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Réforme de l’administration : le chantier avance… pour de bon cette fois

Deux projets de loi phares viennent d’être injectés dans le circuit législatif, ils seront adoptés bientôt. Toutes les mesures prévues dans le cadre du PNRA sont en cours de réalisation selon le calendrier prévu. Les premières mesures palpables devraient être constatées par les citoyens à compter de l’année prochaine.

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Réforme de l’administration

En présentant le 3 décembre en commission, le projet de loi 55.19 sur la simplification des procédures administratives, le ministre délégué à l’intérieur Noureddine Boutayeb a affirmé que ce texte «permettra d’instaurer de nouvelles mesures visant à faciliter la relation entre l’administration et les usagers». C’est peu dire. Le projet de loi, dont les débats en commission devaient être bouclés mardi, est, en effet, «l’un des piliers de la réforme de l’administration publique», souligne Ahmed Laamoumri, secrétaire général du département de la réforme de l’administration, rattaché depuis peu au ministère de l’économie et des finances. Avec le projet de loi 54.19 portant Charte des services publics, présenté en commission le même jour, par le ministre de l’économie et des finances, ces deux textes sont «les chantiers phares de la réforme qui comprend pas moins de 24 projets», souligne la même source. Ahmed Laamoumri parle évidemment du Plan national de réforme de l’administration (2018-2021), présenté l’été dernier par le ministre chargé de la fonction publique et de la réforme de l’administration. Les deux projets de loi sont révolutionnaires dans le sens où le premier, relatif à la simplification des procédures administratives, «instaure pour la première fois un principe fondamental qui n’existait pas auparavant : «Le silence vaut approbation» (art. 4, alinéa 5). (NDLR : l’article 4 étant consacré aux mesures de confiance entre l’Administration et le citoyen. Il prévoit 10 mesures en ce sens). Si l’administration ne répond pas par la négative dans un délai fixé, cela est interprété comme un accord», affirme la même source. «C’est une révolution dans l’Administration publique», insiste M. Laamoumri.

Dans le même sillage, et une mesure non moins importante, le projet de loi prévoit l’opposabilité de l’ensemble des procédures affichées. «Les procédures nécessaires pour obtenir un document ou accéder à un service seront affichées sur un site dédié. Elles sont opposables à toutes les administrations concernées et ne peuvent être changées. Le changement ne peut intervenir qu’après l’accord d’une commission ad hoc et sera affiché sur le site. In fine, seules les procédures affichées seront appliquées».

De même, l’Administration n’est plus autorisée à demander à l’usager un document en possession d’une autre administration. La légalisation des copies des documents sera également supprimée définitivement. Désormais, la carte nationale suffira à elle seule pour obtenir des documents administratifs et accéder aux services de l’administration. «C’est pour dire que l’administration est en passe de connaître une véritable révolution», souligne notre interlocuteur.

Bonne gouvernance

Concrètement, le projet de loi 55.19 apporte des améliorations significatives aux procédures administratives pour tous les usagers. Cela, en encourageant l’administration à promouvoir un climat propice au développement et aux investissements, a affirmé le ministre délégué au moment de la présentation du texte.
Le projet élaboré par les deux départements, l’intérieur et l’économie et finances, sur la base d’une étude approfondie, introduit en effet une série de nouveautés dont la définition des principes de base encadrant la relation entre l’administration et les usagers. Ces principes, d’après le ministre, reposent sur la confiance entre l’administration et l’usager, la transparence des procédures et formalités, l’établissement de délais pour l’examen des demandes des usagers, la proportionnalité entre l’objet d’une décision administrative et les documents requis à cet effet, en plus du rapprochement de l’administration de l’usager et la justification des décisions défavorables. Les nouveautés concernent également, entre autres, l’obligation pour l’administration de procéder à la classification, à la documentation et à l’inventaire de toutes les décisions, y compris les autorisations, attestations et autres décisions administratives. Quant au projet de loi 54.19 portant Charte des services publics, il s’agit d’abord d’une obligation constitutionnelle prévue dans l’article 157. Il se veut un cadre de référence fondamentale de gestion des administrations publiques et fixe les mécanismes nécessaires pour mener à bien les missions du service public. Il prévoit, entre autres mesures, des principes et des règles de bonne gouvernance encadrant l’action des services publics en matière d’organisation et de gestion, sans oublier la mise en place d’un Observatoire des services publics chargé du suivi de l’implémentation du dispositif et de l’efficacité des actions prévues. En fait, d’après le Plan d’action élaboré par le ministère, la «Charte des services publics fixe l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des services administratifs, des régions et autres collectivités territoriales et des organismes publics. Elle vise à protéger les droits des citoyens et à renforcer les principes d’équité, d’égalité et de responsabilité devant le service public soumis aux normes de qualité». Une fois que les deux textes auront franchi l’étape législative, qui ne saurait tarder au vu de la cadence avec laquelle ils sont abordés, leur mise en œuvre effective nécessitera d’autres textes d’ordre réglementaire. On prévoit, par exemple, environ une douzaine de décrets d’application rien que pour la Charte des services publics.

