Tourisme : 177 milliards de DH pour la mise en oeuvre de la Vision 2020

L’Etat engagera 32 milliards de DH pour la formation, la promotion, la sécurisation du foncier et la réalisation des infrastructures hors site. 132 000 jeunes à  former d’ici 2020. Chaque région aura son école d’excellence.

On en a beaucoup parlé, on l’a analysé, argumenté, critiqué ou soutenu, pourtant le texte intégral de la Vision 2020 n’a encore jamais été rendu public. De source proche du ministère du tourisme, il le sera dans quelques semaines. Si la Vision 2010 a d’abord créé la rupture par la mise en œuvre d’une stratégie d’impulsion, la Vision 2020 se positionne quant à elle dans une logique de consolidation. L’objectif est de faire entrer le Maroc dans le top 20 des destinations mondiales, au lieu de la 26e place occupée à l’issue de la Vision 2010.
Pour réaliser cette ambition, le Maroc fera émerger progressivement, tout au long de la décennie, six nouvelles destinations touristiques pour relayer la croissance des deux pôles déjà existants, à savoir Marrakech et Agadir. La nouvelle philosophie est d’inscrire le secteur dans un cadre «repensé et renouvelé» fondé sur trois axes majeurs : une politique d’aménagement territorial de l’offre touristique, une nouvelle structure de gouvernance et une démarche intégrée de développement durable.
L’aménagement territorial a été pensé pour diversifier l’offre touristique. En effet, sur les 1 500 ressources touristiques identifiées comme les plus pertinentes, seules 350 sont partiellement valorisées. C’est pour y remédier que seront créés huit territoires présentant une cohérence touristique, l’attractivité et la masse critique nécessaires en termes de capacité d’hébergement, d’actifs touristiques et de dessertes aériennes. Chaque destination sera dotée d’une stratégie propre et sera à même d’offrir une expérience unique, en complémentarité avec toutes les autres.
Le ministère du tourisme compte entamer avant la fin de ce mois des concertations avec les régions administratives afin de mettre en place des plans d’action régionaux. L’objectif étant d’aboutir à des contrats programme régionaux qui devront être signés d’ici à la fin de l’année.
La Vision 2020 prévoit la mise en place d’une nouvelle architecture institutionnelle qui consacre la transversalité du secteur d’où la création d’une instance nationale de pilotage, «la Haute Autorité du tourisme» réunissant l’Etat, les Régions et le secteur privé. Celle-ci sera appuyée et relayée par des Agences de développement touristique (ADT) qui seront créées dans les huit nouveaux territoires. Les Conseils régionaux du tourisme (CRT) et les Conseils provinciaux du tourisme (CPT) seront ainsi remplacés progressivement par les ADT.  Ces agences élaboreront des contrats de performance pluriannuels qui seront validés par la Haute autorité. La loi  relative à la création de ces agences sera promulguée cette année même. Elles seront mises en place graduellement dans un délai de trois ans.
Pour le volet développement durable, l’analyse des niveaux de densité touristique de chaque destination a permis de fixer un seuil limite pour éviter la dégradation des écosystèmes  et un impact négatif sur les communautés locales. Une première dans le secteur touristique au Maroc.
Dans le même temps, une commission «développement durable»  public/privé sera créée au sein de la haute autorité afin d’impulser une dynamique de développement durable et d’en assurer son suivi. Autre nouveauté, une étoile «verte» sera ajoutée au classement hôtelier pour distinguer les établissements qui ont mis en place une démarche modèle. Ce qui leur permettra d’avoir un appui spécifique de l’ONMT en termes de promotion et de distribution.
Un dispositif stratégique d’accompagnement est également prévu pour diversifier l’offre touristique. Durant la décennie passée, les investissements touristiques se sont en effet concentrés sur les capacités hôtelières au détriment de l’animation et des loisirs. A l’heure actuelle, ces activités ne représentent que 7% de la valeur ajoutée et 6% de l’emploi du secteur touristique contre 35% pour le secteur hôtelier. De même, les infrastructures d’accueil de grands évènements internationaux sont insuffisantes, et les besoins en hébergement touristique domestique ne sont couverts qu’à hauteur de 10%.  D’où la mise en place de six programmes structurants. Il y a d’abord la construction d’une offre balnéaire compétitive à l’échelle internationale consistant à parachever les différentes stations lancées et l’extension de certains projets structurants entrepris au cours de la dernière décennie dont principalement la Plage Blanche. Dans le même cadre, il est prévu le développement de nouveaux resorts, notamment à Aghroud, au nord d’Agadir. Au titre du programme patrimoine et héritage, des monuments historiques du pays seront réhabilité et reconvertis tout en préservant leur identité architecturale. Une société de revalorisation touristique du patrimoine sera ainsi créée pour transformer kasbahs, ksours, greniers… en lieu d’hébergement haut de gamme. La réalisation de grands musées de classe internationale sont aussi en projet. Pour l’heure, deux grands projets sont prévus : le musée de l’Afrique à Tanger et le musée de l’histoire du Maroc à Meknès. Les autres programmes sont l’animation, le sport et les loisirs, le développement durable, le tourisme de niches à forte valeur ajoutée et le plan Biladi.
La concrétisation des objectifs implique la formation de 132 000 jeunes d’ici 2020. Chaque territoire touristique aura sa propre école d’excellence. Celle de Marrakech, qui sera créée en partenariat avec la prestigieuse école de Lausanne, ouvrira ses portes à la rentrée 2012-2013.

15 milliards de DH pour un fonds de développement touristique

En tout il faudra 177 milliards de DH pour cette Vision 2020, dont 32 milliards apportés par l’Etat, en partie pour financer la promotion, la formation et le soutien à l’investissement et en partie pour alimenter un fonds de développement touristique de 15 milliards. La plus grosse part sera à la charge du privé, à concurrence de 40% par fonds propres et 60% par endettement. Pour le seul secteur hôtelier, un besoin en financement de l’ordre de 100 milliards de DH sera nécessaire.
La vocation du fonds qui sera créé dès juin prochain est justement de sécuriser et de mettre à la disposition des développeurs le foncier nécessaire aux projets touristiques planifiés dans le cadre de la Vision, via la Société marocaine d’investissement touristique (SMIT) à qui il pourra déléguer la maîtrise d’ouvrage. Dans le même esprit, celle-ci aura la possibilité de constituer une réserve foncière et de procéder aux expropriations nécessaires aux projets futurs et en cours.
Autre nouveauté : pour soutenir l’investissement touristique et l’orienter vers les territoires moins développés ou émergents, l’Etat s’engage à accorder des primes d’investissement qui tiennent compte du niveau de risque perçu par les investisseurs pour chaque territoire et chaque type de produit. Le niveau de soutien variera autour d’une moyenne de 10% de l’investissement global des projets.
Dans le même temps, les projets jugés stratégiques répondant à un cahier des charges convenu entre l’Etat et le secteur bancaire marocain se verront appliquer des conditions d’accès préférentielles et avantageuses à des crédits à long terme. La mise en œuvre et le suivi de cette mesure seront assurés conjointement par le ministère du tourisme et le secteur privé via une commission dédiée. Une première enveloppe de 24 milliards de DH sera allouée pour la période 2011-2016 à ce mécanisme de financement bancaire.
Entre 2011 et 2015, les initiatives seront essentiellement tournées sur le développement de tous les programmes et l’impulsion de grands chantiers. Entre 2016 et 2020, ce sera la seconde phase du programme où il s’agira de consolider les anciennes destinations et positionner les nouvelles.