Affaires
Crédit bancaire : le redécollage en 2017 !
Les banquiers s’attendent à une réelle croissance de l’activité. La demande se reprend, l’offre suit et les taux d’intérêt poursuivent leur détente. Les besoins sont suscités par le Plan d’accélération industrielle, la conquête du marché africain et la montée en puissance du statut de l’auto-entrepreneur.

Le crédit reprendra des couleurs en 2017. C’est ce que pronostiquent plusieurs directeurs de grandes banques de la place, confortés par des sources à Bank Al Maghrib. «Nous attendons une réelle croissance des crédits en 2017 sous l’effet conjoint des besoins nés du Plan d’accélération industrielle et de la montée en puissance du statut de l’auto-entrepreneur», affirme Rédouane Najmeddine, président du directoire d’Al Barid Bank. Le directeur d’une banque française prévoit de son côté une hausse à deux chiffres au titre de 2017. Une source bien placée à BMCE Bank of Africa (BBOA) appuie ces prévisions. Elle explique que la banque reçoit plus de demandes de crédits et confie que la tendance serait générale au secteur. «Dans le milieu bancaire on rapporte qu’il y a plus de demandes et nous ressentons que ça bouge à la fois du côté de l’offre que de celui de la demande», confirme Leila Channawi Tahri, présidente de la commission financement au sein de la CGEM. Elle fait remarquer que cette reprise se fait déjà voir dans les chiffres de la fin d’année, aussi bien sur le crédit d’exploitation que celui à l’équipement. A fin novembre, le crédit a bel et bien commencé à donner de légers signes de convalescence grâce à une croissance de 4%, à 796 milliards de DH. Le crédit aux ménages a crû de 5% à plus de 315 milliards de DH et les entreprises privées ont vu leurs encours progresser légèrement de 0,2%, à 326 milliards.
Il y a assez de liquidités sur le marché
Qu’est-ce qui rend alors les banquiers si convaincus de ce vent de relance qui souffle sur un marché en panne depuis plus de trois ans ? Sur le registre de l’offre, la quasi-totalité des responsables sondés évoquent la réunion de janvier 2016 tenue entre Bank Al-Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et le patronat. «Les engagements pris par le secteur bancaire commencent à se concrétiser avec une première vague d’actions entamées suite à cette réunion», relève Mme Channawi. Une source à la DSB affirme de son côté que BAM suit de très près l’avancement de ce chantier, se référant aux recommandations formulées et engagements pris par les parties prenantes en janvier 2016. «Ces engagements sont sérieux et ont été déclinés à travers une panoplie de mesures dont la concrétisation avance», fait savoir notre source à BAM. Elle ajoute que les comités régionaux se tiennent régulièrement pour mettre en pratique les mesures prises. Les banques ont été sensibilisées au fait de revoir leurs politiques d’octroi pour les rendre moins contraignantes, surtout pour la clientèle entreprises. De même qu’elles ont été invitées à surveiller les commissions facturées à leurs clients, notamment celles liées aux opérations de crédits.
Amine Diouri, qui mène des études régulières sur la thématique du financement des TPME chez Inforisk, estime que l’effet psychologique est très important dans cette reprise. En substance, il explique que les coups de semonce portés contre les banques par BAM, la CGEM, les fédérations sectorielles… ont fini par porter leurs fruits. «Les banques en ont assez qu’on les pointe systématiquement du doigt sur le fait qu’elles ne jouent pas la fonction qui leur échoit, celle de “financeur“ de l’économie», commente-t-il. «Il y a assez de liquidités sur le marché», abondent les banquiers. Selon BAM, en décembre 2016, le besoin en liquidité des banques s’est atténué à 14,5 milliards de DH contre 16,9 milliards en novembre, suite notamment à la baisse de la position du Trésor auprès de Bank Al-Maghrib. Ainsi, l’institut d’émission a réduit le volume de ses avances à 7 jours à 12 milliards. Tenant compte d’un montant de 4,1 milliards au titre des opérations de prêts garantis accordés dans le cadre du programme de soutien au financement de la TPME, l’encours global des interventions s’est établi à 16,4 milliards de DH. Dans ces conditions, le taux interbancaire est resté quasi stable à 2,26%. Dans le même temps, la banque centrale menace de pénaliser les banques qui ne jouent pas leur rôle dans le financement de l’économie, notamment des TPME.