C’est pour dire que les deux textes ne sont, en fait, que la partie visible de l’iceberg. Ils font d’ailleurs suite à un autre texte fondateur, la Charte de la déconcentration administrative qui, elle, a été adoptée par voie réglementaire et constitue un tournant dans la nouvelle structuration de l’appareil administratif. Celui-ci passe ainsi à une configuration où l’administration est moins centralisée et plus proche du citoyen. La charte adopté par décret, il y a un an, nécessite pour son déploiement l’élaboration des schémas directeurs, véritables pièces maîtresses et référentiels de la déconcentration administrative. A ce propos, justement, affirme M. Laamoumri, «pratiquement tous les schémas directeurs des départements ministériels ont été adoptés. Il n’en reste que deux et ils seront validés incessamment». Globalement, estime-t-il, la Charte de la déconcentration nécessitera, pour être pleinement mise en œuvre, une dizaine de décrets. Il est question de la réorganisation de l’ensemble des départements ministériels, accompagnement des régions, formation, délégation des pouvoirs et transfert des compétences. Et pour le moment, son département y travaille à fond.

Une réforme irréversible

Le département de la réforme de l’administration est, en effet, entièrement impliqué dans ce chantier qui s’étend sur trois ans et devrait être finalisé en 2021. Du moins pour ce qui est de la partie qui relève de ses compétences. Le secrétaire général cite, dans ce cadre, le cas de la loi sur la transformation numérique qui est entre les mains du SGG. «Nous avons fait notre part du travail. La balle est dans le camp du gouvernement», affirme-t-il. Pour lui, «le chantier de la réforme avance inexorablement. La réforme est irréversible. Toutes les actions prévues dans le cadre du programme seront réalisées. Nous sommes déjà bien avancés sur certains projets, d’autres nécessitent un peu plus de temps, mais les délais fixés seront respectés». Il a d’ailleurs assuré qu’il n’y a pas eu de changement avec le dernier remaniement ministériel et le chamboulement de l’architecture du gouvernement. «Certaines priorités ont tout juste été revues, mais le chantier dans sa globalité avance comme prévu. On réorganise le travail en fonction de ce petit changement, mais on ne peut pas reculer», précise-t-il. Selon un rapport présenté au Parlement à l’occasion des débats du PLF 2020, la réforme de l’administration constitue, en effet, «un projet axial de la politique générale du gouvernement». Et cette réforme de portée organisationnelle, managériale, numérique et éthique est portée justement par le PNRA 52018-2021). Ce plan comprend cinq axes phares. A savoir la charte de la déconcentration et le pari de la modernisation de l’administration au niveau organisationnel, la charte des services publics avec comme objectif de faire évoluer les modes de gestion au sein du service public, le renforcement des instances de bonne gouvernance, l’amélioration des services et la transformation numérique.

