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Pouvoirs

Code de la famille : une adoption rapide en perspective

Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la Justice, a présenté le 17
décembre le projet de Code de la famille devant la Chambre des Représentants.

Les amendements seront mineurs. Le projet sera en principe adopté avant
la fin de la session parlementaire.

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C’est décidément un homme engagé sur tous les fronts en cette fin d’année, en l’occurence Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la Justice, qui a présenté mercredi 17 décembre le projet de loi portant Code de la famille devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme de la Chambre des Représentants, présidée par le député PJD, Lahbib Choubani. Ahmed Taoufiq, ministre des Habous et des affaires islamiques était également présent en tant que représentant de Amir Al Mouminine.
De l’avis général, au Parlement, les choses devraient aller très vite. Le nouveau Code de la famille, tant attendu, sera probablement adopté avant la clôture de l’actuelle session parlementaire d’automne. Mais le mouvement associatif de défense des droits des femmes se bat pour introduire quelques amendements relatifs aux formulations, aux procédures et aux dispositions à caractère civil. Un baroud d’honneur en quelque sorte, car l’essentiel est déjà acquis.
«Nous avons jugé nécessaire et judicieux que le Parlement soit saisi, pour la première fois, du projet du Code de la famille, eu égard aux obligations civiles qu’il comporte, étant entendu que ses dispositions à caractère religieux relèvent du ressort exclusif d’Amir Al Mouminine». En s’exprimant en ces termes, le 10 octobre 2003, devant le Parlement, le Roi Mohammed VI a fait d’une pierre deux coups.
En premier lieu celui de faire du Code de la famille un texte de loi comme les autres. Entourée depuis 1956 d’une aura de texte sacré non révisable, la Moudawana a subi un premier assaut avec la réforme de 1993. Aujourd’hui, ce processus de désacralisation arrive à son terme avec le projet de Code de la famille soumis à l’approbation du Parlement. Il fera désormais partie de l’arsenal du droit positif moderne.

Le terrain du débat parlementaire est balisé
En second lieu, le Souverain a délimité avec précision le champ d’intervention du Parlement. Les dispositions à caractère religieux, ou plutôt celles relevant du ressort du Commandeur des croyants, ne peuvent être amendés par les parlementaires. C’est là un exemple éloquent de compromis entre la volonté de modernisation sociale et l’attachement au référentiel religieux.
Le terrain du débat parlementaire est donc balisé. Tout risque de retour en arrière est conjuré. Mais toute avancée moderniste supplémentaire est également difficile. Quels seront alors les domaines d’action du Parlement ? Il pourra, en fait, se dépenser sur trois chantiers : la précision de la formulation et l’élimination de ce qui porte atteinte à la dignité de la femme, la simplification et la rationalisation des procédures et l’amélioration des dispositions à caractère civil dans le sens de l’équité.
II n’est donc pas étonnant que l’adoption soit rapide. Tous les acteurs institutionnels s’accordent dans leur intention affichée de ne pas faire traîner les choses. Trente à quarante-cinq jours suffiraient, selon eux, pour boucler l’examen et l’adoption du projet.
Interrogé par La Vie éco, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Mohamed Saâd Alami, explique que le projet a été déposé au bureau de la Chambre des Représentants, le 15 décembre. Il sera soumis à la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme. Il passera ensuite à la Chambre des Conseillers pour subir le même traitement par la commission portant le même nom et présidée par l’Istiqlalien Mohamed Ansari.

Printemps de l’égalité : campagne médiatique et lobbying
«A mon avis, affirme M. Saâd Alami, le nombre des amendements ne devrait pas être très important. Par ailleurs, il n’est pas totalement exclu que ce projet de loi soit voté par les deux chambres du Parlement avant la fin de l’actuelle session parlementaire, prévue pour le 10 janvier 2004. On peut même envisager une prorogation tacite d’une semaine ou deux, pas plus». La Constitution prévoit en effet qu’une session parlementaire dure trois mois (l’actuelle a commencé le 10 octobre), au bout desquels le gouvernement peut prononcer sa clôture par décret. Mais s’il y a des textes qu’il souhaite faire adopter, il peut ajourner cette clôture.
Les présidents des groupes parlementaires, de l’USFP au PJD, sont sur la même longueur d’onde et partagent cette vision et ce calendrier.
En clair, s’il ne tenait qu’aux partis politiques représentés au Parlement, l’adoption du projet de Code de la famille ne serait qu’une simple formalité, expédiée sur les chapeaux de roues.
Et de fait, c’est le mouvement associatif de défense des droits des femmes, regroupé autour du Printemps de l’égalité, collectif de 27 associations, qui tente, par le biais d’une campagne médiatique et un travail de lobbying auprès des groupes parlementaires, de réaliser encore quelques avancées . Ces propositions, résumées dans un mémorandum, ont été présentées à l’opinion publique au début du mois de décembre.
L’argumentaire se fonde essentiellement sur la recherche de l’adéquation la plus grande possible entre le contenu du discours royal du 10 octobre et la dernière mouture du projet de loi portant Code de la famille (voir sur ce point quatre exemples concrets en page suivante). Les propositions d’amendement sont ainsi classées en dix thèmes : le mariage, le divorce à la demande de l’un des époux, la répudiation moyennant compensation ou khol’, la garde des enfants, la représentation légale, la paternité et la filiation, l’expulsion du domicile conjugal, le partage des biens acquis pendant le mariage, les droits des enfants et, enfin, la polygamie.
En conclusion de tout cela ? Il est indéniable que, pour la première fois, comme le souligne l’historien et sociologue Mohamed El Ayadi, dans le quotidien français Libération (édition du 15 décembre), «on sort d’un cadre historique où le traitement de la question de la femme dépendait de la Charia pour glisser vers les institutions». Une révolution tranquille est à l’œuvre.

Com’ese

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