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Culture

Un Mawà¢zine nouveau et généreux

Neuf jours, neuf scènes en plus des grands boulevards de la capitale, 40 pays, 100 concerts, voilà à quoi la 7e édition du festival Mawâzine (du 16 au 24 mai à Rabat), qui s’est repris en main après son échec cuisant de 2006, invite le million de visiteurs attendus.

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Pendant les trois journées des 9, 10 et 11 mai, rappeurs, hip-hopeurs, rockers et fusionneurs qui ont obtenu leur ticket pour les demi-finales du concours Génération Mawâzine se sont succédé sur la scène de la charmante Nouzhat Hassan.

Ils sont pimpants, fougueux et mus par une rage de vaincre hallucinante. Car, à la clé, il y a une des dix places en finale, qui se déroulera devant le public du festival. Consécration que les jeunes compétiteurs briguent, dans la mesure où elle leur permettrait de se faire ouvrir les portes d’une carrière musicale. C’est dire combien Mawâzine est perçu comme une référence.

On doit l’initiative de Mawâzine à Abdeljalil Lahjomri
Mawâzine est le résultat – sonore – d’un sentiment de frustration et d’une passion. Celle qu’éprouve Abdeljalil Lahjomri envers sa ville natale : Rabat. Il l’aime de tout son cœur, mais l’homme de culture qu’il est souffre de la voir tourner le dos à la culture.

Aussi se met-il à mijoter une rencontre rituelle susceptible de la réconcilier avec les nourritures spirituelles. A l’époque, les Musiques sacrées du monde de Fès sont au firmament, le festival Gnaoua ne cesse de marquer des points, le moussem d’Asilah n’a plus besoin de faire ses preuves.

Lahjomri rêve pour Rabat de manifestations de cette envergure. Il n’entend pas, cependant, marcher sur leurs brisées. «Nous nous sommes dit qu’il importait que Rabat possédât son label. Fès, Essaouira, Marrakech ou Asilah sont parvenus à en forger de spécifiques, alors pourquoi pas Rabat ? Nous avons mûrement réfléchi et nous sommes arrivés à la conclusion que ce label pourrait prendre l’aspect d’un espace de rencontre entre les rythmes du monde», nous racontait l’ancien grand-prêtre de cette messe sonore. Doù la dénomination «Mawâzine», vocable ainsi explicité : «En langue arabe, mawâzine signifie à la fois «équilibres» et «rythmes».

Nous avons choisi cette appellation parce qu’elle correspond à la philosophie qui sous-tend le festival : équilibre entre tradition et modernité».

S’affranchir du tout-venant, la règle d’or de Mawâzine
Mais, bien que pavé des meilleurs sentiments, le chemin de Mawâzine ne sera pas sans obstacles. Certains se gaussent de ce nouveau-né prétentieux qui désire s’affirmer dans une cité où l’on ne compte plus les festivals mort-nés ; d’autres protestent contre le caractère élitiste de cette manifestation qui repose sur l’expression corporelle. Quant à l’organisation de la première édition, elle fait l’effet d’un patinage artistique.

Mise à l’écart du directeur artistique, appel in extremis à un autre, conférence de presse à maintes reprises ajournée, et surtout petit jeu de pousse-pousse avant que la liste définitive des musiciens et des danseurs ne soit arrêtée.

Mais, au bout, une divine surprise, la première copie remise par Mawâzine est des plus palpitantes. Autre motif de satisfaction : ce ne sont pas seulement les mélomanes et les esthètes qui ont succombé aux charmes, encore tendres de Mawâzine, mais aussi les publics profanes, venus en nombre.

Auréolé de cette réussite inattendue, Mawâzine se fait un devoir d’étonner à chacune de ses apparitions. Sélection toujours étonnante, choix de rythmes peu communs, rejet du tout-venant en sont les vertus cardinales.

