Pouvoirs
Le PAM peine à maintenir sa cohésion
Najib El Ouazzani quitte le PAM pour recréer le parti Al Ahd.
Ahmed El Alami gèle sa participation dans le bureau national.
Leur principal reproche : la mainmise du MTD sur le PAM.
H.Benaddi, le SG du PAM, s’explique dans un entretien à «La Vie éco».

Après l’épisode du PND et le départ de Abdellah Kadiri, à l’automne dernier, le Parti authenticité et modernité (PAM) s’émiette-t-il avant même d’avoir officiellement vu le jour ? Réunis vendredi 9 janvier dans un hôtel de Rabat, plusieurs responsables de l’ex-parti Al Ahd ont formellement prononcé leur divorce d’avec la formation de Fouad Ali El Himma. «Nous nous sommes réunis vendredi à Rabat en présence de 10 parlementaires, 7 ex-députés, la grande majorité des membres du bureau politique et l’ensemble des coordinateurs provinciaux. Nous avons discuté et pris la décision, à l’unanimité, de rompre avec ce qui reste du projet PAM», confirme Najib El Ouazzani, numéro un du défunt Al Ahd, et, désormais, ex-secrétaire général adjoint du PAM. Sans attendre, M. El Ouazzani et les siens s’activent à réunir les signatures d’électeurs nécessaires au dossier d’un nouveau parti et à lancer les préparatifs de son congrès constitutif d’un nouveau parti. Déjà, l’on apprend que la voiture, ancien logo de la formation, devrait être abandonnée au profit d’un nouveau symbole, tandis que son nom ne différera que très légèrement de celui de l’ancien parti : on hésite entre «Al Ahd Addimocrati» et «Al Ahd al jadid». Enfin, au Parlement, les députés et conseillers de la formation, trop peu nombreux pour avoir leur propre groupe, continueront d’évoluer dans le cadre des groupes Rassemblement et modernité des deux Chambres. Et il n’y a là rien de contradictoire, se défend M.El Ouazzani. Ce dernier souligne que les groupes ne comprennent pas seulement les parlementaires du PAM mais aussi ceux du RNI, du Parti du renouveau et de l’équité (PRE) ainsi que des «sans-étiquette politique». Il estime également que le PAM est avant tout la création des cinq formations qui se sont fondues en son sein, avant que le MTD ne vienne y jeter le trouble.
Au PAM, on réplique que M. El Ouazzani n’a pas été en mesure de mobiliser les élus de son parti. Rappelons que ces derniers avaient prévu de se réunir mardi 13 janvier pour afficher leur fidélité au PAM, à l’image de ce qui s’est fait il n’y a pas si longtemps, lorsque Abdellah Kadiri, secrétaire général du PND, avait décidé de claquer la porte de la formation de Hassan Benaddi.
Quoi qu’il en soit, le Parti authenticité et modernité vient, une nouvelle fois, de perdre l’un de ses dirigeants, et la liste des partants pourrait bien s’allonger. En effet, Ahmed El Alami, ex-dirigeant du Parti de l’environnement et du développement, vient à son tour d’annoncer le gel de ses activités au sein du PAM, jusqu’à ce qu’il en sache davantage sur le congrès, et la place réservée aux siens dans la nouvelle structure. Son geste, insiste-t-il, n’est pas coordonné avec celui de M. El Ouazzani. Leurs motivations restent toutefois assez semblables.
Ingérence du MTD au sein du PAM ?
En effet, les deux hommes critiquent la mainmise du MTD sur le PAM. «Le PAM est un parti qui a été créé par la fusion de cinq autres partis. C’est tout. Maintenant, ceux qui prennent les décisions n’appartiennent pas aux cinq formations qui ont fusionné», proteste M. Alami. «On ne peut pas imaginer un parti bicéphale avec deux bureaux politiques. Un bureau politique doit avoir une liberté de décision. Toutefois, nous constatons que plus des deux tiers, soit neuf membres du bureau national du PAM, sont, en même temps, des dirigeants du MTD», argumente M. El Ouazzani. «Nous avons remarqué, explique ce dernier avec force détails, que le bureau national du MTD se réunit, discute des problèmes du parti, et prend des décisions le concernant. Imaginez alors que des gens au MTD se réunissent ainsi et prennent une décision. Le lendemain, nous nous réunissons dans le cadre du parti, alors que la majorité des membres du bureau était présente à la rencontre de la veille. Ils se sont déjà mis d’accord, et, quelquefois, ont même déjà préparé un communiqué», proteste-t-il.
