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Tournée royale en Afrique : Le Maroc s’investit, rassure et convainc

Le Maroc et le Nigéria signent un accord gazier, un bon jalon pour un modèle d’intégration de l’Afrique de l’Ouest. La tournée royale en Afrique de l’Est et anglophone annonce un retour en force du Maroc au sein de l’UA. Lors de ces visites africaines, la dimension religieuse n’est jamais absente avec la promotion d’un islam modéré et la lutte contre le radicalisme.

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Le Maroc et le Nigeria

Première en son genre, la visite royale au Nigéria, les 2 et 3 décembre, illustre à bien des égards le choix du Maroc de diversifier ses partenariats aussi bien au niveau géopolitique qu’au niveau économique. Cette visite, la dernière de la deuxième étape de la tournée africaine du Souverain, confirme, une fois de plus, que la politique africaine du Maroc a une portée véritablement continentale au-delà de l’Afrique occidentale et centrale. Cela d’autant que ce pays est, rappelons-le, l’un des rares qui reconnaissent encore la fantomatique «RASD». Avant le Nigéria, le Souverain s’est rendu en visite en Tanzanie et en Ethiopie, deux principaux pôles économiques et stratégiques de l’Afrique de l’Est. La visite en Tanzanie s’est même soldée, entre autres retombées économiques et politiques, par une inflexion majeure dans la position de ce pays sur la question du Sahara. Quant à l’Ethiopie, qui abrite de siège de l’UA, la visite royale dans ce pays ouvre la voie à un avenir prometteur pour les relations entre les deux Etats. Dans tous les cas, cette tournée reflète l’expression de la volonté du Maroc, portée au plus haut niveau, d’étendre le modèle de coopération Sud-Sud déjà développé avec ses partenaires traditionnels sur le continent. On retiendra particulièrement de la visite du Souverain au Nigéria la signature, samedi 3 décembre, devant les deux chefs d’Etat, d’un accord de construction d’un pipeline transafricain qui acheminera le gaz nigérien jusqu’aux portes de l’Europe. C’est d’abord un projet conçu par les Africains et pour les Africains, le gazoduc Nigéria-Maroc est une initiative historique qui consacre, une fois de plus, la vision royale d’une Afrique maîtresse de son destin, qui prend en main son propre développement. Appelé à relier les ressources gazières du Nigéria, celles de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et le Maroc, ce pipeline s’inscrit dans le cadre de la vision commune des deux chefs d’État pour un développement durable, une coopération Sud-Sud fructueuse et solidaire, et une intégration économique régionale accrue. Ce méga-projet a ceci d’important qu’il favorisera ainsi une intégration économique plus profonde, accélérera, comme le précise un communiqué conjoint des chefs de diplomatie des deux pays, la transformation structurelle des économies nationales de la région, plaçant ainsi toute la région sur le chemin d’une croissance plus forte et plus verte. Le Maroc a déjà réussi à obtenir l’adhésion de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest pour ce projet qui acheminera le gaz nigérian jusqu’au marché européen.

Dans le sillage de la COP22

Signe du sérieux et de l’impact de ce projet, la nervosité des médias algériens. C’est que l’Algérie avait déjà entamé en 2002 des négociations avec le gouvernement nigérian en vue d’un projet similaire à travers le Sahel. Mais il n’a pas pu se faire notamment pour des raisons sécuritaires, mais aussi de gouvernance du projet. Le voisin de l’Est ne voit pas non plus d’un bon œil le déroulement sur le terrain de la nouvelle politique africaine du Maroc. Entre deux offensives diplomatiques hautement hostiles, l’Algérie tente quelques effets d’annonce. Le dernier coup en date étant cette tentative de repositionnement de l’Algérie en Afrique sur le plan économique avec son Forum d’investissement organisé en début de ce mois qui, selon la presse locale, a été un fiasco total à tous les égards. D’abord par la sous-représentation des rares pays qui ont décidé de s’y rendre, ensuite par son organisation qui a mis en évidence un cafouillage au niveau des centres de décision et la faible présence des opérateurs économiques conviés en masse.

Pour revenir à ce méga-projet d’intégration régional, il faut dire qu’une telle initiative s’inscrit en droite ligne du discours prononcé par le Souverain à l’ouverture du Sommet africain de l’Action, tenu à Marrakech en marge de la 22e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP22), dans lequel S.M. le Roi avait invité les pays africains à «dessiner une Afrique résiliente aux changements climatiques, une Afrique qui s’engage résolument sur la voie du développement durable».

