Affaires
La TPE, la poule aux œufs d’or des banques !
Chasse gardée de la Banque Populaire il y a encore quelques années, cette clientèle est aujourd’hui courtisée par quasiment tous les établissements de la place n Les banques s’appuient sur ce segment pour relancer le crédit dans un contexte de faible appétit des PME et des grandes entreprises.

Les banques se ruent sur la clientèle des très petites entreprises (TPE)! Cette cible -généralement caractérisée par un plafond de chiffre d’affaires de 3 MDH, sachant que les segmentations varient d’un établissement à l’autre- est aujourd’hui courtisée par quasiment tous les opérateurs de la place. Il y a encore peu, seule la Banque Populaire s’y intéressait vraiment. «Par sa vocation historique, ce groupe a acquis une bonne maîtrise de ce segment sur lequel il s’est taillé la part du lion avec une part de marché dépassant les 60%», explique un banquier.
Attijariwafa bank a été la première à chercher à faire bouger les lignes. Depuis plus de deux ans, la banque a lancé une offre agressive adossée à une organisation interne spécifique à la TPE, basée sur une architecture informatique permettant une simplification des procédures de prise en charge des demandes de financement. Une partie du réseau commercial a en outre été dédiée à cette clientèle. Pour bien souligner ses ambitions, Attijariwafa bank a pris l’habitude d’annoncer par avance le montant de crédits qu’elle s’engage à placer chaque année auprès des TPE. Ces budgets sont allés croissants: 5 milliards de DH en 2014 et 2015, 6 milliards de DH en 2016 et 7 milliards de DH prévus sur l’année en cours.
Plus récemment, c’est BMCE Bank of Africa qui s’est montrée prête à en découdre sur ce marché. Le groupe a, entre autres actions, musclé son effort de prospection en lançant une opération de démarchage de plus de 150000 commerçants et artisans à travers plus d’une trentaine de villes. Les autres établissements, sans décliner une stratégie dédiée à la TPE, semblent tout aussi désireux d’avoir une part du gâteau. Les banques poussent la minutie jusqu’à adapter leurs efforts commerciaux au cycle d’activité des toutes petites entreprises en fonction de leur secteur. Des directeurs d’agence disent ainsi être poussés par leurs sièges à prospecter les petites librairies pendant la rentrée scolaire, les vendeurs de dattes pendant le Ramadan… Mieux que cela, ils ont toute latitude pour adapter les financements proposés afin de coller au mieux au rythme de l’activité des petits business. Bien entendu, dans tout cela la Banque Populaire ne se laisse pas faire et le groupe met notamment en avant des taux de financement à destination des TPE parmi les plus avantageux du marché.
Le statut de l’auto-entrepreneur rassure les banques
Si les banques jettent aujourd’hui leur dévolu sur les petits business, c’est parce que les autres segments ne sont pas au mieux de leur forme, assurent d’une même voix les banquiers. «Les grandes entreprises continuent certes à peser le plus dans la demande de financements, mais force est de constater qu’elles ne représentent qu’un volume relativement limité de dossiers», explique un directeur d’établissement. Il faut dire que dans la conjoncture actuelle la demande est surtout liée aux quelques grands projets d’infrastructures, principalement la LGV, ainsi que le programme d’investissement de l’OCP, la clientèle corporate étant restée quasi-inactive sur les derniers mois, assurent les professionnels. Pour sa part, la PME est «proprement asphyxiée par les délais de paiement à rallonge», selon les termes d’un banquier. «De nombreuses entités qui affichaient une santé solide il y a 4 ou 5 ans agonisent aujourd’hui», assure-t-il. Difficile donc de voir cette cible consommer davantage de crédits. En revanche, la TPE qui a pendant longtemps rongé son frein, entretient une croissance à deux chiffres de ses financements, depuis que les banques s’y intéressent, certifient les professionnels.
Un ensemble d’efforts déployés par les pouvoirs publics en faveur de la TPE ont aussi encouragé les banques à s’intéresser davantage à cette cible. Parmi ces mesures figure bien sûr le statut de l’auto-entrepreneur qui, selon les spécialistes, contribue à rassurer les banques sur la structure et l’organisation de ces entités. S’ajoute à cela le fonds de soutien à la TPME ou encore le produit de garantie des financements en faveur de ces entités, Damane Express. Citons encore le mécanisme de refinancement des prêts accordés aux TPME mis en place par BAM depuis 2012. Ce dispositif permet entre autres aux établissements de bénéficier, chaque année, d’avances pour un montant égal au volume des crédits qu’elles comptent accorder aux TPME.
Des taux d’intérêt relativement élevés
Surtout, les établissements vont aujourd’hui plus franchement sur le segment des TPE parce qu’ils y trouvent leur compte en termes de rentabilité. «Fidéliser une TPE est un investissement sur l’avenir puisque ces entités sont les PME structurées et les grands groupes de demain», aiment à dire les banquiers. Mais déjà dès son recrutement cette clientèle est source de revenus attractifs. Les crédits à l’équipement lui sont facturés généralement à 7,5% si le client fournit une garantie et la barre monte jusqu’à 13% dans le cas contraire, selon les offres du marché. «C’est bien au-dessus de ce qui est facturé à la clientèle corporate dont les taux tournent actuellement autour de 4,5%», compare un banquier. Ce qui arrange plus encore les affaires des établissements c’est que contrairement aux autres segments de clientèle, les TPE ne négocient quasiment jamais leurs taux, selon les professionnels. «Le placement de produits complémentaires est aussi plus aisé auprès de cette cible. Chaque crédit écoulé s’accompagne systématiquement de la souscription d’une assurance professionnelle, voire de prêts pour les besoins personnels de l’entrepreneur», ajoute un directeur d’agence. Les TPE paient plus cher ces accessoires. Leurs financements habitat et à la consommation peuvent par exemple être facturés 0,25 point de plus que ce qui est pratiqué pour la clientèle des salariés. Bien sûr, il faut mettre cela en perspective avec la faiblesse relative des montants des crédits demandés par cette clientèle (en moyenne 90 000 DH consistant dans deux cas sur trois en crédits amortissables répartis presque à parts égales entre l’exploitation et l’équipement). Mais ces petits montants sont empruntés par une clientèle nombreuse. Surtout, il faut prendre en considération le risque que représente cette cible. Mais contrairement à l’idée répandue, celui-ci n’est pas particulièrement plus prononcé parmi les TPE. «La plupart des banques est toujours en phase d’apprentissage sur le comportement de cette clientèle et un cycle de 4 à 5 ans est encore nécessaire pour bien la cerner et affiner les systèmes de scoring déjà mis en place. Mais les premiers signaux sont encourageants avec des cas de défaillances qui restent limités», résume un directeur de banque. Avec tous ses ingrédients, la TPE s’annonce des plus prometteuses pour redresser la croissance du crédit, et il faudra désormais s’habituer à voir les banques se plier en quatre pour cette clientèle.
