Le soleil, compagnon de vacances qui ne nous veut pas que du bien

Objet de culte dans des civilisations anciennes, astre indispensable à la vie, le soleil peut aussi tuer.
Une exposition intense au soleil peut engendrer des allergies bénignes comme des affections graves, tel le cancer.
Chapeaux, crèmes protectrices et jeux à l’ombre sont recommandés pour les enfants.
«N’oubliez pas ! Soyez prudent, l’abus de soleil est vraiment dangereux, consommez-le avec modération !» Depuis peu, cette mise en garde s’étale en toutes lettres sur les tubes de produits solaires. C’est dire l’acuité avec laquelle se pose le problème cuisant des rapports entre l’astre solaire et la peau si humaine.
Cela remonte à très loin, à la naissance de l’humanité, dans le berceau doré du Kenya, il y a plusieurs millions d’années. Si nos ancêtres hominiens avaient eu la sagesse de s’incruster dans leur fief originel, leurs descendants humains seraient tous bronzés mais, comme ils se sentaient à l’étroit, ils furent pris par le démon de la bougeotte. Et à force d’arpenter monts et vaux, ils ont pris d’autres couleurs. Les australophithèques migrant vers les climats septentrionaux sont devenus blancs comme des lavabos. Ceux demeurant sur place ou descendant vers le sud de l’Afrique sont devenus noirs comme l’ébène. Entre le Blanc et le Noir, a germé une palette de nuances intermédiaires. Celles qui ressemblent à la couleur de nos ancêtres communs sont les mieux adaptées à des insolations importantes. En revanche, les Noirs et les Blancs encourent des risques quand ils s’exposent au soleil.
Une question affleure : pourquoi le bronze originel, au contact de latitudes moins lumineuses, s’est-il mué en cachet d’aspirine ? Les spécialistes éclairent notre lanterne. En se déplaçant vers le nord, nos ancêtres ont eu besoin d’une peau plus claire, succeptible de laisser passer davantage de rayons ultraviolets, afin de fabriquer une quantité suffisante de vitamine D. Mais ne demandez pas aux éminents experts la raison pour laquelle les Noirs, qui étaient eux aussi bronzés au départ, sont devenus noirs. Là, ils donnent leur langue au chat. Ils vous font seulement remarquer que cette couleur ne se retrouve qu’en Afrique et que, sous des latitudes comparables, en Amérique du Sud ou en Asie, les hommes ne sont jamais devenus noirs. Ce qui épaissit le mystère.
Reste que le soleil n’est pas le meilleur allié du Noir. «Le Noir est très inadapté au soleil, dit le docteur Fatim Zahra El Wady, dermatologue. Il est même pénalisé, car sa couleur lui fait absorber toute la chaleur des rayons que la peau blanche, elle, réfléchit en partie». Conséquence : sous le soleil, le Noir, dont la peau ne brûle jamais ni ne pèle, se retrouve en état de surchauffe (hyperthermie).
Blancs et Noirs, très inégaux à cause des intempéries de l’Histoire, sont égaux face au soleil. Les premiers pâtissent des excès solaires lorsqu’ils s’avisent de redescendre vers les tropiques ; les seconds souffrent de carences en vitamines D et A lorsqu’ils grimpent à des latitudes trop sombres.
Pourquoi les Noirs d’aujourd’hui ne peuvent-ils plus s’adapter à la Finlande, pourquoi les Blancs s’avouent incapables de supporter le cagnard africain ? Elémentaire mon cher Waston ! Jadis, les migrants, se déplaçant à pied, prenaient tout le temps de s’acclimater à chaque étape, et la pigmentation de la peau changeait en fonction de l’ensoleillement. Aujourd’hui, avec l’invention des moyens de transport instantanés, on franchit les frontières à la vitesse du son. Les mutations naturelles n’ont pas le temps de jouer et l’on se retrouve très démuni sous le soleil du coin. Le docteur El Wady en fournit deux preuves : les juifs d’Europe centrale débarquant en Israël et les blonds britanniques migrant vers l’Australie. Ils se disputent le record du monde du taux de cancers de la peau, la leur n’étant pas conçue pour les soleils du sud.
