Pouvoirs
MDS, FFD, PSD,… nés avec l’Alternance, ils ne sont plus rien depuis
Ils avaient pesé lourd dans les calculs politiques à la fin des années 90. Le MDS a joué les arbitres et le FFD a, pendant un temps, participé au gouvernement tandis que le PSD a affaibli l’OADP rebelle.

Il fut un temps où ils étaient au centre de la scène politique. Ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Il s’agit de formations politiques qui ont vu le jour à la veille de l’Alternance. Elles végètent aujourd’hui en bas de classement des partis politiques quand elles n’ont simplement pas disparu. C’est à peine si l’on retient encore le nom de partis comme le Mouvement démocratique et social (MDS), le Front des forces démocratiques (FFD) ou encore le Parti socialiste démocratique (PSD) qui à eux trois totalisaient, peu après leur création, un peu plus de 14% des sièges de la première Chambre. Ils aimaient se présenter en cette fin du siècle dernier comme une alternative aux formations sclérosées et en déphasage avec la société de l’époque. C’est du moins ainsi qu’ils voyaient leurs aînés. «Ce sont des partis extrêmement verrouillés fonctionnant sur des bases traditionnelles qui ont montré leurs limites. Une bonne partie de la population, notamment la jeunesse, ne s’y retrouve plus». C’est ainsi que s’exprimaient les fondateurs du FFD, né en 1997, dans sa charte constitutive.
Quinze ans plus tard, le fondateur Thami Khyari est toujours secrétaire général du parti alors que le PPS et l’USFP, par exemple, entre autres partis objet de cette critique, ont changé de tête plusieurs fois. Le MDS, créé la même époque, en 1996, mais avec un objectif tout à fait différent, n’a pas fait mieux. Mahmoud Archane, le fondateur, s’est contenté de léguer le parti à son fils Abdessamad, en juin dernier à l’occasion de son quatrième congrès, après avoir trôné pendant 15 ans à sa tête. Le PSD, né la même époque, en 1996, d’une scission au sein de l’Organisation de l’action démocratique populaire (OADP), a, lui, tout simplement été dissous en fin 2005, peu avant son dixième anniversaire, pour se fondre dans l’USFP. Que sont-elles devenues ces trois formations symboles d’une époque ?
S’allier pour survivre
«Nous sommes en train de préparer notre IVe congrès qui se tiendra du 29 au 31 avril», rassure Thami Khyari. C’est pour dire que «le parti existe et continue de fonctionner normalement, bien qu’il traverse en ce moment une période de transition». Tout semble aller pour le mieux. Sauf que, une phrase plus loin, le même Khyari reconnaît que «cela relève du miracle que le parti continue d’exister. Nous sommes combattus depuis 2002». La preuve, se défend-il : «Les résultats qui nous ont été attribués ne correspondent pas à la réalité des choses». Une justification bien mince du rang qu’occupe actuellement son parti, 16e (avec 1 siège sur 395) parmi les 18 partis représentés au Parlement.
Abdessamad Archane dont la formation a vécu des jours meilleurs semble, lui, plus terre à terre. Il tente tant bien que mal de redresser la barre de cet héritage de son père, mais, avoue-t-il, «seuls on ne peut plus rien faire». C’est sans doute pour cela qu’il s’est lancé dernièrement, dans une alliance, avec deux autres formations de la dernière génération, Al Ahd et le PRE (Parti renouveau et équité), toutes les deux issues de la mouvance populaire. Même en créant ce groupuscule du centre (6 sièges), nous sommes très loin du bloc centriste à la création duquel a contribué Archane le père (97 sièges en 1997 contre 102 pour la Koutla formée de l’USFP, l’Istiqlal, le PPS et l’OADP et 100 pour le Wifak constitué de l’UC, le MP et le PND), le jeune secrétaire général du MDS ne se fait pas d’illusions.
«Nous ne pourrons peut-être pas jouer un grand rôle dans l’avenir. Si on arrive à former, à trois, un groupe parlementaire en 2016, on aura réussi notre mission». Et dans le cas contraire ? «Si cet objectif n’est pas atteint, ce sera un constat d’échec et j’assumerai alors ma responsabilité». En d’autres termes, il envisage de «fermer boutique».
Il y a 15 ans pourtant, les trois formations avaient influé sur la carte politique au lendemain des législatives du 14 novembre 1997 : avec ses 9 sièges (sur 325), le FFD réalisait une performance égale au parti dont il est issu, le PPS. Le PSD, lui, a légèrement devancé l’OADP : 5 sièges pour le premier et quatre pour le second. Les deux anciens partis, le PPS et l’OADP, en sont sortis affaiblis, ce qui arrangeait bien les affaires du tout puissant ministère de l’intérieur d’alors. Quant au MDS, ses 32 sièges lui ont permis de renforcer le bloc centriste, formé à l’époque du RNI et du MNP. Comment en sont-ils arrivés à une sclérose aussi prononcée ?
Nous sommes en1995, le 20 août plus exactement, feu Hassan II annonce que durant l’année 1996 allait se concrétiser une série de modifications constitutionnelles politiques et fondamentales. Ces réformes feront l’objet d’amendement de la Constitution. L’OADP, membre de la Koutla, refuse de cautionner le référendum constitutionnel de 1996. Ce refus provoque une scission qui aboutit à la création, la même année, du PSD, mené par une nouvelle élite, dont Issa Ouardighi, Mohamed Chafiki et Abdellah Saâf.
