Chronique. Mais quelle mouche anti-marocaine a piqué la France ?

De la lamentable affaire Pegasus au prétendu «Marocgate», en passant par l’épisode des visas, rien ne fut épargné au Royaume.

& Chercheur
Le malaise franco-marocain ne date nullement des récentes pulsions macroniennes. Il s’est manifesté depuis que le Maroc de Mohammed VI avait solennellement intégré la coopération intensive avec l’Afrique subsaharienne dans sa doctrine diplomatique globale. La «Françafrique» ne pouvait tolérer la mise en danger de sa traditionnelle mainmise sur les richesses du sol et sous-sol du continent noir.
On se rappellera le fâcheux épisode de la PJ française traquant Abdellatif Hammouchi jusqu’au portail de la résidence de l’ambassadeur du Royaume à Neuilly. En dépit des pressions insistantes de certains cercles politiques et d’une partie non négligeable des ténors du CAC40, François Hollande dut s’en mordre les doigts et revenir à des sentiments plus amènes à l’égard du Royaume.
L’animosité du top management politique français actuel à l’encontre des intérêts diplomatiques, géostratégiques et économiques de Rabat s’est amplifiée crescendo au rythme des réussites partenariales entre le Maroc et près d’une trentaine de pays africains. Depuis deux décennies, pas moins de trois mille accords, conventions, modus vivendi et autres protocoles ont été signés, en effet, entre le Royaume et des nations africaines à l’aune d’un win-win jamais égalé entre nations du Sud.
Hormis quelques allusions des diplomates et autres sherpas français à l’agacement croissant de l’Élysée, du Quai d’Orsay et des milieux d’affaires, la France restait dans la sphère des amabilités hypocrites coutumières lors des rencontres bilatérales. La diplomatie marocaine, elle, travaillait en silence vers des directions alors insoupçonnées par les fins limiers du Quai d’Orsay…Jusqu’à ce jour mémorable du 4 décembre 2020 où le Président Trump signa solennellement une Proclamation présidentielle, avec tout ce que cet acte comporte comme force juridique et politique indéniable et à effet immédiat, portant sur la reconnaissance de la marocanité du Sahara.
Certaines indiscrétions ont révélé une colère noire macronienne jamais égalée auparavant. «Les Marocains ont trahi la France ; je ne laisserai jamais passer cet affront!», aurait vociféré l’actuel hôte de l’Élysée.
S’ensuivirent alors les coups bas les plus dégueulasses de l’histoire des relations franco-marocaines : un commando de diplomates français fut aussitôt dépêché vers Washington, New York, Madrid, Bonn et même Alger pour tenter de saper la déclaration américaine. Rédactrice en titre des résolutions onusiennes sur le Sahara marocain, l’Amérique de Biden fit la sourde oreille aux «indignations» françaises, espagnoles et allemandes. L’Espagne et l’Allemagne ne mettront guère longtemps à revenir à la ligne dorénavant esquissée et validée par le Conseil de sécurité de l’ONU, tandis qu’une cascade de pays africains s’employait à ouvrir des représentations consulaires à Laâyoune et Dakhla. Les coups bas français ne cessèrent point pour autant. De la lamentable affaire Pegasus au prétendu «Marocgate», en passant par le piteux épisode des visas, rien ne fut épargné au Royaume.
En vérité, tout cela s’inscrit dans la chute vertigineuse de l’influence française dans le monde, principalement en Afrique. Chassée du Mali, de Centrafrique, du Burkina Fasso, la France semble, enfin, comprendre que ses jours sont comptés au Sénégal, en Côte-d’Ivoire, au Gabon, au Tchad et au Niger. Le personnel militaire français devra donc être réduit de 70% et se contentera, dans un premier temps, à se muer en «académies militaires», selon les propos d’Emmanuel Macron lui-même.
La vision française de l’Afrique – donc de la place du Maroc dans ses environnements régional et continental – doit être révisée drastiquement, notamment par l’adaptation à un continent désormais acquis au partenariat d’égal à égal, en lieu et place d’une irresponsable procuration concédée par la France aux caporaux d’Alger dans le Sahel et alentours. Le ridicule de la diplomatie française ira jusqu’à proposer au Maroc la dénonciation des accords qu’il a conclus avec Israël en contrepartie d’un go-between avec les soudards d’Alger ! Un décadentisme assumé, toute honte bue !
Il est temps pour la France de se remémorer ce que dit le grand Jean Jaurès du haut de la tribune de la Chambre des députés française dès le 16 juin 1911 : «Ayons le courage d’être sages, ayons le courage d’être justes. Il y a des grands peuples qui, à certaines heures, ont mis leur honneur à avouer que, dans certaines directions, ils s’étaient trompés. Nous le pouvons encore, il n’est pas trop tard. Pour le Maroc qui a droit à n’être pas brutalisé, pour l’Europe qui a droit à la paix (…), nous vous supplions de revenir à une politique plus sage et plus juste». Tel est, aujourd’hui plus qu’hier, le prix d’une entente cordiale, respectueuse et égalitaire entre le Royaume du Maroc et la République française. Le reste n’est que balivernes !