Les musiciens et les chanteurs sont triés sur le volet. En vrac, et sans volonté d’exhaustivité: Césaria Evora, Daniel Waro, Oumou Sangaré, Salif Keita, Youssou N’Dour, Boubacar Traoré, Susana Baca, Toto La Momposina, Chuchumbé, Yuri Buenaventura, Maria Ana Bobone, Barbirosa, El Bicho, Bisan, Lotfi Bouchnak, Nasser Chamma… Excusez du peu ! Quatre premières éditions de rêve. Le vaisseau Mawâzine bat pavillon haut. A la cinquième, il se met à tanguer dangereusement, incompréhensiblement. Va-t-il sombrer ?

Whitney Houston, Dee Dee Bridgewater, Nancy Ajram et les autres
Après cette déroute, on s’attend à une révolution de palais. Il n’en est rien. Juste quelques réglages. Comme procèdent les équipes de football en mal de résultats, on change d’entraîneur. Le directeur artistique, Chérif Khaznadar est débarqué, Mahmoud Lemseffer est chargé de la programmation marocaine et orientale. Pas de chambardement, donc, mais les timides ajustements ont un effet heureux. Il faut dire que le plateau offert en 2007 est éblouissant.

Le groupe congolais Kekele, Bando do Pelo, le trio Chaino, Abd al Malik, Paco Ibanez, Revista do Samba, Manitas de Plata, Mory Kanté, Hajja Hamdaouia et Naïma Samih ont enflammé les foules.

Résolument engagé dans un processus de renouvellement après la leçon amère de 2006, Mawâzine ne reprend pas les mêmes pour recommencer. Pour l’édition 2008, son président, Abdeljalil Lahjomri, ne répondra pas à l’appel. C’est Mounir El Majidi qui occupera le fauteuil vacant.

Ahmed Ghayet, membre de la commission Génération Mawâzine, disparaît de la feuille de route. Aziz Daki, nouvelle recrue, se retrouve en revanche coiffé de plusieurs casquettes. Il est directeur artistique, chargé de la programmation internationale, commissaire des expositions et… porte-parole du festival, lequel, de ce fait, ressemble plutôt à un gouvernement. Qui ne serait pas chichiteux puisque, au lieu des sept nuits convenues, il nous en propose neuf.

Neuf nuits pour électriser Rabat, incitant à la déambulation. Au total, dix lieux sont concernés cette année, dont les grandes artères de la ville. Car Mawâzine entend en prendre possession, faisant entendre ses sonorités aussi bien dans des endroits clos qu’en plein air et sur les boulevards passants.

La programmation est délibérément hétéroclite, jazz, songo cubain, flamenco, salsa, pop brésilienne, rock, reggae, rap, gnawi, variété, chanson marocaine, zouk, tambours, afro-beat, funk, soul, fusion, protest song marocain, blues… Voilà qui nous promet un déluge de rythmes chatouillant agréablement les tympans. Mais où donner de l’oreille ? A moins d’être pourvu d’un don d’ubiquité, on passera forcément à côté de bien des concerts jouissifs.

On remarquera que la VIIe édition de Mawâzine a privilégié les figures mythiques de la chanson et de la musique. C’est sans doute pour cette raison que la note finale de cette orgie musicale sera donnée par l’incomparable Whitney Houston. Quant au «la», il sera donné par George Benson, jazzman hors-pair, guitariste aux doigts de fée, improvisateur fantasque.

Les accros au jazz seront comblés, avec notamment Dee Dee Bridgewater, à la voix lancinante, et Al Di Meola, dont les compositions sont un mélange de jazz harmonique, de rock, de flamenco et d’un zeste de polyphonies indéfinies.

Peu visible au Maroc, la musique tzigane sera à l’honneur, par le truchement de Goran Bregovic, brillant alchimiste des mélanges heureux, le Turc Hassan Yarimdünia, clarinettiste envoûtant, et Taraf de Haidouks de Roumanie, qui se compose d’une dizaine de musiciens, en équilibre entre art tzigane ancien et tempo universel contemporain. Autre rareté sur scène, parce que difficiles à réunir dans une même soirée, Jil Jilala, Lemchacheb et Nass El Ghiwane, les bandes qui ont fait les beaux jours de la scène musicale marocaine des années 70 et enfanté des rythmes aussi insensés que dérangeants.

Il faudra compter également avec Nancy Ajram, Assala Nasri, Amr Diab, autant de chanteurs solaires qui illuminent la chanson arabe .