Ne serions-nous pas tous égaux devant le soleil ? Pourtant, tout prête à croire que c’est le contraire. Nous disposons tous – pour le moindre centimètre carré de peau – du même nombre de mélanocytes, ces cellules qui produisent la mélanine, ce fameux pigment protecteur. A quoi sert-elle ? A nous protéger des rayons ultraviolets. Dès lors, le Blanc va se dire qu’il lui suffirait de se dorer constamment au soleil pour se transformer en Noir, par stockage de mélanine. Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. La nature de la mélanine varie d’une couleur à l’autre. Et les mélanocytes des Blancs ont du retard à l’allumage : la peau brûle, s’infecte, se cancérise, les pires dermatoses apparaissent avant que la mélanine ne campe en quantité suffisante. Inutile de vous leurrer : il y a des limites à votre bronzage. Dès que vous les outrepassez, il y va de votre… peau.
La lucite estivale bénigne guette les imprudents
Un des désagréments provoqués par une longue exposition au soleil porte un nom savant très joli : lucite estivale bénigne. Elle concerne, précise le docteur El Wady, une personne sur dix (particulièrement des femmes). Au deuxième jour d’une exposition solaire intense, de vilains boutons rouges, associés à de fâcheuses démangeaisons, se manifestent sur le décolleté, le haut des épaules, le bras, les cuisses. Jamais sur le visage. Cessez de vous exposer : tout rentre spontanément dans l’ordre. Retournez au soleil : ça recommence. La maladie – très gênante dans la mesure où elle empêche de bronzer en rond – est qualifiée d’allergie solaire. On sait qu’elle n’apparaît que lorsque la première exposition au soleil est brutale. Mais on ignore complètement sa cause. Il existe des médicaments préventifs à base de caroténoïdes et aussi de bons filtres solaires.
Malheureusement, si l’on ose dire, cette maladie, au nom floral, n’est pas le seul méfait du soleil. Les risques d’une consommation immodérée d’ultraviolets sont multiples. Le docteur El Wady en énumère quelques-uns. Au premier chef, l’accélération du vieillissement cutané. Il est garanti aux fans du bronzage. Principaux responsables : les ultraviolets A, qui pénètrent dans le derme, c’est-à-dire la couche profonde de la peau.
A vingt ans, on a dépensé la moitié de son capital soleil
Second danger : le cancer de la peau. Ce risque-là est statistique. Tous les fous du soleil n’en seront pas touchés. Mais le nombre de cancers de la peau augmente chaque année. Le risque varie selon les types de peau. Plus elle est brune, précise notre dermatologue, mieux elle est protégée par le bouclier naturel anti-soleil, la mélanine. Dans cette funeste histoire, les ultraviolets A et D jouent leur partition. Les cancers bénins, ceux qui guérissent presque toujours s’ils sont soignés tôt, dépendent de la dose de soleil reçue. Le risque de cancer malin ou mélanome semble, lui, plutôt lié à la fréquence des coups de soleil reçus pendant l’enfance. «A vingt ans, on a dépensé la moitié de son capital soleil», affirme notre dermato. Et de recommander pour les enfants, encore plus que pour les adultes, port de tee-shirt, chapeau, crèmes anti-soleil et jeux à l’ombre. En ajoutant qu’il faut absolument interdire à un enfant de s’exposer au soleil entre 11h et 16h.
Que d’injustice face à cet astre du jour indispensable à tous ! Le soleil bousille le derme, crée des rides, donne à la nuque l’aspect d’une peau de poulet plumé. Oui mais ce même soleil confère un aspect plus sain à l’épiderme. Le soleil sabote notre système immunitaire. Oui mais ce même soleil fabrique les vitamines A et D qui nous sont précieuses. Le soleil inhibe la sécrétion du sébum, nécessaire à l’hydratation de l’épiderme… On n’en finirait pas d’énumérer les effets contradictoires de cette étoile paradoxale, qui nous inonde de ses bienfaits tout en nous flanquant des cancers. A la fois vitale et meurtrière. Nous aimons tant nous exposer aux rayons du soleil au mépris de notre santé, d’autant qu’en irradiant notre peau, il déclenche dans notre cerveau la production d’endorphines, ces morphines naturelles, source de plaisir. Mais il y a d’autres façons de les obtenir. Alors, pour éviter une overdose de soleil, mieux vaut se bourrer de chocolat ou… faire l’amour. Encore que…
Oui pour le soleil et la vitamine D, mais avant 11h et après 16h.
Contrairement à une idée reçue, les Noirs ne sont pas mieux armés que les Blancs contre le soleil. Certes le risque de brûlure est plus important chez les Blancs mais les Noirs sont exposés, eux, au danger d’hyperthermie.