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Influences

Mort par empoisonnement : énorme contraste entre la loi et son application sur le terrain

La mort toxique objet de la IVe journée de la Société marocaine de toxicologie
clinique, le 25 octobre

Les participants pour une loi actualisée et plus réaliste.

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«La mort toxique, qu’elle soit accidentelle, suicidaire ou criminelle, impose systématiquement l’engagement d’une procédure d’enquête judiciaire sous le contrôle du parquet général (art.77 du Code de procédure pénale -CP), ce qui peut aboutir à  la mise en jeu de responsabilité pénale et/ou civile.», c’est la déclaration du Pr Rachida Soulaymani, directrice du Centre antipoison Maroc (CAPM), lors de la IVe journée nationale de la Société marocaine de toxicologie clinique et analytique (SMTCA), organisée le 25 octobre, à  Rabat, portant sur «Les intoxications mortelles, gestion et prise en charge». Elle précise, par ailleurs, que sur le plan pénal, les incriminations sont diverses (crime ou délit selon le résultat), allant du crime d’empoisonnement à  l’administration de substances nuisibles à  la santé, en passant par l’assistance au suicide (art. 407 CP), l’homicide involontaire (art. 432 CP) et l’avortement illégal (art. 449-451 et 454 CP). Mention particulière pour les crimes contre la santé de la nation et les infractions commises dans la commercialisation de certains produits soumis à  contrôle.

Le bilan dressé lors de cette IVe journée montre que la létalité d’origine toxique au Maroc paraà®t plus élevée que dans les pays occidentaux. L’on distingue deux types de victimes. L’adulte jeune, appartenant aux deux sexes et mourant le plus souvent dans un contexte suicidaire. Les produits en cause sont très nocifs, tels la Para Phényle Diamine (PPD), les produits phytosanitaires, le phosphure d’aluminium, les produits caustiques et le monoxyde de carbone. L’implication des commerçants et de la vente illicite ou non réglementée de ces produits est évidente.

L’autre victime est l’enfant jeune, mâle ou femelle, qui meurt le plus souvent d’envenimation, d’erreur thérapeutique ou d’utilisation de plantes dans un contexte accidentel. L’implication des parents, sous-tendue par la négligence, l’analphabétisme et le faible niveau socioéconomique, est mise en cause. Elaborer un programme de lutte contre la mort toxique nécessite une connaissance de l’épidémiologie de ces décès, et, à  cet effet, la tenue d’un registre des décès toxiques a été mise en Å“uvre.

Cependant, l’insuffisance d’institutions et de cadres spécialisés dans le domaine de la toxicologie analytique et médico-légale, ainsi que les difficultés inhérentes à  la qualité et quantité des prélèvements, leur acheminement, leurs conditions de conservation et leur délai de destruction sont souvent la cause d’une faible imputabilité des décès suspects à  un toxique donné. La procédure judiciaire peut en souffrir. Ainsi, le contraste entre la sévérité des conséquences pénales mentionnées dans des textes de loi souvent anciens et le laxisme dans leur application sur le terrain a interpellé l’assistance lors de ces IVes journées, et plaidé en faveur d’une nouvelle réglementation actualisée et plus réaliste pour diminuer la morbidité et la mortalité toxique.