Expérience pilote

Notons qu’en matière d’amélioration des services, il est prévu, outre la loi sur la simplification des procédures, un programme de publication de 26 services administratifs ayant trait à l’entreprise sur un site dédié (www.business.procédures.ma). Quant à la transformation numérique, elle englobe, entre autres mesures, la mise en place d’un «Gateway gouvernemental» qui permettra l’échange de données entre les administrations publiques. Une première expérience devrait être lancée, en ce sens, entre la DGSN et la CNOPS, permettant à cette dernière l’accès aux données de la carte nationale de ses adhérents.

Naturellement, cette réforme a un coût. Le secrétaire général du département de la réforme de l’administration refuse de donner un chiffre, estimant que quel que soit le montant qu’on pourrait avancer, il sera en deçà du coût réel. «Il est difficile de parler du coût de la mise en œuvre de ce programme», affirme-t-il. Et pour cause, «la notion du centre des coûts n’existe pas au Maroc. Beaucoup de choses sont faites en interne, il fallait mobiliser des fonctionnaires pendant des mois, ce qui correspond à un coût, mais qui n’est pas comptabilisé. Prenez le cas d’un projet sur lequel travaille exclusivement disons cinq cadres du ministère pendant cinq mois. Avec un salaire moyen de 10 000 DH, on se retrouve avec un coût réel de 250 000 DH alors que dans la comptabilité nationale aucun budget ne lui a été consacré», explique Ahmed Laamoumri. Cela d’autant, note-t-il, que «certaines actions de ce programme sont réalisées dans le cadre de la coopération avec des pays comme l’Espagne ou la France. La charte des services publics a été réalisée notamment avec la contribution de la coopération bilatérale. L’OCDE intervient pour le volet lié à la gouvernance publique et notamment tout ce qui lié au “Programme gouvernement ouvert”. Le PNUD nous a beaucoup aidé sur tout ce qui est accueil dans les administrations. La CNUCED intervient sur le volet lié à l’entreprise». On notera que le programme d’appui à la réforme de l’administration publique, PARAP, lancé en 2003 est doté d’un budget de 9,6 MMDH financé en quatre tranches par la Banque mondiale, l’UE et la BAD de même que le Fonds de modernisation de l’administration publique vient d’être dotée d’une cagnotte de 20 MDH dans le cadre du PLF 2020 contre 15 MDH en 2018 et 10 MDH auparavant.

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[tab title= »Une affaire qui ne date pas d’aujourd’hui… » id= » »]La réforme de l’administration est une affaire qui ne date pas d’aujourd’hui. On en parle, en fait, depuis la nomination, en 1956, d’un ministre chargé de la fonction publique. Entre 1965 et 1994, l’idée de la réforme était toujours là, mais peu d’actions concrètes ont été entreprises. Plus tard, vers la fin de la décennie 90, on a assisté à une prise de conscience de la nécessité de réformer l’administration. Pour la première fois, la réforme fait partie des orientations gouvernementales. Après le pacte de bonne gestion en 1998 et le discours royal sur le nouveau concept de l’autorité en 1999, cette prise de conscience a été clairement traduite dans le plan de développement économique et social 2000-2004. Un colloque avait été organisé à cette époque, en 2002, et avait proposé 162 mesures pour moderniser l’administration, regroupées en sept chantiers. Ces mesures promises n’ont malheureusement pas été traduites dans un plan d’action clair et précis. A partir de 2003, certaines des mesures promises dans les initiatives précédentes seront néanmoins déclinées dans le Programme d’appui à la réforme de l’administration publique (PARAP), élaboré en partenariat avec la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et l’Union européenne. Ce programme comprenait, en plus de la réforme budgétaire, une composante liée à l’amélioration de l’efficacité de la gestion des ressources humaines. Il s’est étalé sur quatre phases. En 2011, une nouvelle Constitution a été adoptée et plusieurs articles ont été consacrés à la bonne gouvernance et au service public. La régionalisation avancée, également adoptée en 2011, a accéléré la mise en place de la charte de la déconcentration administrative. Entre-temps la fonction publique aura connu un vaste programme de départ volontaire ainsi que le lancement de l’e-gouvernement, entre autres réformes.[/tab]
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Liste des 24 projets du PNRA avec l’horizon prévu pour leur réalisation

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