Vision 2010, les opérateurs s’inquiètent
Deux mois avant les Assises nationales du tourisme, les opérateurs s’impatientent. Rien de concret n’a été entamé en 2005.
Fiscalité, plans de développement régionaux, textes de
loi… les chantiers structurants sont en panne.
Alors que l’on pensait que le secteur touristique avait entamé sa vitesse de croisière pour permettre au Maroc d’avoir ses 10 millions de touristes à l’horizon 2010-2012, il semble que la machine ait des ratés. A la mi-septembre, et surtout à la veille du 10e anniversaire de la Fédération du tourisme, la sortie médiatique de Jalil Benabbès Taârji, son président, a donné le la. Message clair : les chantiers stagnent.
Paradoxalement, 2005 promet d’être un bon cru. Au cours des sept premiers mois, les arrivées de touristes ont crû de 6% par rapport à la même période en 2004. Plus important, des villes comme Fès, Tanger et Meknès, longtemps sinistrées, ont vu leur fréquentation croître de manière notable. Est-ce suffisant ? «Les résultats sont bons, mais nous allons stagner», estime un opérateur du secteur qui a tenu à garder l’anonymat et qui abonde dans le sens de M. Tâarji. Il n’est pas le seul. 2005 n’a marqué aucune avancée notable, affirment les opérateurs.
Dans les faits, très peu de choses ont été faites. Au niveau tout d’abord de la consolidation du balnéaire existant, des retards importants ont été enregistrés à Agadir où le plan de développement régional n’est pas encore au point et où le transfert de la décharge publique et la lutte contre l’érosion marine n’ont pas encore été entamés. La rénovation des unités hôtelières de deuxième et troisième ligne, accuse aussi du retard. La zone de Founty I a été achevée mais ce n’est pas le cas pour Founty II. A Tanger, même constat. La nouvelle zone du Ghandouri a été officiellement lancée et la rénovation du parc hôtelier suit son cours mais rien n’a encore été fait pour la dépollution de la plage, le repositionnement de l’ONMT, la multiplication des dessertes aériennes…
Au niveau des villes culturelles également, pas d’effort notable. Aucune visibilité n’est perceptible pour Ouarzazate, Rabat, Casablanca et Meknès.
Seule Marrakech tire son épingle du jeu mais, là aussi, un essoufflement se fait sentir. L’Aguedal, conçue comme une zone touristique de nouvelle génération, accuse des retards dans la phase de travaux des différents projets.
Au niveau de l’aérien, la libéralisation n’a pas été suivie d’une évolution majeure. Certes, de nouvelles compagnies opèrent sur le Maroc, mais l’engouement marqué en 2004 a disparu en 2005. Rien n’a non plus été annoncé sur le fonds de soutien aux nouvelles lignes et sur les lignes déficitaires. Pour ce qui est de la professionnalisation des métiers, rien n’a été fait pour recadrer les métiers d’agents de voyages, accompagnateurs et guides. Idem pour le transport terrestre…
A part Kounouz Biladi,
les actions de l’ONMT restent timides
Et l’ONMT dans tout ça ? L’office aussi a quelque peu traîné des pieds en 2005. «A part l’opération Kounouz Biladi, menée à grands frais et ponctuée par de nombreuses conférences de presse, rien de nouveau à l’horizon», estime un voyagiste casablancais. Signalons que l’office a néanmoins mené une importante étude sur les principaux pays émetteurs.
Autre chantier en suspens, celui de la réforme de la TPT (taxe de promotion touristique). Un serpent de mer : «Cela fait quatre ans de retard pour ce projet», souligne un des initiateurs de cette réforme. Pourtant, celle-ci semble bel et bien abandonnée. La restructuration juridique de l’office semble par ailleurs être bloquée.
Au niveau de la fiscalité, des mesures sont à prendre. Un des opérateurs du secteur a récemment remis au ministre des Finances un document dans lequel il décortique les mesures fiscales inhérentes aux nouvelles stations et propose des solutions pour les alléger. Pour l’heure, aucune suite n’a été donnée. Pourtant «redéfinir pour le tourisme un dispositif fiscal cohérent et incitatif, adapté à son statut de priorité nationale» était une des mesures majeures du contrat-programme signé en 2001.
Finalement, 2005 n’aura pas été à la hauteur des attentes. Lors des assises nationales tenues à Marrakech en décembre 2004, il avait été relevé une absence d’arbitrages tactiques ou stratégiques dans le pilotage de la Vision 2010 et son exécution au jour le jour et l’absence de reformatage périodique de la Vision ainsi qu’une perte de souffle et de mobilisation dans certains départements ministériels. Un an après, les choses n’ont pas changé et les assises de 2005, qui auront lieu à Essaouira, produiront le même constat.
Les opérateurs qui, manifestement, ne veulent pas s’exprimer ouvertement pour ne pas jeter de l’huile sur le feu allumé par le président de leur fédération parlent aussi du peu de temps consacré par le ministre au secteur depuis un an. «Il a aussi l’artisanat sur le dos et cela fait trop pour une seule personne», disent-ils en privé. A l’heure où nous mettions sous presse, Adil Douiri n’était pas joignable pour s’exprimer sur le sujet. En conclusion, le tourisme va bien, mais jusqu’à quand ?