Fromage rouge

En décortiquant la longue liste des produits alimentaires importés, une question vient à  l’esprit : Le Maroc n’est-il pas capable de produire la même qualité au même prix ? Sommes-nous à  ce point incompétents ?

Des tonnes de fromages, des tonnes de bananes, des milliers de paires de chaussures, des millions de pièces de vêtements…, la tendance n’est pas nouvelle mais la courbe a pris une inflexion significative. De plus en plus, nous consommons des produits importés. Certes, sur un plan purement économique, le consommateur doit y trouver son compte quelque part, mais il n’y a pas que le prix, il y a aussi la perception de qualité supérieure inhérente au produit importé, que celle-ci soit justifiée, pour la plupart des cas, ou trompeuse.
En s’amusant à décortiquer juste l’impressionnante liste des aliments, vêtements et articles en cuir, les questions se posent de manière presque naturelle : ces produits ne nécessitant pas une technologie de pointe ni un savoir-faire inabordable, et dont une bonne partie des intrants est soit largement disponible sur le marché local, soit accessible au même prix pour tous, pourquoi le Maroc n’en produit-il plus ? Pourquoi s’est-il laissé damer le pion par la concurrence étrangère ? Pourquoi n’en produit-il pas ? Pourquoi importer du fromage «rouge» de Hollande, de France ou de nouvelle Zélande alors que le process de production en est fort simple.
Les réponses à ces interrogations peuvent tenir de manière simpliste en une seule phrase : le rapport qualité/prix. A cela on pourrait ajouter l’absence de marketing attractif et le manque d’adaptation du design à l’évolution des besoins de la société. Que de gens se plaignent non de la mauvaise qualité des chaussures marocaines mais de l’absence de beaux modèles. Et dans ce registre, la compétitivité y est : une enseigne de chaussures comme Hayani réussit à séduire les femmes. Une marque de vêtements comme Marwa  a réussi à se faire une place dans ce marché très concurrentiel de l’habillement féminin.  
Des exemples, il en existe, mais malheureusement trop peu. De fait, hanté par le spectre de l’assèchement des devises étrangères depuis la fin des années 70, le Maroc a construit sa politique économique sur le développement des exportations, assis sur un libéralisme à même de favoriser ses flux avec l’étranger. Il ne s’agit nullement de défendre le retour au protectionnisme, bien au contraire, mais de militer pour le développement d’un appareil productif suffisamment compétitif pour profiter des opportunités de ce marché local qui s’ouvre à des modes de consommation mondialisés. Détermination des substituables, coût des facteurs de production, coût des intrants, formation en marketing et design… Et si nous avions notre Pacte «Emergence intérieure» ?