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Une autorité de la concurrence aux pouvoirs très limités !

Le Conseil de la concurrence ne veut pas se focaliser sur les conflits de compétence avec les régulateurs sectoriels. Il agira en aval, l’Agence de réglementation des télécommunications et Bank Al-Maghrib en amont. Pour les concentrations, le champ d’intervention du conseil commence à  partir d’un chiffre d’affaires plancher au niveau mondial et domestique.

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L’entrée en vigueur du décret d’application de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence pose plus que jamais la question de la portée du nouveau statut du Conseil de la concurrence. En effet, alors que la Constitution consacre les nouvelles compétences de l’institution, les textes organiques et d’application, quant à eux, tendent à réduire les prérogatives de celle-ci en limitant son champ d’intervention dans plusieurs secteurs, notamment les activités bancaires et les télécommunications.

De plus, le décret d’application fait fi de la compétence précisée pourtant à l’alinéa 2 de l’article 166 de la Constitution, à savoir la possibilité de statuer sur les pratiques commerciales déloyales.Sur la question des régulateurs sectoriels, Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence, se montre pourtant consensuel: «Maintenant que nous disposons de la capacité d’auto-saisine, d’enquête et de plaidoyer, nous ne voulons pas enclencher de polémique et de conflits de compétences avec les régulateurs sectoriels».

Il confirme ainsi que la double compétence est le consensus qui a été trouvé avec l’ANRT et Bank Al-Maghrib. «La réglementation sectorielle et l’application de la loi sur la concurrence devraient se compléter l’une l’autre afin de réaliser un but commun, l’efficacité économique», explique-t-il.Une simple analyse des textes démontre que régulateurs sectoriels et autorités en charge de la concurrence ne disposent pas des mêmes outils pour infléchir ou contrôler les comportements des acteurs économiques. Tout d’abord, dans le domaine de la concurrence, l’utilisation des instruments de régulation est conditionnée par la qualification des pratiques. Mis à part dans le cas du contrôle des concentrations, les autorités concurrentielles doivent d’abord déterminer si les pratiques en cause relèvent de l’abus de position dominante (ou de «dépendance économique») ou d’une entente (ou pratique concertée). Par exemple, la simple constatation que le mode de fonctionnement d’un marché est très imparfaitement concurrentiel n’ouvre la porte à aucune intervention.

 Mais là où le président du Conseil de la concurrence peste contre le texte réglementaire élaboré par le ministère des affaires générales, c’est quand il s’agit des pratiques commerciales déloyales : «Cette compétence a été désignée de manière spécifique dans la Constitution, pourtant les textes organiques et réglementaires ont fait fi de cette question». Cette remarque formulée par M.Benamour n’est pas partagée par certains juristes, comme c’est le cas de Amal Lamnai, magistrate et conseillère du ministre de la justice.  «Les pratiques commerciales déloyales impliquent une relation professionnel/consommateur, alors que le Conseil de la concurrence a une approche marché. Il s’agit donc d’un terrain de compétence du juge», explique-t-elle.

Le gouvernement décide des sanctions dans les dossiers de pratiques anticoncurrentielles

Le décret d’application est encore plus restrictif quant au champ d’intervention du Conseil de la concurrence. D’abord en matière de contrôle des concentrations, les chiffres d’affaires exigés sont élevés quand on sait que plus de 90% du tissu économique marocain est constitué de PME et que les déclarations des chiffres d’affaires ne sont pas toujours fidèles. Ainsi, pour l’application de l’article 12 relatif au contrôle des concentrations, le seuil des chiffres d’affaires prévu est de 750 MDH hors taxes réalisés au niveau mondial ou 250 millions facturés au Maroc par au moins deux des entreprises ou groupes concernés par la fusion.

D’ailleurs, pour les secteurs ou zones géographiques particuliers, des seuils de chiffre d’affaires différents peuvent être fixés par le chef du gouvernement ou le ministère concerné. «Il est clair que nous ne nous basons pas sur une analyse préalable pour fixer ces seuils, mais nous avons dû nous aligner sur les normes européennes», répond Abdelali Benamour quand on lui demande les référentiels de ces montants. Quand il s’agit de pratiques anticoncurrentielles, dernier bastion de la compétence du Conseil de la concurrence, les sanctions sont dévolues au gouvernement. Les enquêteurs sont désignés par «le chef du gouvernement ou l’autorité gouvernementale déléguée par lui, qui leur délivre des cartes professionnelles».

Mais le conseil dispose tout de même de la capacité de statuer sur les exonérations des sanctions. En effet, une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d’autres, mis en œuvre une pratique d’entente s’il a contribué à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments dont l’Autorité de la concurrence ou l’administration ne disposaient pas antérieurement. Une procédure spécifique est prévue à cet effet dans le nouveau texte réglementaire. Ainsi, le Conseil de la concurrence, après avoir entendu le représentant et l’entreprise concernée, adopte un avis de clémence précisant les conditions auxquelles est subordonnée l’exonération envisagée. Si les conditions précisées dans cet avis ont été respectées, le conseil peut, lors de sa décision au fond, accorder une exonération totale ou partielle de sanctions proportionnée à la contribution apportée à l’établissement de l’infraction.