Brahim HAFIDI : un parcours et un nom… à la force du poignet

Né dans une région pauvre et excentrée où les études étaient peu considérées, il persévérera jusqu’à devenir docteur d’Etat.
Directeur du complexe horticole et vétérinaire d’Agadir, président d’associations, il est aussi expert auprès d’organismes internationaux dont l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Parcours peu commun que celui de Brahim Hafidi, le président de la région de Souss-Massa-Draâ. Issu d’Azzougar, hameau perché dans la montagne, à 5 km de Biougra, petit village à une bonne trentaine de kilomètres d’Agadir, il est devenu un éminent scientifique et un notable de sa région. Et pourtant, il a d’abord grandi dans un environnement hostile aux études. Très sceptique vis-à-vis de l’école, son entourage lui martelait dès son jeune âge que les études ne serviraient à rien. «Aide plutôt ton père et apprend à travailler la terre, c’est cela qui te servira plus tard», c’est ce genre de conseil qu’il entendait souvent. Dans beaucoup de villages reculés, nombre de parents pauvres graissaient la patte au mokaddem pour qu’il n’inscrive pas leurs enfants à l’école car ils voulaient qu’ils aillent travailler leur lopin de terre. C’est à cela qu’a échappé Brahim, contrairement à beaucoup d’enfants de son âge, dont son jeune frère, qui n’ont jamais mis les pieds dans une école. Cinquième enfant d’une fratrie de dix, il est né en 1955. Il doit sa vivacité d’esprit à sa volonté précoce d’échapper à un destin qui a happé nombre de ses congénères. En effet, tout petit, il faisait le chemin de l’école avec ses aînés et finit par faire accepter à ses parents l’idée d’y être inscrit.
Les obstacles à franchir seront toujours plus nombreux car il devra migrer à travers la région pour continuer ses études. Il sera d’abord interne à Agadir, puis, faute de place, fera ses valises pour aller terminer le premier cycle du secondaire à Taroudant avant de revenir au lycée Youssef Ibn Tachfine à Agadir où il obtint un bac en sciences expérimentales en 1972. Il échappe de peu à la tentation de se faire recruter par les banques, les assurances ou encore la formation professionnelle qui «chassaient» les bacheliers en leur faisant miroiter «un avenir assuré» sans trop d’efforts.
Ingénieur d’Etat en 1976, il remet le couvert des études six ans plus tard
Le jeune étudiant va tenir bon et s’inscrit à l’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) de Rabat où il fallait travailler d’arrache-pied pour être parmi les cinquante premiers (sur plus de 300 étudiants) afin de prétendre à la filière d’ingénieurs d’Etat et non pas seulement d’ingénieurs d’application. Il relèvera les défis avec une application exemplaire et obtient un diplôme d’agronomie générale. En 1976, il s’envole pour les Etats-Unis pour des études et des recherches dans les universités d’agronomie du Minnesota et de Californie. Ses travaux sont couronnés, en 1978, par la soutenance d’une thèse d’Etat à Rabat.
C’est ensuite qu’il est recruté comme maître assistant par l’IAV. Mais ce n’est que partie remise avec les études car Brahim Hafidi veut devenir docteur d’Etat, diplôme qu’il ira chercher en Belgique, entre 1982 et 1985, à la Faculté des sciences agronomiques de Gembloux. Quand il revient au pays, il a désormais le titre très convoité de maître de conférences. Mais l’homme est humble et garde entière sa soif de savoir. Ce faisant, il suivra une formation diplômante en planification des projets par objectifs, financée par l’Agence allemande GTZ. Ce choix lui sera d’une grande utilité quand il se lance dans le travail associatif dans les années 1990. Il est d’abord membre fondateur d’une petite association qui encadre 80 ménages dans son village natal. Ensuite, il réunit des cadres originaires des villages environnants d’Agadir et opérant dans la capitale du Souss pour créer Tiwizi (solidarité en amazigh) à Chtouka-Aït Baha dont il est resté président jusqu’en 2008. Parallèlement, il redynamise l’Association Iligh dont il est le secrétaire général jusqu’en 2006. Il est aujourd’hui président de l’Association Agrotechnologies Souss-Massa-Drâa qui travaille sur l’économie de l’eau.
Il tombe dans la politique en 2009 avec une incursion dans les communales
Sur le plan professionnel, après avoir été chef de département, directeur des études, il est nommé directeur du complexe horticole et vétérinaire Hassan II d’Agadir, une antenne de l’IAV qui emploie une quarantaine de chercheurs et accueille plus de 200 étudiants. Tout en déplorant la modicité des budgets (à peine 4 MDH pour le fonctionnement, hors salaires, et autour de 20 MDH pour l’investissement), il recherche des financements internationaux pour tous les projets qu’il initie. Il faut dire qu’il s’y connaît puisqu’il est expert auprès de plusieurs organisations internationales comme la FAO, l’USAID, la GTZ, l’organisation autrichienne de la coopération technique et l’Institut des ressources génétiques en Italie (IPGRI).
Avec un parcours aussi riche, il finit par intéresser la classe politique et c’est le RNI qui le choisit comme tête de liste à la commune de Oued Essafaa à Chtouka-Aït Baha où il est élu en 2009. Et si, aujourd’hui, il est président de la région Souss-Massa-Drâa qui compte 3,2 millions d’habitants, cela n’étonne personne.
Encore une fois, eu égard au budget de la région qui n’est que de 90 MDH, dont 65 millions au titre de l’investissement, il projette de prendre son bâton de pèlerin afin d’aller chercher des fonds chez les ONG et les fondations pour accélérer le développement de cette partie du Maroc.