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Idées

Pour un vrai combat contre la pédophilie

Aujourd’hui, il nous faut un nouvel arsenal juridique et une réelle volonté politique pour combattre la pédophilie. Cessons de fermer les yeux, c’est un phénomène qui prend de l’ampleur et il n’est pas le fait uniquement de touristes déviants.

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L’affaire du tueur en série de Taroudant a tenu en haleine l’opinion publique pendant plusieurs semaines ; sa conclusion appelle plusieurs remarques. D’abord au niveau de la médiatisation. La loi veut qu’un accusé, même quand il avoue, reste un suspect, donc innocent jusqu’à son jugement. Or, qu’a-t-on lu et entendu, de la bouche même des autorités policières : «le coupable a été arrêté». La presse étrangère a payé cher ce genre de dérives puisqu’il n’est pas rare que des «coupables» s’avèrent innocents. Le médecin légiste y est allé lui aussi de son cours à la télé. La vue des ossements a secoué les plus endurcis d’entre nous ; que dire des enfants en bas âge ? Nos présentateurs n’ont même pas eu la délicatesse de nous prévenir que la séquence (trois bonnes minutes !) comportait des scènes choquantes.
Elément plus troublant : à regarder les photos de la reconstitution parues dans la presse, on a l’impression que le présumé tueur en série avait un vrai couteau entre les mains. Espérons que ce n’est qu’une impression. Car, le cas échéant, on a le droit d’avoir des sueurs froides. Imaginez qu’un dixième crime ait été perpétré à ce moment ?
Au-delà de ces péripéties, qui ont leur importance, le massacre de Taroudant est le premier du genre au Maroc. Les pédophiles tueurs défraient la chronique depuis une trentaine d’années en Occident. Cette nouvelle pathologie est sûrement liée à la mise au ban de la société de la pédophilie tout court. Non tolérée parce qu’intolérable, la pédophilie devient un stigmate qui pousse quelques-uns au meurtre.
Au Maroc où en est-on ? Il est faux de dire que la pédophilie n’existe pas. Elle est visible à l’œil nu, dans nos rues, nos quartiers, les salles de jeux. Il y a même des lieux de drague repérés. Pire, culturellement, dans le milieu des artisans en particulier, elle est «normale» ou, en tout cas, fortement tolérée.
Sur le plan légal, les peines encourues sont ridicules. Un pédophile à Rabat, qui a abusé de dizaines d’enfants en très bas âge, n’a écopé que de 18 mois de prison.
Le viol, en général, quand il n’est pas accompagné de séquestration, n’est pas cher payé. Au maximum 5 ans de prison et, en général, autour de 2 ans. Le tabou de la honte fait que les familles se refusent à la plainte judiciaire et laissent des loups en libre circulation. Nous n’avons que très peu de structures de soutien aux victimes, qu’elles soient femme ou enfant.
Ce combat-là a aujourd’hui une forme d’urgence. Rester dans des vieux schémas qui ne correspondent à aucune réalité nous prépare d’autres catastrophes. L’homosexualité existe chez nous comme partout dans le monde. Tant qu’il s’agit d’adultes consentants, il n’y rien à redire. La pédophilie n’est pas exclusivement homosexuelle, le nombre d’«hétéros» qui abusent d’enfants est conséquent.
Aujourd’hui, au nom de la protection de l’enfance, il nous faut un nouvel arsenal juridique et une réelle volonté politique pour combattre la pédophilie. Cessons de fermer les yeux, c’est un phénomène qui prend de l’ampleur et il n’est pas le fait uniquement de touristes déviants.
Ce combat doit être immunisé contre toute tentation d’inquisition. Les adultes consentants sont libres de leurs mœurs ; mais la violence, l’abus d’enfants, le détournement de mineur doivent être sanctionnés très sévèrement. Parce qu’ils brisent des vies. Le jour où nous nous attaquerons à ces rapaces, il est fort probable que nous éviterons d’autres drames. Car qui pourrait croire qu’aucun voisin n’a remarqué le manège du suspect avec les enfants ? Qui l’a jamaisdénoncé ? Personne. Tous ces gens ont neuf morts sur la conscience !