Et notre dignité ?

Avez-vous déjà essayé de décrocher un visa affaires pour les Etats-Unis ? En temps normal, déjà, la procédure est relativement contraignante. Prise de rendez-vous sur internet, présentation en personne au jour et à l’heure indiqués, muni de tous les documents nécessaires, questionnaire relativement serré, prise d’empreintes et retour pour récupération dans l’après-midi. Cela si tout se passe bien, car, pour peu que votre prénom ou nom prête à confusion, votre dossier est envoyé aux Etats-Unis pour un traitement qui peut prendre un mois avant décision. Il y a deux ans, un cadre d’une filiale de multinationale américaine installée au Maroc en avait fait les frais !

Aujourd’hui, mieux vaut surseoir à votre voyage si vous n’avez pas de visa. Les services consulaires américains au Maroc étant provisoirement suspendus, il faut aller, au choix, à Alger, Tunis, Madrid, Bruxelles ou Amsterdam. En d’autres termes, il faut trouver un vol qui corresponde à la date du rendez-vous, voyager la veille, passer une nuit à l’hôtel, aller le lendemain très tôt au consulat, attendre quelques heures pour avoir le visa – si tout se passe bien – et espérer trouver un vol en fin de journée, sinon c’est re-hôtel. Personnes dont le prénom est Oussama, Aymane, Mohamed ou Omar, entre autres, s’abstenir.

Il est relativement aberrant qu’un pays qui a signé un accord de libre-échange avec le Maroc, qui organise une loterie où l’on peut décrocher la nationalité américaine et qui prône la démocratie et les droits de l’homme en arrive à ces extrémités parce que deux farfelus se sont fait exploser dans la rue qui abrite son consulat. Qu’il adresse une mise en garde à ses citoyens, à la suite de pseudo-attentats terroristes, est compréhensible, mais qu’il ferme pratiquement l’accès à son territoire relève d’un mépris profond pour ces «relations d’amitié séculaires», ce «partenariat», cette « alliance »…. Paroles, paroles…

Victime, le Maroc ? Les Marocains ne le pensent pas. Aucun communiqué, aucune protestation du gouvernement quant à ce qui s’est passé. Nous avons le sentiment d’être des moutons devant le grand loup qui risque de nous manger. On veut bien qu’il y ait des considérations d’ordre diplomatique, que l’heure soit à l’apaisement, que le Sahara, que l’aide éventuelle, que ceci et cela… mais c’est pousser le bouchon un peu loin. Le sentiment de hogra est d’autant plus exacerbé que le voisin algérien, lui, a réagi à la simple publication de la mise en garde aux citoyens US et que le consulat n’a pas été fermé alors que les attentats qui ont secoué l’Algérie sont nettement plus graves que les nôtres. Que fait-on de notre dignité de Marocains ?