Deux ans en isolement, pieds et poings liés, dans une cellule de 2,5m2 ! 10 000 détenus Palestiniens en Israël

L’association Asraa Al Qods représente les familles des détenus palestiniens d’Al Qods. Nous avons rencontré une délégation de l’association, dont son président, Amjad Abou Saab, à l’occasion de la Journée nationale du prisonnier palestinien à Jérusalem.
Selon les accords d’Oslo signés en 1993 entre les négociateurs israéliens et palestiniens, l’ensemble des détenus palestiniens devait être libéré. Cela n’a pas été le cas car les gouvernements successifs chargés de l’application des accords ont estimé après coup qu’il était hors de question de libérer des personnes «ayant du sang sur les mains». Ainsi ni les prisonniers de 48, ni ceux de Jérusalem, ni ceux du Golan syrien n’auront été élargis.
A ce jour, sur les 10 000 palestiniens emprisonnés, 20 détenus de Jérusalem, 20 de Cisjordanie et 1 du Golan ont passé plus de 20 ans dans les geôles israéliennes et y croupissent encore. Bien que n’étant pas de nationalité israélienne, les prisonniers de Jérusalem ont été considérés pour le besoin comme tels, et ce, afin de pouvoir les déférer devant des tribunaux militaires pour «collaboration avec l’ennemi». Ils font l’objet d’une politique d’isolement au sein de la prison.
Les juges israéliens font rarement dans la dentelle : Na’il Barghouti, plus ancien détenu à ce jour, croupit dans les geôles israéliennes depuis 33 ans. Abdennaser Lahyassi, lui, y a passé 15 ans, dont 2 en isolement pieds et poings liés dans une cellule de 1m50 sur 1m –il a depuis perdu la raison. Ala Eddin Elbaziane est privé de liberté depuis 25 ans alors qu‘il est aveugle. Ibtissam Issaoui, elle, a passé 9 ans sur les 12 auxquels elle a été condamnée. Car sur les 10 000 Palestiniens détenus actuellement 35 en effet sont des femmes –dont 4 de Jérusalem. Amna Mouna en est la plus ancienne, condamnée à perpétuité depuis 10 ans ; elle en a passé 2 en isolement. Sanaa Shhadi a été condamnée 4 fois à la prison à vie. Certains détenus ne revoient jamais le jour : 15 sont décédés durant leur détention.
Selon Abou Ghassan, condamné à perpétuité en 1970 et libéré en 1985 dans le cadre d’un échange de prisonniers, «les conditions de détention sont faites pour briser et humilier». Après son arrestation, il a subi un mois de chocs électriques sur le crâne et le sexe, mains ligotées, régulièrement roué de coups de bâton, avec des séances d’étouffement, visage enfermé dans un sac. Les prisonniers sont parfois attachés nus à un chauffage puis, une fois bien réchauffés, sortis subitement dans la neige. Les cellules sont sans vasistas, les sorties dans la cour réduites à une heure par jour – les prisonniers de confession juive y sont autorisés toute la journée -, les lectures interdites et la seule radio dispensée est La Voix d’Israël.
Autres formes de torture : un détenu parti se faire enlever une dent cariée se fait arracher une dent saine ; un autre s’étant fait opérer d’une hernie se voit intimer à son réveil de l’anesthésie de collaborer avec le Shin Beth, les services secrets israéliens, faute de quoi les points de suture fraichement placés lui seraient illico presto retirés ! La démarche n’est pas exceptionnelle, toutes les occasions sont bonnes pour exercer un chantage à la collaboration avec l’armée.
Côté familles, les visites sont une humiliation et pour les détenus une forme de torture supplémentaire : réveil à l’aube pour les familles, entassement dans des voitures de la Croix rouge escortées de jeeps israéliennes, interdiction de s’arrêter pour faire ses besoins ou se dégourdir les jambes. A l’arrivée à la prison, les familles sont rassemblées dans une cour, avec un seul cabinet de toilette, et le seul robinet d’eau pour se désaltérer a été placé à même les WC. Les familles sont fouillées au corps et le droit de visite limité à 45 mn toutes les 2 semaines. Les détenus sont présentés ligotés à leurs familles, les communications enregistrées, toutes choses contraires à la 4e Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Parfois, pour pouvoir rendre visite à un fils détenu, les parents sont obligés de demander une autorisation spéciale à la Cour suprême. La démarche prend un an… elle doit être renouvelée si le détenu est transféré dans une autre prison.
Les détenus ont droit à 1 couverture, 3 culottes, 3 paires de chaussettes, 1 paire de chaussures et des vêtements de couleur marron… achetés à la prison. Car la prison fait commerce : les familles n’ont pas le droit d’approvisionner les détenus, tout étant à vendre -cher – et si, à l’appel fait 3 fois par jour un détenu ne se présente pas droit comme un militaire, il est condamné à une amende de 500 shekels (≈100 euros).
Après quelques victoires et assouplissements des conditions de détention obtenues de longue lutte, principalement via des grèves de la faim (amélioration des menus en viande et légumes notamment, droit à recevoir un enseignement), une détérioration brusque s’est vue méthodiquement appliquer après la capture par le Hamas du soldat israélien Gilat Shalit, dont le nom reviendra souvent dans la bouche des familles de détenus ainsi que dans celles des officiels rencontrés : «Shalit, Shalit !… nous avons 10 000 prisonniers et rien n’est fait pour eux». Malgré les brimades et les conditions indignes, le moral reste bon, nourri par une foi inébranlable en la justesse de leur cause.
Côté solidarité, les familles des détenus ont droit à 1 300 shekels / mois (260 €) pour un célibataire et 1 600 pour les mariés (320 €) de la part de l’Autorité palestinienne. L’argent versé aux détenus par les associations de solidarité internationales est aujourd’hui retenu par les autorités israéliennes. Il est considéré comme «un soutien au terrorisme».