre pour débattre ou faire du folklore, ce n’est pas ma conception de la CGEM». Pour son vice-président, Hammad Kessal, «on ne peut pas demander des résultats sur les grands dossiers alors que les équipes n’ont commencé réellement à travailler qu’en janvier 2007».

Mais ce n’est pas tout car les mécontents reprochent aussi au président le manque de concertation, sa tendance à travailler avec un groupe réduit de proches et pas avec les autres, son absence des locaux de la CGEM et bien d’autres griefs. Quant aux commissions, dans leur nouvelle configuration, cheval de bataille de M. El alamy, certains estiment que beaucoup d’entre elles ne fonctionnent pas. Reproche queM. El alamy accepte, en faisant remarquer que «les commissions ne peuvent pas toutes fonctionner de manière optimale et d’un coup». D’ailleurs, la CGEM s’apprête à ce titre à recruter 7 chargés de mission dont chacun assurera le suivi des travaux de deux commissions. Des profils, nous diton, triés sur le volet. Entre le noir et le blanc, il y a le gris, le courant des centristes. Dans cette catégorie, l’appréciation est mitigée et se résume ainsi : «Il est, certes, trop prématuré de faire un bilan, il est normal que la première année ait servi à la mise en place des structures, un travail important a été fait sur la démarche et la méthodologie mais, sur les grands dossiers et les travaux de commissions, nous n’avons encore rien vu», affirme le patron d’une fédération.

Cette catégorie d’adhérents, moins alarmistes que d’autres, juge néanmoins que les résultats ne doivent pas non plus trop tarder. Pour le président, il faut nuancer : «Il y a résultat et résultat ». Le travail accompli par les commissions comme celles de la fiscalité, de l’emploi, de la formation, du «label CGEM» et qui a abouti à des dossiers solides, qui permettront à la CGEM d’être en meilleure position, constituent pour lui un résultat en soi. Pour Hammad Kessal, également, «le changement d’approche, le fait que la CGEM soit passée d’une institution de revendication à une institution de proposition, le regain de confiance des patrons dans leur confédération sont autant de résultats concrets à mettre à l’actif de la nouvelle équipe». Il est vrai que les patrons ne jugeront que sur pièce. La nouvelle équipe est très attendue, entre autres, sur les dossiers chauds comme la prochaine Loi de finances ou encore les amendements au Code du travail. Moulay Hafid El alamy se dit prêt à mener la grande bataille. Entre les «quand donc ?» et les «bientôt », en attendant, il faudra naviguer…

Programme

Ce qui a été promis, ce qui a été fait

A son arrivée en juin 2006 à la tête de la CGEM, M. Elalamy s’était engagé à :
– Elargir le nombre d’adhérents età faire en sorte que les cotisations soient payés ;
– Renforcer l’assise financière en développant de nouvelles sources de financement ;
– Changer les méthodes de travail de la CGEM en la dotant de structures internes plus professionnelles, en se concertant et en faisant beaucoup de proximité surtout avec les régions ;
– Changer l’approche de la CGEM sur les grands dossiers comme la fiscalité et le Code du travail.

Qu’est-ce qui a été fait de tout cela ? Les commissions «new look» mises en place en septembre. Certaines d’entre elles, il faut le reconnaître, ont accompli un premier travail important dotant la CGEM de dossiers de fond. D’autres, par contre, n’ont pas réellement démarré comme celle de l’économie ou de la logistique. Pour ce qui est de la structure permanente, on citera d’abord l’arrivée d’Amina Lamrani au poste de directrice déléguée et, prochainement, de 7 chargés de mission qui suivront le travail des commissions. On signale d’autres nouveautés comme la refonte de la revue «CGEM info» et, prochainement, la mise en ligne d’un nouveau site internet. Pour ce qui est de la proximité, l’équipe de M. Elalamy met en avant la tenue en une année de trois conseils d’administration en dehors de Casablanca.

Enfin, en matière d’élargissement du nombre d’adhérents, il y a aujourd’hui 2 650 adhérents à la CGEM et 30 000 adhérents indirects à travers les fédérations. Il y a un an, il y avait 6 400 voix potentielles, aujourd’hui leur nombre est de 7 600. 60% des adhérents sont à jour de leurs cotisations

Questions à:

Moulay Hafid Elalamy : je ne suis pas là pour faire du folklore !

Moulay Hafid El Alamy
Président de la CGEM

La Vie éco :Depuis juin 2006, vous semblez avoir donné la priorité à la mise en place de l’outil de travail, des structures. Ce chantier est-il clos ?
Oui. Les structures et les équipes sont aujourd’hui opérationnelles et elles fonctionnent. Mais le besoin est encore très important et le travail qui reste à faire est colossal.

Les patrons interrogés par «La Vie éco» veulent bien admettre que la 1ère année a été celle de la mise en place des structures mais ils attendent du concret…
Les gens qui sont dans le conseil d’administration sont informés de ce que nous faisons et des résultats que nous obtenons sur certains dossiers. Nous avons aujourd’hui des dossiers solides dans l’emploi, le Code du travail, la fiscalité, la formation… Nous pouvons aller négocier avec plus de chances de convaincre. Ce n’est pas facile de réaliser des dossiers «en béton», avec des benchmark, des argumentaires. Faire ce qui ne s’est jamais fait à la CGEM auparavant, n’est-ce pas là un résultat en soi ? La baisse de l’impôt sur le revenu (IR) n’est-elle pas un  résultat ? Nous ne rendons pas public tout ce que nous faisons ou tout ce que nous obtenons comme résultats.

