Culture
Basta : peut-on résumer la souffrance engendrée par l’addiction ?
Le film marocain «Basta» est en salles de cinéma depuis le 28 décembre. Le premier long métrage de Hassane Dahani dresse un portrait noir d’une jeunesse délinquante et addict aux drogues, au cœur du drame familial.

Peut-on avoir tout dit sur les drogues et de leurs méfaits ? Et peut-on surtout résumer une fois pour toute la souffrance engendrée par l’addiction chez l’entourage familial ? Basta est peut-être un énième film traitant du sujet de l’addiction et du désœuvrement, mais la mise en évidence de la souffrance parentale interpelle l’empathie du public, en l’amenant à faire montre d’indulgence vis-à-vis des familles.
Triste jeunesse
L’histoire est simple. Deux jeunes hommes à la fleur de l’âge, Naoufal et Maati, addicts aux hachichs et autres psychotropes, n’hésitent pas à racketter les parents, voler leurs biens, agresser des inconnus à l’arme blanche, intimider l’épicier du coin et faire des allers-retours en prison pour délits itératifs. Les parents de Naoufal sont issus de la classe moyenne. Un couple cultivé et rangé, devant faire face à la gêne à l’égard de leur voisinage et aux différends permanents quant à la gestion de l’éducation du fils assisté. Souad est, quant à elle, une ado du bidonville. Sa mère, que l’exode rural a condamnée à un travail de femme de ménage, doit s’occuper seule de deux filles et d’un petit garçon pensionnaire d’un orphelinat. Quand Souad s’entiche de Naoufal, elle croit sincèrement pouvoir compter sur lui, jusqu’au jour où elle se découvre enceinte…
Sur ce tableau noir d’une jeunesse en décadence, des points de lumière jaillissent. La conscience politique de la jeune activiste Salma, qui se bat pour une transition démocratique en plein printemps arabe, vient insuffler l’espoir en une relève responsable et éveillée, moyennement intéressée par le mariage et les conformismes sociaux. Basta pointe également les gros barons de la drogue qui, rendus puissants par l’argent des drogués et le sang des familles, en viennent à marchander les vies humaines pour échapper à la justice. Une rencontre fortuite va faire confronter le baron de la drogue et ses consommateurs indirects : pour le moins fracassant !
Du sang neuf
Le réalisateur Hassane Dahani a très bien fait de miser sur de nouveaux visages. Et pour cause. Le jeu d’acteurs était des plus réalistes, au point où l’exécration du public pour les jeunes délinquants était audible dans la salle. Le personnage de Naoufal a été interprété par Fahd Lechhab, celui de Maati joué par Nabil Mansouri. Rania Taqi a interprété avec brio le rôle de Souad et Siham Hafid, la jeune activiste.
L’émouvante interprétation de M’hammed Ouaglou y est également remarquable. L’acteur incarne la douleur et l’impuissance d’un père, tiraillé par la nostalgie pour son petit garçon et la répugnance de ce qu’il est devenu. La mère, rôle interprété par Latefa Ahrare, continue à assister son fils quoi qu’il fasse, sans jamais prendre conscience de son rôle dans ce gâchis.
Autre point fort du film, la diversité des angles et prises de vue qui alimentent l’action et la tension requise dans cette histoire. L’on ressent l’influence du cinéma américain indépendant sur le réalisateur qui a fait des études de cinéma à Sarasota, en Floride, et qui a déjà signé plusieurs courts-métrages entre les USA et le Maroc. Bien que ce premier film soit un peu trop fragmenté, il transmet efficacement le message d’alerte du réalisateur.
