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Idées

Les dossiers chauds de la rentrée

Dans la mesure où l’action publique est conduite
par des majorités successives préoccupées surtout
par des objectifs de court terme, rien n’oblige
le gouvernement, à  la veille d’une échéance électorale,
à  agiter des dossiers peu «consensuels».

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Fiscalité, retraites, couverture maladie, trois principaux dossiers sociaux sur lesquels le gouvernement va devoir (re)plancher dès la rentrée. La cohésion de la société est toujours mise à mal par un processus de croissance en demi-teinte et un chômage de masse de longue durée. Une reprise de la croissance, aussi vigoureuse soit-elle, ne signifie pas que les déficits sociaux vont se dissiper sous l’effet d’un «boom» conjoncturel de la richesse nationale. On peut penser que, dans la mesure où l’action publique est conduite par des majorités successives préoccupées surtout par des objectifs de court terme, rien n’oblige le gouvernement, à la veille d’une échéance électorale, à agiter des dossiers peu «consensuels». Mais une certaine conception de l’intérêt général impose à l’Etat, surtout en matière de retraites, de s’engager sur une politique de long terme. D’autant plus que celle-ci s’avère inéluctable pour parvenir à une redistribution équilibrée et à une justice minimale entre les générations.

Reporté d’une année à l’autre pour cause de stabilisation des recettes de l’Etat, l’ajustement de la réforme fiscale ne peut plus souffrir un autre report. L’enjeu du débat fiscal porte, d’une part, sur le niveau d’imposition, et, d’autre part, sur le degré de progressivité. Le premier point renvoie à l’efficacité et à l’utilité de la dépense publique, le second à la redistribution opérée par l’impôt. Sur le premier, les enjeux ne laissent guère le choix, même s’il est loin d’être prouvé qu’il est économiquement plus efficace de baisser les impôts que de mieux satisfaire certains besoins. Concernant le degré de progressivité de l’impôt, «ya pas photo» : le système marocain de prélèvements est, dans son ensemble, fort peu redistributif. L’impôt sur le revenu, en apparence progressif, joue en fait mal son rôle : seule une infime partie de la population est concernée par cet impôt et de nombreuses niches fiscales réduisent sa progressivité apparente. La question de la réforme fiscale est donc de savoir si l’on doit marier justice sociale et efficacité économique ou s’il faut sacrifier la première à la seconde.

Le système de retraite marocain fonctionne selon le principe de la répartition. Les cotisations des actifs permettent de payer les pensions des retraités du moment. Or, le rapport entre le nombre de retraités et celui des actifs va s’élever, sous l’effet du départ à la retraite de la génération de l’indépendance et de l’allongement de la durée de la vie. Trois solutions existent : augmenter les cotisations, réduire les pensions ou allonger la durée des cotisations nécessaires pour obtenir une pension à taux plein. Quant au développement des fonds de pension, c’est-à-dire des retraites par capitalisation, il ne peut apporter qu’une solution très partielle au problème posé. Le débat sur les retraites est obscurci par le souci de justifier des réformes drastiques. Il est un peu démagogique d’affirmer qu’il suffirait d’augmenter chaque année les cotisations pour tout résoudre, alors que d’autres dépenses collectives, comme l’éducation et la santé, sont également appelées à croître. Enfin, la volonté de mettre à disposition des entreprises des capitaux à long terme pousse à la mise en œuvre de compléments de retraite par capitalisation. Une chose est sûre : toute réforme qui, au nom de la liberté, réduirait la place des systèmes collectifs et obligatoires, serait source d’inégalités.

Le système public de soins est de médiocre qualité et les inégalités face à la santé demeurent fortes. Pour des raisons qui tiennent au système de soins lui-même, mais aussi du fait des conditions de vie. La mise en place de l’Assurance maladie obligatoire et la perspective d’adoption du Ramed ouvre de nouveaux débats : le niveau de remboursement des soins, la couverture complémentaire, la régulation du système, le mode de conventionnement des professionnels de la santé… En revanche, la difficulté rencontrée par le gouvernement à réformer de manière négociée le système de soins risque d’ouvrir la voie à la pratique de tarifs sauvages des consultations, mettant en danger l’existence même d’une politique de contrat entre les professionnels des soins et l’assurance maladie. Il faut accepter l’idée que les dépenses de santé vont augmenter, parce que les techniques progressent, que la population vieillit et parce qu’il est normal que, dans une société en évolution, nous consacrions aux soins une part croissante de notre revenu. Une gestion efficiente de ces principaux dossiers de la rentrée implique un engagement ferme de l’Etat mais aussi l’existence de corps intermédiaires qui aient la capacité de négocier et de conclure des compromis équilibrés sur la protection sociale. Toute crispation idéologique risquerait de conduire à un ajournement des décisions.