Culture
«Au pays des merveilles» en salles
La réalisatrice Jihane El Bahhar vient de signer son premier long métrage. «Au pays des merveilles», en salles depuis le 15 mars, est une comédie dramatique traitant des difficultés de la vie dans les régions enclavées du Maroc profond.

Quand la bourgeoise Leila Laabidi, épouse Tazi, s’en va chercher la dépouille de son défunt mari, ce n’est pas de gaité de cœur qu’elle partage son trajet avec le chauffeur et ses proches pouilleux. Snob, grincheuse et insensible, elle ne tolère pas non plus la panne qui la condamne à loger chez une famille modeste dans les montagnes du Moyen-Atlas, qui lutte contre le froid, la fin et l’absence de soins médicaux. Et c’est tout un calvaire que va subir l’habitante d’Anfa supérieur en compagnie d’une chikha en quête de gloire, d’un chauffeur rêvant de l’uniforme de la police et d’un musicien aux multiples tics. Se nourrir de barres de chocolat car végétarienne, dormir assise pour ne pas s’étendre à côté des brebis, gaspiller l’eau cherchée à l’aube pour son caprice de toilette et s’alarmer de voir couler son mascara : l’indécence est à son paroxysme. Mais comme tout est bien qui finit bien, nous assistons à une transformation profonde chez la bourgeoise exaspérante, qui émue par la bonté de son hôtesse, l’aide à accoucher et lui sauve son bébé.
Le chaud et le froid
Dans le casting du film, Jihane El Bahhar a préféré miser sur la sécurité, en choisissant des acteurs d’expérience et de renommée, en particulier en comédie. On y a retrouvé les caricatures habituelles interprétées par Majdouline Idrissi, Aziz Dadas, Malek Akhmiss et Fadwa Taleb. Le talent certain de ces comédiens ne se sera pas épanoui plus que d’habitude. Tant que le public en rit…
Le film a été tourné à 80 kilomètres de la ville d’Azrou, dans des conditions difficiles et un climat assez proche de celui relaté dans le scénario. Deux mois ont été nécessaires à la production de ce premier long métrage, selon Jihane El Bahhar. L’absence d’infrastructures essentielles est d’ailleurs à l’origine du choix du titre du film. De façon sarcastique, cela s’entend, est merveilleux ce pays aux mille disparités et contradictions sociales et économiques. Le tournage met en valeur un paysage aride, mais puissant et imposant, loin des décors citadins habituels.
En résumé, le film a essayé d’attirer l’attention sur la souffrance des habitants des régions enclavées d’un Maroc profond ignoré, tout en adoptant une approche comique pour ne pas verser dans le pathos. Verdict ? Mis à part quelques blagues faciles ou forcées, le film se laisse voir de façon fluide et ne déçoit pas par un revirement inattendu, qui pour le coup serait incontrôlable pour la jeune réalisatrice.

Latif Lahlou,Realisateur,Producteur

Youssef Ksiyer,Humoriste
