Une nouvelle stratégie pour relancer l’artisanat
Un contrat-programme sera d’abord signé avec une quinzaine de PME artisanales susceptibles de pénétrer le marché international.
La bijouterie et la décoration sont retenues comme fer de lance du secteur.
Amélioration des conditions de financement, aménagement d’espaces
de vente et protection sociale pour les artisans individuels.
L’artisanat aura son contrat-programme. Il sera signé probablement en janvier prochain. Reste à savoir qui sera autour de la table. C’est en effet là où se situe la grande question, sachant que l’artisanat marocain est constitué de centaines de métiers de production et de services qui sont autant d’activités de subsistance que de création de richesses et donc d’emplois. De l’aveu même du ministre en charge du secteur, Adil Douiri, dont le département a mené durant de longs mois un travail d’identification et d’analyse, pour élaborer une nouvelle stratégie de développement, la situation n’est pas du tout réjouissante. Les études réalisées ont permis de dégager trois sortes d’activités, avec une valeur ajoutée plutôt limitée.
Le premier concerne l’artisanat utilitaire destiné à une clientèle nationale, notamment rurale (habit traditionnel, poterie utilitaire, etc,) dont le chiffre d’affaires ne dépasse guère les 3 milliards de dirhams.
Il y a ensuite l’artisanat de production à contenu culturel (fer forgé, bois, etc.) prisé à la fois par les nationaux et les touristes, mais dont le chiffre d’affaires est limité, soit 10 milliards de DH annuels dont 17 % émanant de touristes étrangers. Troisième catégorie identifiée, l’artisanat de production et de services destinés à l’export qui renferme un grand potentiel de développement mais dont le chiffre d’affaires atteint tout juste 700 MDH. Ce sont les artisans maçons qui s’exportent de plus en plus, notamment vers les pays voisins, et d’autres métiers désorganisés, sans véritables réseaux de distribution.
Objectif : réorganiser 5 à 7 filières d’ici 2015
Face à ce tableau, il existe pourtant une forte demande aussi bien sur le marché intérieur urbain que sur le marché extérieur, mais qui demeure désorganisée et non appréhendée. Et pour
cause ! le secteur ne dispose ni d’un budget d’investissement suffisant (19 MDH en 2005 auquel il faut ajouter 20 millions DH pour « la Maison de l’Artisan »), ni de ressources humaines compétentes et suffisantes, que ce soit au niveau de l’administration ou des chambres professionnelles au nombre de 24 à travers le pays.
Dans ces conditions, la stratégie pour l’avenir conçue par le département d’Adil Douiri est plutôt réaliste à défaut d’être ambitieuse. Elle a l’avantage de vouloir provoquer, selon ses propres termes, « une rupture avec le passé, de tracer des objectifs chiffrés précis et de s’inscrire dans la continuité, c’est-à-dire qu’elle ne prendrait pas fin avec le mandat du ministre ». Ainsi, le plan d’action comprend deux axes.
Le premier consiste à provoquer l’émergence d’acteurs majeurs, un groupe de 10 à 15 entreprises qui signeront un contrat-programme avec l’Etat, lequel leur apportera un soutien effectif (encadrement, prestations gratuites destinées à la production et à la commercialisation), en contrepartie de la production et de la commercialisation d’un volume donné sur des marchés ciblés. Une soixantaine d’autres PME artisanales profiteront également de ces actions.
Etant donné l’existence d’une forte demande, le plan consiste à sélectionner par appel d’offres des entreprises ou des opérateurs capables de pénétrer les réseaux de distribution et de répondre à leurs carnets de commandes. La sélection devra se faire selon un certain nombre de critères comme la taille de l’entreprise, sa vocation à l’export, la qualité de son management et son chiffre d’affaires. Le contrat-programme sera donc tripartite entre l’Etat, l’opérateur et le réseau de distribution, chacun s’engageant à honorer des obligations précises : obligation de résultat pour l’opérateur, soutien à la production et à la promotion pour l’Etat, et écoulement du produit par le réseau. Dans cette optique deux filières à fort potentiel de croissance, bijouterie et décoration, ont été choisies. Le but est de créer des acteurs (1 à 3 par filière), avec un chiffre d’affaires escompté de 50 à 100 MDH par acteur. D’ici à 2015, ce sont 5 à 7 filières qui seront intégrées dans le circuit.
L’équation du financement n’est pas encore résolue
D’une manière générale, il s’agit d’élargir le tissu de production en aidant à organiser le marché de certaines matières premières (des fournisseurs et grossistes peuvent être choisis par appels d’offres), en introduisant des processus-qualité et en fournissant gratuitement des expertises aux PME, sans bien sûr oublier la formation. L’objectif est de passer de 60 PME à 200 ou 300 en 2015, ce qui contribuerait à faire évoluer le chiffre d’affaires, et surtout les emplois. Aujourd’hui, le secteur compte environ 23 450 emplois dont moins de 5 000 permanents, l’objectif est d’atteindre 37 200 emplois permanents dans les 10 ans à venir.
Le second axe porte sur une politique ciblée qui sera menée en direction de l’artisan individuel, ou «mono artisan», rural ou urbain à travers un certain nombre de mesures lui permettant en premier lieu d’améliorer son chiffre d’affaires et ses conditions de travail. Pour ces artisans, incontestablement les plus nombreux, l’effort sera dirigé vers l’aménagement d’espaces de vente, avec des mesures s’appuyant sur l’octroi de micro crédit. Il s’agit de passer de 5 000 prêts actuels, à 175 000 en 2007 et de porter les encours à 30 000 DH. La réflexion est de nouveau engagée pour ce qui est de la couverture sociale des petits artisans.
Pour réaliser ces programmes, le financement ne risque-t-il pas de faire défaut ? «On fera avec ce qu’on a», indique le ministre.
En vue d’améliorer l’offre du secteur, des processus qualité seront mis en place, et des expertises fournies gratuitement aux opérateurs.