En tout cas, les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi intéressants à la fois pour les particuliers et pour les entreprises, dans le sillage de la baisse à deux reprises du taux directeur. Selon la revue de conjoncture économique de BAM publiée janvier courant, le taux du crédit bancaire, toutes nature confondues, est descendu de 6,5% en 2013 à 5,3% aujourd’hui. Le crédit à la consommation est facturé en moyenne à 6,7% contre 7,3% au dernier trimestre 2013. Le crédit immobilier se négocie en moyenne à moins de 5,4%% contre plus de 6% au dernier trimestre 2013. Aux entreprises, les concours d’exploitation sont accordés à un taux moyen de 5,3% (contre 6,5% au dernier trimestre 2013) et ceux à l’équipement ne dépassent pas les 5% (contre 5,5% fin 2013). Bien que, faut-il le rappeler, ces moyennes ne reflètent pas les taux nominaux auxquels se financent les TPME, vu que les grands groupes qui pourvoient une bonne partie du crédit bancaire bénéficient de taux réduits préférentiels, elles donnent une idée sur la tendance baissière du coût de l’argent depuis trois ans.
Les banques remplissent mieux leur mission
de conseil
Autre facteur cité par les banquiers et confirmé par les opérateurs : les politiques volontaristes de plusieurs établissements de la place à destination des TPME et des professionnels. Cette clientèle suscite un fort intérêt pour les banques, comme le rappelle Hassan Bertal, directeur général adjoint chargé du marché de l’entreprise chez Attijariwafa bank. En plus des milliards de DH sur lesquelles ces banques s’engagent chaque année, certaines d’entre elles ont dédié des agences à ces catégories de clients en formant leurs collaborateurs aux problématiques spécifiques de la TPME et de l’auto-entrepreneur pour un accompagnement plus efficace.
De plus, «l’arrivée des banques islamiques va certainement dynamiser le marché et permettre d’accroître le taux de bancarisation et la distribution du crédit», estiment quelques banquiers. «Elles prêteront aux dirigeants d’entreprises en tant que personnes physiques et serviront aussi une bonne partie de PME», ajoute M.Diouri.
Du côté de la demande, les choses bougent également. «On dénombre quelques investissements récents d’entreprises optimistes encouragées par un contexte économique plus favorable et un accès aux marchés africain et russe», informe la présidente de la commission financement de la CGEM. Aussi, M. Najmeddine souligne que le PAI va certainement augmenter les besoins de financement des PME de plusieurs secteurs structurés en écosystèmes. On constate d’ailleurs que les industriels ont vu leur crédits augmenter plus rapidement que le crédit bancaire dans son ensemble.
A cela s’ajoute le fait qu’il existe un fort besoin généralisé des entreprises pour les crédits de trésorerie, souligne M.Diouri qui rappelle que les délais de paiement continuent à s’allonger.
Par ailleurs, les banquiers affirment que la demande sera certainement dynamisée par la montée en puissance du statut de l’auto-entrepreneur qui représente un vivier de plus de 3,5 millions de clients potentiels. «Toutes les banques de la place visent particulièrement cette cible. Elles sont en train de s’équiper en instruments de scoring pour pouvoir industrialiser leur process», affirme M. Diouri qui ajoute que les banques sont en train de revoir leur approche des professionnels en général du fait du potentiel énorme que recèle ce segment.
En agissant de la sorte, elles voient juste ! Ce segment surperfome le marché du crédit. A lui seul, il a réalisé 10% de hausse sur les facilités de trésorerie et 40% sur les crédits d’investissement à fin novembre 2016.
Cela dit, plusieurs banquiers rapportent aussi que les entreprises font un effort sur la présentation de dossiers de crédit qui deviennent plus «bancables». Une partie d’entre elles est arrivée à ce stade grâce à un effort de mise à niveau et de restructuration interne et d’autres se font conseiller par des cabinets et fiduciaires. Les banques aussi remplissent mieux leur mission de conseil. «Elles jouent aujourd’hui même un rôle d’accompagnement pour le montage des dossiers de crédit», relève Mme Channawi Tahri.
