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Pouvoirs

USFP : un congrès sous haute surveillance

Après une suspension de cinq mois, il reprend dans une ambiance plus constructive.
Finalement, c’est le congrès qui désignera le futur leader sur la base d’un scrutin uninominal à  un tour.
Rôle au sein du gouvernement, réhabilitation de l’image du parti et réforme des structures sont les principaux enjeux du congrès.

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Après près de cinq mois de suspension, c’est ce vendredi 7 novembre que les travaux du VIIIe congrès de l’USFP reprennent. Un évènement surveillé de près par les autres formations. Le PJD, qui multiplie les appels à une coopération entre socialistes et islamistes au Parlement. La «petite gauche», dont les velléités de rapprochement ont été bloquées pendant près d’un an par la panne de la locomotive ittihadie.

Et la Koutla, plus particulièrement l’Istiqlal, qui, un an après avoir pu diriger son premier gouvernement depuis 1958, voit le sort de ce dernier suspendu au vote des congressistes ittihadis, alors même qu’à droite le bloc PAM-RNI grossit et commence à ressembler au noyau d’une nouvelle alliance gouvernementale.

En interne, les organisateurs n’ont rien laissé au hasard. Si les 1 370 congressistes ont été pour la plupart logés au centre Moulay Rachid de Bouznika, comme l’été dernier, le lieu de la rencontre a été déplacé à quelques kilomètres, au centre de conférences Mohammed VI de Skhirat.

Le bâtiment devrait faciliter aux organisateurs la gestion de la logistique, notamment le contrôle de l’accès, réservé aux seuls congressistes munis de badges, et d’éviter ainsi les dérapages observés lors de la première partie du congrès. «Nous avons réorganisé toute la machine du congrès, et changé le lieu de son déroulement.
Bouznika, où s’était tenu le premier round, n’était pas propice à un contrôle efficace», explique Mohamed Lakhssassi, président du congrès.

La chronologie des travaux est réglée comme un ballet : se dispensant de cérémonie d’ouverture, les ittihadis devraient – le congrès devra le confirmer à sa réouverture – procéder à l’élection du nouveau chef du parti dès le premier jour et désigner les membres du bureau politique et du conseil national le deuxième jour, pour permettre aux congressistes de se concentrer sur la suite des travaux.

On insiste par ailleurs sur l’amélioration de l’ambiance au sein du parti. «Je crois qu’aujourd’hui les militants se sont ressaisis. Ils ont senti le danger d’un enlisement dans des querelles de personnes, et de l’immobilisation du parti pour des raisons d’ordre organisationnel», indique Mohamed Achaari, membre du bureau politique.

Il faut dire que, entre-temps, les ittihadis ont participé à une série de réunions qui ont permis d’arriver à un consensus sur plusieurs points, notamment le mode de désignation de leur futur dirigeant, l’une des causes de la suspension des travaux du congrès.

Le système de listes et les courants politiques reportés
Tenu du 13 au 15 juin, dix mois après la défaite du parti aux législatives de septembre 2007, le VIIIe congrès de l’USFP avait pour objectifs, entre autres, la révision des structures du parti, et notamment le rôle de son premier secrétaire.

Restés sans dirigeant depuis la démission forcée de Mohamed Elyazghi, les militants avaient compris qu’il fallait abandonner le système traditionnel du leadership historique, pour désigner leur premier secrétaire sur la base d’un programme, sur lequel il serait amené à rendre des comptes en fin de mandat.

Mais, mal ficelé et mal expliqué aux militants, ce projet de réforme est passé au second plan, derrière la lutte pour la succession de M. Elyazghi. Cela, alors même que le nouveau mode de scrutin n’avait pas encore été adopté par le congrès.

Ainsi, «au lieu d’une concurrence entre les listes, nous avons eu une opposition de personnes», indique Driss Khrouz, membre du conseil national de l’USFP. Selon lui, l’échec du projet s’explique par le fait que le conseil national et le comité de préparation du congrès avaient adopté le système de listes sans conviction, et l’avaient mal défendu auprès des militants.

Certains se sont même retournés contre lui durant le congrès, voyant qu’il ne leur assurait pas l’entrée dans les instances dirigeantes du parti. Pour la deuxième partie du VIIIe congrès, le système, que nombre d’ittihadis continuent de percevoir comme l’option la plus propice au débat d’idées, devrait être gelé.

«Le système de liste n’est pas annulé, il a été ajourné en attendant que, derrière la liste, il y ait un courant, et que les militants puissent choisir sur la base d’un programme, d’orientations, et non des personnes», explique M. Khrouz.