Autre problème soulevé par les deux hommes : le retard accusé par le parti dans la préparation de son congrès constitutif. Par exemple,
M. Alami affirme que le parti n’est toujours pas structuré à l’échelle régionale ou provinciale, comme le stipule la loi, et que beaucoup de cadres insistent pour en savoir plus, chaque jour. «La commission préparatoire n’a toujours pas été constituée, or c’est cette dernière qui détermine l’identité des congressistes, le programme du parti et organise le congrès. Des congrès régionaux doivent être organisés pour élire les congressistes», indique de son côté M. El Ouazzani.
D’autres partis sont en voie de fusionner avec le PAM
Au-delà de ces problèmes techniques, la goutte qui semble avoir fait déborder le vase du côté de M. El Ouazzani est l’expulsion des rangs du PAM de députés de Al Ahd et du PND, Saïd Chaou, député d’Al Hoceima, et Mohamed Koubba, député de Settat. Selon lui, le parti aurait dû au moins les faire passer devant une commission de discipline avant d’en arriver à une telle extrémité. A cet argument, la direction du PAM rétorque que, dans le cas du premier député, il avait déjà annoncé son départ du parti via la presse.
Bien entendu, le PAM répond point par point aux critiques. Face aux accusations d’ingérence du MTD dans les affaires du parti, le secrétaire général du parti, Hassan Benaddi, rappelle que la direction du parti telle qu’elle existe aujourd’hui est provisoire (voir entretien en page 40). Quant aux problèmes évoqués ayant trait à l’organisation du congrès, il y rétorque en indiquant que
M. El Ouazzani «devait assumer l’une des principales responsabilités dans la préparation du congrès : la présidence de la commission des critères». Au fond, à en croire des cadres du parti, toutes ces divergences ne seraient en réalité que le résultat de visions divergentes du concept de leadership politique. «Ils ont peut-être pensé qu’il s’agissait uniquement d’une fusion de partis et donc que les anciens secrétaires généraux allaient gérer le parti, ce qui n’est pas le cas», explique un militant du PAM. «Je crois que ni M. El Ouazzani ni
M. El Alami n’ont jamais admis de se retrouver au même niveau que les autres membres du bureau politique, même si c’était l’esprit de l’exercice. Il est arrivé que des décisions soient prises là où leurs voix étaient minoritaires. Ce qu’ils n’ont pas accepté», ajoute-t-il. Enfin, contredisant la rumeur selon laquelle le PAM, en difficulté, s’apprêterait à se laisser absorber par le RNI, Hassan Benaddi révèle que d’autres formations politiques seraient candidates à la fusion avec le PAM, même s’il est encore trop tôt pour livrer leurs noms.
Finalement, le PAM est-il réellement sous l’emprise du MTD ? Ou bien s’agit-il simplement de dirigeants mécontents – MM. Kadiri, El Ouazzani et Alami -, et qui refusent la démocratie interne dans le fonctionnement du PAM ? La vérité est sans doute quelque part entre les deux, même si le malaise au sein de la structure était plus que prévisible au moment de la distribution des accréditations électorales. Créé le 7 août dernier, huit mois après le MTD, le PAM s’était en effet donné pour ambition de réconcilier les Marocains avec le politique tout en luttant contre la balkanisation. Un choix qui l’aura amené à réunir des partis aux modes de fonctionnement parfois éloignés de ses méthodes de travail. La structure aura-t-elle péché par excès d’ambition ? Dans un premier temps, et pour différentes raisons, la structure a joué un rôle de fédérateur auprès de plusieurs petites formations de l’hémicycle, ce qui est devenu sa principale valeur ajoutée dans le paysage politique. Mais il n’est pas toujours facile, avec du vieux, de faire du neuf. Affaire à suivre…