Le gazoduc Nigéria-Maroc, qui sera conçu avec la participation de toutes les parties prenantes, contribuera également au renforcement du dialogue et de la coopération entre les pays de la région de l’Afrique de l’Ouest et même au-delà. Pour assurer plein succès à ce projet, les deux pays ont convenu de mettre en place un organe de coordination bilatéral chargé de suivre le projet. Une coopération stratégique qui confirme, encore une fois, la place de choix qu’occupe l’Afrique dans la politique étrangère du Royaume. Elle représente un «symbole fort» et ouvre de nouvelles perspectives pour la coopération entre le Maroc et le Nigéria, voire entre le Royaume et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

L’UA a besoin du Maroc

Faut-il préciser que dans ce discours lors du Sommet africain de l’Action, S.M. le Roi avait également exprimé la détermination du Maroc à renforcer sa contribution à la défense des intérêts vitaux de l’Afrique au sein de l’UA. Il ne faut pas l’oublier, le Maroc, un pays stable, qui ne cesse de réaliser des percées économiques remarquables, malgré une conjoncture très défavorable, aura certainement une précieuse contribution à apporter à l’Union africaine (UA).

L’organisation panafricaine, estiment des experts en relations internationales, pourrait tirer un grand profit du retour du Royaume en son sein. L’UA pourrait clairement bénéficier du retour d’un membre au statut particulier comme le Maroc. Le Maroc qui jouit d’une stabilité avérée dans un environnement régional très perturbé, est d’abord un modèle. Il a réussi à renforcer sa résilience face aux menaces terroristes persistantes et à l’instabilité qui plombe son voisinage. De même, affirme-t-on, les avancées réalisées par le Maroc en matière politique et démocratique sont saluées partout dans le monde. Ce qui fait dire à ces observateurs que le retour du Maroc au sein de sa famille africaine s’impose naturellement. Le Maroc déploie ainsi d’importants investissements en Afrique, en particulier dans des secteurs stratégiques. Il doit ainsi conforter son expansion économique par une présence politique à la hauteur du poids du pays. C’est ainsi qu’il doit être présent au cœur de la structure qui encadre les discussions politiques africaines, en l’occurrence l’UA. Le contexte a changé et la politique de la chaise vide n’est plus au goût du jour.

Le Maroc a compris qu’en réintégrant l’organisation africaine, il pourra faire face de l’intérieur aux manœuvres des mentors et soutiens du Polisario qui exploitent les instances et les brèches offertes par l’organisation pour porter atteinte à ses intérêts et son intégrité territoriale. C’est d’ailleurs pour cela que la partie adverse ne se garde pas de faire tout son possible pour entraver, ne serait-ce qu’administrativement, le processus de réintégration du Maroc à l’UA.

Contre l’obstruction, la bonne foi

Aussi, comme vient de le souligner le ministre des affaires étrangères, l’écrasante majorité des pays africains voit-elle d’un bon œil le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine. Le Maroc, affirme le chef de la diplomatie marocaine, «veut retourner dans sa famille institutionnelle parce qu’il considère qu’il y a un travail à faire pour l’Afrique, pour la stabilité, la paix et la tolérance». Le Maroc va donc rentrer à l’UA «avec une vision et des valeurs dont celles relatives au développement partagé, à la croissance partagée et à l’investissement, outre le partage d’expertise et d’expérience».
Cependant, notent les observateurs, ceux qui tentent en vain d’entraver le retour du Maroc au sein de l’UA se lancent dans une entreprise extrêmement hasardeuse qui risque de semer une division destructive au sein de l’organisation panafricaine. C’est qu’en plus des agissements contestés de la présidente sortante de la commission, voilà que l’axe Alger-Prétoria se lance dans une campagne de promotion de la candidature de la ministre kenyane des affaires étrangères, pour laquelle l’Algérie a programmé une visite, pour le moins provocatrice, dans les camps de Tindouf. Cela tout en tentant de diviser le groupe des Etats francophones en soutenant un autre candidat que le Sénégalais Abdoulay Bathily. Bref, le prochain sommet de l’Union Africaine est prévu les 30 et 31 janvier à Addis-Abeba et la diplomatie marocaine ne ménage aucun effort pour réussir la réintégration définitive du Maroc dans sa famille institutionnelle. Pour le Maroc, ce retour n’est qu’une simple formalité et le plus important, c’est l’action. Il n’y a aucune raison pour que ce retour ne soit pas acté lors du Sommet d’Addis-Abeba.

