Une revendication de longue date, en Algérie
Le mouvement berbère constitue la première contestation politique.
Avril 1980 constitue une date repère dans la revendication culturelle berbère.
Dimanche 20 avril 1980, au petit matin (à 4 h 15 mn), l’université de Tizi Ouzou, à 100 km à l’est d’Alger, est prise d’assaut par les forces de l’ordre. On dénombre de nombreux blessés parmi les étudiants et l’arrestation des meneurs d’un mouvement de contestation qui dura près de deux mois, dont un mois d’occupation de l’université. La population de Tizi Ouzou d’abord, puis celle des villes environnantes et enfin toute la Kabylie se soulevèrent en signe de solidarité avec des étudiants qui, par leur action, venaient d’ouvrir une brèche énorme dans le système politico-culturel algérien. Pour la première fois depuis l’indépendance, la politique officielle est contestée, pacifiquement mais avec détermination. A l’origine de ce mouvement, l’annulation par les autorités de la conférence sur la poésie berbère que devait donner, le 10 mars, à l’université de Tizi Ouzou, l’écrivain et anthropologue Mouloud Maâmmeri.
Le printemps berbère pose le problème de la démocratie
Mais le 20 avril 1980, qui deviendra une date-repère dans la revendication culturelle berbère, célébrée chaque année – y compris d’ailleurs au Maroc, par les étudiants amazigh – ne fut pas seulement l’expression d’une quête identitaire. Au fond, ce qu’on appellera par la suite le Printemps berbère postulait à une Algérie pluraliste, libérée tout à la fois du tabou linguistique et culturel qui avait amputé la nation de sa dimension amazighe, et de l’unanimisme politique, alors en vigueur dans le pays.
En somme, les événements d’avril 1980, par le truchement de la revendication culturelle, posaient la problématique de la démocratie en Algérie. Et si des conquêtes démocratiques ont pu être arrachées depuis (instauration du multipartisme en février 1989, ouverture de filières en langue tamazight à l’université, reconnaissance du tamazight comme langue nationale, mais pas encore officielle certes, etc.), on le doit au Printemps berbère.
Mais tout en étant fondateur, grâce en particulier à son caractère pacifique et de masse, le Printemps berbère n’est pas né ex nihilo. Déjà au sein du Mouvement national, la question s’était posée: c’est la fameuse «crise berbériste» de 1949. Hocine Aït Ahmed sera accusé, avec d’autres berbérophones membres du PPA-MTLD, l’ancêtre du FLN, de fractionnisme. Les historiens sont partagés sur cet épisode. Les supposés «berbéristes comploteurs», estiment d’aucuns, n’avaient fait en réalité que poser le problème de la démocratie au sein du parti.
Plus tard, en 1976 exactement, il y eut l’affaire des «poseurs de bombes» dans laquelle des étudiants, militants de la cause berbère, étaient impliqués. Tous ont écopé de la prison à perpétuité, avant d’être libérés 11 ans plus tard.
Lorsqu’on déroule le temps pour nous reporter à ces années où un simple papier en tamazight pouvait conduire son possesseur en prison, où toute chanson kabyle devait d’abord être agréée par la commission de censure avant d’être diffusée ou commercialisée, on mesure parfaitement le chemin parcouru, mais surtout on mesure combien la bêtise peut être ravageuse.