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Idées

Financement de la PME : les banques sont-elles un bouc émissaire ?

Depuis longtemps, de nombreux acteurs de la vie économique mettent en avant la frilosité du système bancaire à  accompagner le développement de la PME. A y regarder de plus près, on se rend compte que la réalité est beaucoup plus complexe. Les difficultés des PME à  accéder au financement bancaire tiennent en effet à  plusieurs facteurs. Analyse.

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Tout d’abord, il convient de faire remarquer que l’évolution de la culture managériale au sein des banques et des PME s’est opérée selon des rythmes et des ampleurs différents chez les unes et les autres.
C’est ainsi que, sous la pression conjointe des actionnaires, qui attendent à juste titre des niveaux de rentabilité comparables aux standards internationaux, et celle des autorités monétaires, qui recherchent légitimement à solidifier le marché financier marocain et éviter tout risque financier majeur, le système bancaire a pris conscience beaucoup plus tôt de la nécessité de se restructurer et de se moderniser. Cette restructuration a concerné l’ensemble des composantes du système de management et touché sans exception l’organisation, les procédures, les systèmes d’information, le marketing et la prospection commerciale, le contrôle de gestion, la maîtrise des risques, la formation et le rajeunissement des équipes… Elle s’est soldée dans l’ensemble par de bons résultats.

Il faut aussi souligner une des spécificités du marché bancaire marocain : la cohabitation intelligente entre des banques maroco-marocaines et des filiales de banques étrangères. Ces dernières ont joué un rôle positif en termes de diffusion d’une culture de l’efficacité et de la performance mais aussi d’écoute et d’amélioration constante de la qualité de service aux clients.
En deuxième lieu, certains aspects de la réglementation ont eu des effets contraires à ceux recherchés. A titre d’exemple, la fixation de conditions plancher et plafond aux taux d’emprunts ne nous semble pas être une bonne mesure. En effet, les conditions plancher, qui ont pour objectif d’éviter la surenchère à la baisse pour ne pas fragiliser la situation financière des banques, sont à notre sens inutiles dans la mesure où les banques ont montré qu’elles savaient très bien gérer leurs comptes d’exploitation (application de la théorie des vases communicants entre taux d’intérêts et commissions). Quant à la fixation des taux plafond, elle induit fatalement une exclusion du champ du bénéfice du crédit d’une frange importante d’entreprises qui ont un risque supérieur au plafond de taux, étant entendu qu’une composante fondamentale du niveau de taux correspond à la qualité de risque. Donc, à part le segment des particuliers où elle se justifie, la limitation à la hausse des taux d’intérêts comporte des effets pervers.
En troisième lieu, la problématique du financement de la PME a été souvent traitée sous un seul angle alors qu’elle comporte deux volets intimement liés : garantie et financement. La banque n’est pas un établissement de garantie. Pour prêter, elle a besoin de garanties pour couvrir en partie le risque de non-remboursement.

Cette garantie peut provenir de l’entreprise elle-même, d’organismes de garantie, ou du chef d’entreprise ou des trois.
La garantie de l’entreprise. Elle est possible quand celle-ci possède un patrimoine en rapport avec les sommes empruntées et/ou possède des perspectives de développement importantes qui permettent de faire face à l’ensemble des engagements pris et surtout un système d’information et de comptabilité qui reflète au mieux la situation de l’entreprise.
La garantie peut également provenir du chef d’entreprise. Il ne s’agit pas ici d’une garantie personnelle bien que les banques la demandent souvent, mais, surtout, d’une implication conséquente et donc rassurante dans la structure des fonds propres et empruntés du chef d’entreprise. Cette implication témoigne de la confiance que le chef d’entreprise a dans ses affaires et dans leur évolution. Il est évident que plus ce degré d’implication est faible et plus la banque cherche à se protéger avec des garanties importantes.
Enfin, la garantie peut provenir d’établissements et de structures spécialisés. Ce dernier type de garantie, qui se développe, est tout à fait adapté à la problématique de la PME et permet à de plus en plus d’entreprises d’obtenir des crédits bancaires dans des conditions acceptables.
Dans ce contexte, et afin de réduire les risques liés à l’octroi de crédits, les banques cherchent souvent à mettre en place des garanties supérieures voire très supérieures aux risques encourus. En fait, elles cherchent à maximiser l’effet dissuasion que procure l’arme garantie.
En tout état de cause, il faut avoir et garder à l’esprit que la banque n’est pas un service public. Elle est soumise aux pressions de performance à l’instar des autres secteurs d’activité. Ceci est valable pour les banques privées mais aussi pour les banques publiques voire très publiques. Toutefois, en mobilisant des garanties importantes, elles privent le chef d’entreprise de liquidités auxquelles il peut accéder ailleurs.
En fait, d’autres aspects viennent compliquer la relation PME /banques. En premier lieu, la nature même du système de tarification des services bancaires comportant des «toxines» qui «polluent» la gestion de cette relation et donnant l’impression que la banque est celle des grandes entreprises. Il y a aussi le processus de prise de décision, qui n’est pas bien compris, etc.

Au-delà de tous ces griefs, et à partir d’une observation constante et d’une pratique régulière de la relation banques /PME depuis de nombreuses années, il faut reconnaître que rarement une demande de financement d’une PME remplissant les conditions minimales en termes de performance, pérennité, transparence et donc solvabilité, a été refusée par les banques. Mieux encore, les banques, depuis quelques années, pratiquent une forte concurrence pour avoir ces dossiers.

Par contre ce que la PME peut demander aux banques, c’est un meilleur accompagnement pendant la période de restructuration que vivent la plupart d’entre elles en ce moment, une plus grande personnalisation et adaptation des services, une plus grande transparence du système de tarification, une gestion intelligente de l’aspect garantie et une facilitation de l’accès aux marchés internationaux.
La PME a en ce moment sa propre «autorité monétaire» et sa propre «Bank el Maghrib», en beaucoup plus sévère. Il s’agit de la réalité du marché résultant de l’ouverture des frontières et du développement de la concurrence. Bien que ses dirigeants aient pris conscience de cette situation et aient démarré des restructurations profondes, il faut espérer que le facteur temps ne joue pas désormais en défaveur de certaines d’entre elles.