Mais les patrons vous attendent sur des résultats plus concrets, comme la baisse de l’IS, par exemple…
Pour ce qui est de la  fiscalité, je l’avais dit à mon arrivée, il faut changer de méthode. Il ne sert à rien de venir chaque année à la même époque et revendiquer les mêmes choses. Grâce au travail de la commission  fiscalité», nous avons aujourd’hui un vrai dossier de 120 pages et qui est défendable. Ce qui n’était pas le cas au moment des discussions de la Loi de finances 2007. Et les discussions sont déjà ouvertes avec le gouvernement et l’administration. Idem pour le Code du travail pour lequel nous avons remis des propositions au gouvernement.

Au moment de votre élection, les patrons de PME étaient inquiets surtout après votre décision de dissoudre leur fédération…
Ils avaient tort. Pour la PME,  il y aura prochainement des décisions importantes que je ne peux pas divulguer pour l’instant. Mais il ne faut pas voir le résultat uniquement en terme de ce que l’on obtient. Les commissions ont bien travaillé pour préparer les dossiers. Et avoir un bon dossier, c’est déjà un pas vers le résultat.

Justement certains critiquent le travail des commissions et disent que certaines d’entre elles ne fonctionnent pas…
C’est vrai. Les commissions ne peuvent pas toutes fonctionner de manière optimale et en même temps. Certaines sont très avancées et même plus avancées que je ne le prévoyais, d’autres non. Je vous l’accorde.

Certains, y compris au sein du conseil d’administration, trouvent que la CGEM de Moulay Hafid Elalamy est plus docile, moins critique, moins revendicative, moins présente sur la scène du débat national…
Ma conception du débat n’est pas de faire du folklore. Des débats, nous en avons quotidiennement avec le gouvernement, les syndicats et d’autres partenaires. S’il s’agit d’être visible sur la scène pour ne rien dire, cela ne sert à rien  et ce n’est pas ma conception de la CGEM. Le plus important ce sont les réalisations sur le terrain.

Il était question aussi d’assainir la situation de certaines fédérations et unions régionales. A part la Fenagri et  l’Union de Rabat, les autres cas n’ont pas encore été réglés comme l’Union d’Oujda en veilleuse, la fédération du BTP, la fédération de l’enseignement… Où en êtes-vous ?
Il reste aujourd’hui deux cas en suspens. Celui de la fédération de l’enseignement et celui de la FNBPT. Pour la première, ce sont les adhérents qui n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord mais la commission chargée du
dossier tente de solutionner le problème. Le cas de la FNBTP est à mon sens le plus problématique. Il a été discuté lors du dernier conseil et j’ai annoncé que si d’ici fin mai la fédération ne se met pas en conformité, le prochain conseil, prévu pour fin mai, sera obligé de prendre les décisions qui s’imposent.

Il paraît que vous ne vous concertez pas suffisamment avec les membres…
On ne peut pas se concerter  avec tout le monde sur toutes les questions. Quand il y a des décisions à prendre sur des questions  précises, ou des dossiers pointus à étudier, il est normal qu’on les confie à des personnes ou à des équipes plus expertes et qui apportent de la valeur ajoutée. Moi-même je ne suis pas présent sur des dossiers soit parce que je ne m’y connais pas soit parce que je n’ai pas le temps.

Tout le monde ne peut avoir son mot à dire sur tout. D’un autre côté, si des personnes ne se manifestent pas, je ne peux pas savoir qui peut apporter quoi sur telle ou telle question.

… et que vous n’êtes pas  présent physiquement dans les locaux de la CGEM, la plupart du temps. Un risque de démotivation chez les salariés permanents existe…
Il est vrai que je ne passe pas beaucoup de temps dans les locaux de la CGEM, mais je consacre 80% voire  90% de mon temps aux  dossiers de la CGEM. La raison est simple : les locaux actuels de la CGEM ne se prêtent pas à certaines activités comme par exemple l’accueil d’invités de marque, de délégations  d’investisseurs…

Nous sommes obligés de le faire ailleurs. Ce problème ne se posera plus à partir de juillet puisque nous emménagerons dans notre nouveau siège qui, lui, est plus adapté. Quant à la démotivation que vous évoquez des salariés parce qu’ils ne voient pas leur patron, je vous rappelle que leur patron ce n’est pas moi mais le directeur délégué.

Des déceptions, des frustrations, des satisfactions, au terme de cette première année ?
D’abord je n’imaginais pas qu’à la CGEM il pouvait y avoir une masse de travail aussi énorme. Oui, bien sûr, je suis frustré de ne pas voir les choses avancer comme je l’aimerais. Mais c’est aussi source de satisfaction que de sentir les gens mobilisés et prêts à donner de leur temps et sans contrepartie. J’ai appris beaucoup de choses en travaillant avec des femmes et des hommes venus de divers horizons, avec des patrons, des  fonctionnaires, des syndicalistes… J’ai été agréablement surpris par l’implication des membres. Mais il faut faire attention car cette dynamique est encore fragile. Il faut la préserver et trouver la bonne relève pour la conforter et la transmettre.

Vous briguerez un second mandat en 2009 ?
Je ne sais pas et je n’y pense pas encore