Idées
Les tribulations des justiciables pendant les vacances d’été
Le Ramadan est terminé. Après un mois de piété, l’heure est venue de reprendre le cours normal des activités, et dans certains domaines, c’est même le moment ou jamais de faire de bonnes affaires. Mais pas dans le monde de la justice, qui a connu un ralentissement de son activité durant le mois de jeûne.

C’est traditionnel : durant le mois de Ramadan, les palais de justice tournent au ralenti, car bien des fonctionnaires prennent leurs congés annuels durant cette période, pour pouvoir effectuer le pèlerinage de la Omra. Mais cette année, les choses sont légèrement différentes, car, au mois sacré…succèdent les vacances judiciaires. Qui voient également les tribunaux se vider, non des justiciables, mais plutôt des fonctionnaires. Donc durant l’année 2016, les tribunaux feront relâche durant près de… quatre mois ! Qu’entend-on exactement par relâche? En fait, la justice est une machine complexe dont les citoyens ignorent le fonctionnement exact. Ils ne connaissent que l’apparat des tribunaux, des audiences solennelles ou la complexité des procédures. Dans les faits, plusieurs éléments doivent être regroupés pour qu’un tribunal fonctionne correctement, et c’est ce qui pose problème durant les vacances judiciaires. Commençons par les juges, qui sont au somment de l’appareil judiciaire. Un magistrat est donc appointé pour rendre la justice… Mais que devient-il si son greffier est absent ? Car c’est sur ce dernier que reposent les détails de la procédure. Le greffier doit mettre les dossiers à jour, les classer, vérifier leur contenu, les pièces fournies par les parties, et préparer la prochaine audience. Or, durant les mois d’été, magistrats et greffiers jouent à cache-cache avec les justiciables. Quand l’un est présent, l’autre ne l’est pas. Or, traditionnellement, c’est cette période de l’année que choisissent bon nombre de citoyens, ou même de professionnels du droit, pour mettre à jour certains dossiers, récupérer des documents divers, ou en déposer d’autres dans les dossiers en instance. Tout le monde essaye surtout de profiter du calme relatif que connaissent alors les tribunaux. Mais c’est peine perdue, et, si on constate l’augmentation des gens dans les tribunaux en été, il serait faux de dire que tout le monde en repart satisfait ! Prenons le cas de M.T, par exemple. Il est cadre dans une multinationale, basée en Europe. Il compte mettre à profit son séjour de quinze jours au Maroc pour régler un contentieux locatif. La chose est simple : son locataire verse régulièrement le montant des loyers au tribunal, suite à un ancien conflit, sur lequel l’on ne s’étendra pas. Il suffit, pense-t-il, de se présenter à la caisse du tribunal, justifier son identité, pour récupérer son dû. Grave erreur, comme d’habitude, les choses les plus simples s’avèrent souvent d’une redoutable complexité. On lui explique, que, comme on dit par chez nous, on ne sort pas du bain comme on y est entré… Et donc, pour récupérer son argent c’est facile, sous réserve de suivre à la lettre un (petit) parcours du combattant. ET d’abord, de quel argent s’agit-il exactement ? M.T. explique que ce sont les montants d’un loyer, que cela n’excède pas quelques milliers de dirhams (21830,91 DH très exactement), et qu’il n’est au Maroc que pour une quinzaine de jours. On lui répond qu’on comprend son tracas, mais que tout se fera très vite… (Parole de fonctionnaire, qui n’engage que celui qui veut bien la croire !). Il suffit donc de déposer une requête en ce sens, attendre l’audience en référé, puis le jugement qui suivra illico presto, puis récupérer ledit jugement (en espérant que le magistrat l’a bien paraphé avant de prendre son congé)….et, et, ….de quel argent s’agit-il en fait, demande brusquement un fonctionnaire tatillon? Nouvelles explications de M.T qui commence à s’énerver, surtout lorsqu’on lui apprend qu’il faut au préalable vérifier si cet argent est bien là où il est censé être. Direction la caisse pour demander un document certifiant le dépôt des sommes réclamées. Mais un nouvel obstacle se dresse : si le caissier trône bien derrière ses vitres blindées, le greffier en chef, chargé de la comptabilité, est en vacances, et ne sera de retour que dans quelques jours! Fin du film pour M. T. qui réalise que là c’est mission impossible ! Il a préféré consacrer son séjour à ses vacances et mandaté un avocat pour suivre la procédure ad hoc ! n