Le parti n’est pas pour autant revenu à l’ancien système, et si le congrès le confirme, le successeur de M. Elyazghi devrait être élu directement par le congrès, au scrutin uninominal à un tour.

Ce choix permettra aux congressistes de consacrer plus de temps et d’énergie à redorer le blason du parti. Il faut dire que l’USFP en a bien besoin. Elle qui a perdu le soutien des masses depuis son entrée au gouvernement il y a dix ans. Une idée confirmée par la plateforme votée par le conseil national samedi 1er novembre.

Destiné à être présenté à la commission des affaires politiques du congrès, le document, qui dresse un bilan de l’évolution du parti depuis son entrée au gouvernement, trace des pistes pour sortir de la crise, renouer avec l’identité socialiste, mais signale aussi les réglages à apporter à son environnement, notamment la constitution. La formation devrait aussi débattre de sa participation au gouvernement.

Sortir du gouvernement pour renouer avec ses idéaux est-il une option crédible ?
Pour offrir une nouvelle image aux électeurs, l’USFP ira-t-elle jusqu’à sortir du gouvernement ? Apparue suite à la défaite de 2007, l’idée est assez présente dans les esprits pour que certains candidats à la direction du parti la reprennent.

A l’instar d’un Nasr Hajji, ex-secrétaire d’Etat au technologies de l’information dans le gouvernement Youssoufi et candidat au poste de premier secrétaire. Dans un document destiné à présenter sa candidature, il appelle à «revenir à un socle de convictions socialistes fortes et à un ancrage à gauche qui redonne à l’USFP sa place naturelle et historique sur l’échiquier politique marocain en tant que pôle fédérateur de la gauche».

Et ce, notamment en choisissant la participation gouvernementale lorsque les élections donnent à cette orientation la majorité nécessaire. «Cela n’a pas été le cas et nous devons tenir compte de la sanction des urnes.

Ce faisant, nous devons avoir le courage de remettre en cause notre participation au gouvernement actuel», indique-t-il. Mais l’USFP peut-elle se permettre d’abandonner ses alliés de la Koutla pour retourner à l’opposition, alors qu’il aura besoin de leur soutien au lendemain des communales ? L’idée est loin en tout cas de faire l’unanimité.

«Nous avons participé à ce gouvernement après les élections de 2007, qui étaient catastrophiques pour nous et il est légitime de nous interroger sur notre situation aujourd’hui.

Devons-nous continuer ou revoir notre position au sein de ce gouvernement ? Nous avons estimé dans le document que le plus urgent, c’est de déterminer les éléments de notre ligne politique, et, sur la base de cette ligne politique, la direction du parti va s’attacher à appliquer les orientations issues du congrès,» explique M.
Achaâri.

«Je ne crois pas que ce soit la question principale aujourd’hui, on ne peut pas quitter un gouvernement comme ça. Il n’y a pas que l’USFP, il y a d’abord le Maroc, et l’USFP est dans le Maroc et pas l’inverse», argumente, de manière plus tranchée, Driss Khrouz.

Autre point clé considéré par la nouvelle plateforme : la nécessité de réformer la Constitution considérée comme essentielle pour une pleine réhabilitation de l’image des partis politiques. Mais le parti peut-il se focaliser sur cette question au risque de faire passer au second plan ses problèmes internes ?

La restauration de l’USFP passe-t-elle par la réforme de la Constitution ?
C’est donc autour de ces thématiques que les candidats déclarés à la succession de Mohamed Elyazghi (voir «En direct» page 6) axent leur communication.
Ainsi, Abdelouahed Radi s’est positionné contre l’idée d’une sortie du gouvernement, ce qui pourrait lui permettre de bénéficier d’un soutien du premier secrétaire sortant, opposé à cette option.

De son côté, Fathallah Oualalou, ex-ministre des finances, est favorable à un réaménagement de la participation du parti au gouvernement, non pas «en tant que personnes mais en termes de programmes et de priorités, sur la base d’une surdétermination des choix économiques par une orientation politique».

Le 4 novembre, ce dernier publiait d’ailleurs une plateforme de 10 pages pour décliner sa stratégie, présentée par son entourage comme proche de celle du conseil national. Pour Habib El Malki, qui se prononce pour l’ancrage de l’USFP à gauche, il s’agit de clarifier la ligne politique du parti, mais pas forcément en sortant du gouvernement.

En contribuant au débat interne, les candidats à la direction du parti aideront-ils ce dernier à sortir de la crise ? En attendant, beaucoup souhaitent que le congrès préserve l’unité du parti en permettant la représentation de ces différentes tendances dans les structures du parti.