Naturellement, le sommet coïncide avec le premier mois du mandat du nouveau secrétaire général des Nations Unies, le Portugais Antonio Guterres, un fin connaisseur de la question du Sahara pour avoir notamment officié en tant que Haut commissaire de l’ONU aux réfugiés. Le Sommet africain intervient également peu après l’investiture de la nouvelle administration de la Maison Blanche. Il intervient, enfin, deux mois avant la réunion annuellement consacrée par le Conseil de sécurité à la question du Sahara. Une réunion que le Maroc appréhende de plus en plus avec beaucoup de prudence. D’où l’importance d’abandonner la politique de la chaise vide et adopter une politique proactive, anticiper et faire face à toutes les situations en étant en position de force.

Pour revenir à la tournée africaine du Souverain, et dans la plupart des cas, la dimension religieuse était toujours présente. Au Nigéria, la dernière étape de cette visite, comme en Tanzanie auparavant, cet aspect est très frappant. Ce qui n’est pas nouveau puisque le Maroc a, de tout temps, fait part de son engagement à partager son expérience singulière et reconnue mondialement avec ses frères africains, que ce soit dans le domaine de la coopération sécuritaire ou en matière de lutte contre l’extrémisme. Ce partage d’expérience ne se limite pas au volet sécuritaire, car le Maroc a manifesté sa disposition à faire bénéficier les pays africains de son expérience dans un domaine tout aussi important que la gestion du champ religieux. C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit la création de la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains. Dans ce cadre, plusieurs imams nigérians, comme ceux issus d’autres pays d’Afrique, ont d’ailleurs reçu une formation au Maroc. Faut-il rappeler que le Nigéria, comme le Maroc, ont en commun la doctrine achâarite et le rite malékite. Sans doute un aspect en plus à mettre en valeur dans les relations futures entre les deux pays.
En somme, la visite de SM le Roi à Abuja vient consacrer la vision royale d’une Afrique qui se prend en charge, une Afrique qui croit à l’unité, une Afrique qui a confiance en elle-même et qui entrevoit l’avenir avec optimisme et espoir. Le Souverain l’a d’ailleurs confié récemment aux médias malgaches : «Comme je l’ai dit dans mon discours à Abidjan, en février 2014, l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique. Dans le cadre d’une coopération décomplexée, nous pourrons, tous ensemble, construire le futur. Le Maroc a des projets dans divers pays d’Afrique. Nous donnons et partageons, sans arrogance. J’exhorte les entreprises marocaines à recourir aux bureaux d’études et à la main-d’œuvre qui sont sur place». Et, affirme le Souverain, «c’est pour concrétiser ce modèle de coopération interafricaine que je me déplace fréquemment dans le continent, ce continent où je me sens bien».

[tabs][tab title = »Pendant ce temps, les partis sont mis devant leurs responsabilités« ]Vue sous un autre angle, la récente tournée du Souverain en Afrique porte bien en elle un message : celui de son fort attachement au respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution. Alors que, estiment certains analystes, ici et là on espérait un arbitrage royal pour mettre fin à la situation de blocage que connaît le processus de formation du gouvernement, le Souverain semble mettre les partis et les acteurs politiques devant leurs responsabilités. Le Roi s’est toujours montré au-dessus de la mêlée, il l’a d’ailleurs affirmé à l’occasion de ses discours, en soulignant notamment qu’il est le Roi de tous les Marocains et ceux qui votent et ceux qui ne votent pas. Le Maroc fonctionne aujourd’hui quasiment sans gouvernement, celui d’expédition des affaires courante étant réduit au strict minimum à cause de la démission des ministres élus, ce qui ne semble en rien affecter la continuité des institutions puisque S.M. le Roi en est le garant. Pendant ce temps, le Souverain est en tournée en Afrique, ouvrant des portes à l’investissement marocain et la voie à une plus grande coopération afro-africaine. Une tournée qui n’a été interrompue que le temps d’une COP22 et d’un Sommet africain tenus à Marrakech. C’est, estime-t-on, pour marquer que le Maroc est un Etat d’institutions et ces institutions fonctionnent normalement même après plus de deux mois d’attente de formation d’une majorité et d’un nouveau gouvernement. Donc, estiment les observateurs de la scène politique, pour ceux qui attendent une hypothétique intervention royale pour donner un coup de pouce aux négociations de formation du gouvernement, le Souverain a répondu par cette quête pour le pays de nouveaux relais de croissance à travers une expansion africaine dans le cadre d’une politique de co-développement. C’est ce qui est le plus important pour le pays. Les mêlées et les joutes politiques et les conflits partisans n’apportent finalement rien de profitable au pays et aux citoyens.[/tab][/tabs]