Microcrédit, la justice jusqu’au bout
Comment traiter l’épineux problème du recouvrement de crédits ne dépassant pas quelques milliers de DH ? Les juges auront-ils le courage de sanctionner les débiteurs défaillants ?
La question de la recrudescence des impayés dans le microcrédit est à prendre très au sérieux. Certes, le taux de défaillance y reste, dans l’absolu, peu élevé, inférieur à celui que l’on observe dans le secteur bancaire, et les montants en jeu ne sont pas énormes, pour le moment.
Mais le problème n’est pas là. Il réside dans le fait que, en dépit de l’aspect contractuel et commercial des emprunts, c’est la dimension sociale qui risque, in fine, d’être prise en compte. En effet, la population qui recourt à ce type de financement est constituée de personnes vivant à la limite du seuil de pauvreté.
La difficulté, dès lors, réside dans le recouvrement des sommes impayées, sachant que, pris individuellement, les montants des prêts incriminés sont dérisoires et le nombre de débiteurs défaillants important. Le facteur aggravant est la conception, qui tend à s’installer chez certains, selon laquelle le microcrédit s’apparente davantage à une aide sociale, une sorte d’INDH bis, qu’à un prêt en bonne et due forme.
Que faire face à cette situation complexe ? Passer l’éponge, même en recapitalisant les associations concernées par les pertes, reviendrait à décrédibiliser le système. Exiger des autorités locales qu’elles assistent les prêteurs en vue du recouvrement de leurs créances risquerait de créer des émeutes et aucun gouverneur ne s’y aventurerait. La seule solution reste la consolidation des dettes pour les créances les moins risquées et la justice pour les autres.
Car, si un citoyen peut se rebeller devant l’autorité locale, il se soumet forcément à celle de la justice qui le rattrape tôt ou tard. Là encore, et la difficulté est de taille, les juges joueront-ils le jeu ? C’est l’enjeu majeur et la crainte des opérateurs du secteur.
Comment convaincre un magistrat de condamner un individu pour défaillance de remboursement lorsque le montant est de 3 000 DH ?
Question tout aussi cruciale, une fois le jugement rendu, sera-t-il mis à exécution ?
Il faudra pourtant en arriver là pour pérenniser un système dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. Aujourd’hui, le microcrédit compte 1,3 million de clients.
Cela signifie que 5 millions de personnes au bas mot vivent directement ou indirectement des activités financées par le microcrédit. Les bons doivent-ils payer pour les mauvais ? Assurément non.
La justice doit faire son travail jusqu’au bout, et l’Etat a le devoir d’y veiller.