Affaires
Raisins de table : trois mois pour engranger 200 MDH à l’export
Introduite il y a dix ans, cette culture de niche occupe actuellement 1 200
ha.
Les producteurs redoutent un retournement de tendance à cause de la
perte de compétitivité.
On connaissait le Maroc exportateur de vin mais peu savent qu’il produit et vend du raisin destiné à la consommation depuis plusieurs années. Au cours de l’actuelle campagne, les exportations devront totaliser 12 000 tonnes contre un peu plus de 8 000 pour la précédente et seulement 133 il y a juste dix ans. Si les prix se maintiennent à un bon niveau, soit entre 1,30 euro (14,30 DH) et 1,40 euro (15,40 DH) le kilo, les recettes approcheront les 200 MDH au lieu de 110 millions une année plus tôt. C’est dire que le créneau a connu un réel essor ces dernières années. Comme dans de pareils cas, les investisseurs se sont précipités sur cette niche très étroite ouverte par des opérateurs européens qui entendaient répondre aux besoins de leur marché pendant la période allant de mai à juillet, sachant que, de novembre à mai, l’Europe est approvisionnée par les pays de l’hémisphère sud (Chili, Argentine et Afrique) et consomme sa propre production de juillet à décembre.
D’après l’EACCE (Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations), l’Angleterre absorbe 46 % des exportations marocaines, l’Allemagne et l’Italie 15 % chacune, et la France 14 %. Le reste est envoyé en Suisse, au Moyen-Orient et en Afrique.
La concurrence égyptienne est rude
De quelques hectares seulement en 1996, la superficie exploitée a atteint 1 200 ha, dont 90 dans la région de Marrakech, le reste étant éparpillé entre Beni Mellal et Taroudant, notamment. L’essentiel des investissements a cependant été réalisé durant ces trois dernières années. Cette euphorie suscite cependant des inquiétudes. Et l’on est tenté de se demander si l’essor de la filière dans un laps de temps aussi court n’est pas un feu de paille. Selon des observateurs du secteur, il semble que les opérateurs essaient de contenir leur boulimie en commençant par baisser la cadence en ce qui concerne l’extension des superficies exploitées. Les craintes sont effectivement avérées. D’abord, parce que la période d’exportation est très courte : il faut donc respecter un calendrier très précis pour écouler la production dans de bonnes conditions. A cet égard, on souligne que la perte d’une semaine de précocité peut se révéler catastrophique sur le niveau des prix, étant entendu que la récolte dure trois semaines au maximum pour chaque variété. Ce qui pousse d’ailleurs certains producteurs à vendre sur pied pour éviter les mauvaises surprises.
Ensuite parce que la concurrence est féroce. Plusieurs pays se bousculent sur la niche à la même période que le Maroc, parmi lesquels l’Espagne, la Jordanie et Israà«l. Mais l’Egypte est le concurrent le plus dangereux pour les producteurs locaux. Le pays des Pharaons exporte déjà 34 000 tonnes provenant d’une superficie globale de 10 000 ha. L’objectif est d’atteindre 50 000 ha grâce à des joint-ventures avec des investisseurs américains. Selon certains opérateurs, l’Egypte tire sa force du prix spécial pour l’eau d’irrigation (0,04 dollar – 0,60 DH – le m3 en quantité illimitée), du faible coût du transport résultant des subventions destinées à compenser l’éloignement du marché européen, et des bas salaires : un ouvrier spécialisé y est payé 3 dollars par jour, soit 60 % de moins qu’au Maroc.
Des investissements relativement lourds
Dans un tel contexte, My Sadiq Zoubir, responsable de production chez Agriga Maroc, société bien connue dans le milieu du raisin de table, se montre très réservé pour les années à venir. Dans le sillage de l’Aspert (Association des producteurs et exportateurs de raisin de table), il cite les différents problèmes qui menacent la filière, notamment le coût élevé des intrants, la faible spécialisation de la main-d’Å“uvre et les variations climatiques imprévisibles. On fait remarquer que ces phénomènes sont engendrés par l’influence océanique, contrairement à l’Egypte et à Israà«l qui bénéficient d’un climat 100 % méditerranéen, donc plus stable.
Si les autorités ne peuvent rien quant au facteur climatique, elles sont invitées à être plus à l’écoute pour le reste. Les opérateurs citent particulièrement l’impossibilité de récupérer la TVA sur les intrants (engrais foliaires et hormones agricoles).
Pour un producteur moyen, la rentabilité peut effectivement être une loterie au regard des investissements qui sont relativement lourds. La préparation d’un hectare requiert un investissement de 450 000 DH. Il faudra ensuite attendre deux ans pour la première récolte et supporter 50 000 DH de frais annuels de production, dont plus de la moitié pour la main-d’Å“uvre.
A l’instar d’autres cultures d’exportation, se pose pour le raisin de table la question délicate de la compétitivité.