Nouvelle ère, nouveaux acteurs politiques
A une nouvelle ère politique, une nouvelle Constitution, un nouveau Parlement, de nouveau bicaméral, il fallait des acteurs politiques nouveaux. La ligne politique dure de l’OADP ne cadrait pas avec cette nouvelle vision. La naissance du PSD s’accommodait bien avec les intérêts de l’Administration. «Certes, explique le politologue Said Khoumri, la création du PSD est une conséquence de refus de l’OADP de cautionner la Constitution de 1996. Mais, à l’époque, on parlait d’un léger coup de main de l’Administration sans doute dans le but de museler l’organisation». L’OADP en est sortie effectivement réduite.
Neuf ans plus tard, en 2005, le PSD est dissous sans faire aboutir ses idées et la fusion avec l’USFP est décidée à l’unanimité. Abdellah Saaf et Mohamed Chafiki, notamment, ont décidé de prendre leurs distances et renoncer à l’action politique, le premier a repris ses recherches universitaires et le second s’est consacré à sa carrière dans l’administration. Issa Ouardighi, le seul secrétaire général qu’ait connu le parti, est actuellement simple membre du conseil national de l’USFP. C’est le cas également d’un certain Mohamed Lahbib Taleb, Talaa Saoud El Atlassi, Mohamed Lamrini et bien d’autres.
A la même époque, une aile du PPS se sentait de plus en plus à l’étroit dans le cadre du parti. Elle aspirait à un peu plus de progressisme social. A son avènement, se rappelle le politologue Said Khoumri, «Thami Khyari refusait de parler du FFD comme conséquence d’une scission au PPS causée par une lutte de leadership au sein du parti. Et pourtant, il ne comptait au début que des anciens militants du PPS». Bien que sa naissance est motivée plutôt par l’ambition politique de son fondateur, la création du FFD a quelque peu, elle aussi, déstabilisé le PPS.
C’est que le FFD insiste lui aussi sur la construction d’une société d’équité. Ses projets sont restés… au stade de projets. «On croyait au changement, on a été naïf à cette époque», déplore Thami Khyari. Mais avant la déception, aujourd’hui assimilée, le FFD est passé par quelques moments de gloire. Le passage de son secrétaire général au gouvernement d’abord en tant que ministre de la pêche, puis de la santé publique a eu pour corollaire un élan d’adhésion, particulièrement de notables attirés par le pouvoir, sans précédent. Cela s’est traduit par une percée lors des élections législatives de 2002 (il a obtenu 12 sièges au Parlement). Une fois qu’il a été évincé du gouvernement Jettou, les notables qu’il avait attirés auparavant ont commencé à lorgner d’autres horizons. Le FFD a commencé à perdre en poids et en intérêts. En 2007 il n’a obtenu que 9 sièges. En 2011, il n’en compte plus qu’un seul. Entre les deux échéances, la transhumance des élus a eu raison de lui. Sans oublier les quelques différends qui ont éclaté à cause du manque de démocratie interne.
L’avènement du MDS répond, lui, à une autre logique. Sa décadence est, par contre, quelque peu similaire à celle du FFD. «Sa création est liée à la personnalité de Mahmoud Archane, alors proche des centres du pouvoir. Ce parti a bénéficié de l’appui de l’Administration, lors des élections de 1997. On misait sur lui pour installer une polarisation du champ politique. Le MDS était censé constituer le pivot du pôle centriste», explique Said Khoumri.
Les notables, l’erreur fatale
Cela d’une part. D’autre part, l’architecte de la carte politique d’alors, le puissant ministre de l’intérieur Driss Basri, avait besoin d’un acteur qui pourrait faire face à une majorité conduite par les socialistes de l’USFP. Le bloc centriste était censé non seulement maintenir l’équilibre politique entre les deux rivaux, le Wifak et la Koutla, mais également constituer un garde-fou face aux anciens locataires de l’opposition. L’avènement du gouvernement Youssoufi a changé la donne, puisque deux formations du bloc centriste, le RNI et le MNP, ont été conviées à participer à la majorité gouvernementale. Le MDS a été relégué à l’opposition, depuis. Ce qui lui a coûté quelques départs.
«Depuis l’année 2000, le parti a commencé à connaître des problèmes. Les nouvelles élites de la gauche ont commencé à s’acharner sur son fondateur en raison de son passé. Les notables qui constituaient une grande partie de ses cadres ont eu peur pour leurs intérêts et ont commencé à le fuir», résume Abdessamad Archane. Ces défections ont été ressenties lors des élections de 2002. Le MDS a dégringolé à la 12e position avec seulement 7 sièges à la première Chambre. Au scrutin suivant, il n’a pas réussi à redresser la barre. C’était déjà le début de la fin.
Globalement, explique Said Khoumri, «la majorité des formations politiques nées à cette époque sont issues des scissions. Et dans les scissions, il y a de l’opportunisme, que ce soit des individus ou de groupes d’individus. Dans les (rares) autres cas, il est question également d’individus qui courent après leurs intérêts ou d’acteurs politiques ou non politiques (associatifs) qui tentent de surfer sur la vague du changement pour des bénéfices politiques». Cette hypothèse va se confirmer aux premières années de l’Alternance et du début du nouveau règne.
