Que fait le gouvernement ?

Une série de mesures seront annoncées au cours des semaines à venir.
Les coûts des intrants et des facteurs de production seront revus pour certains secteurs.
Que fait le gouvernement ? Les difficultés s’amoncellent sur l’économie et les patrons, inquiets, ne voient rien venir. Nombre de décisions, officieusement annoncées, restent en suspens, des problèmes attendent d’être réglés et la conjoncture fait peser de lourdes incertitudes sur le budget de l’Etat dont la marge de manoeuvre est de plus en plus réduite. Pourtant, cette inquiétude sur la situation économique n’est pas partagée par le premier ministre.
Ce dernier, qui a reçu La Vie éco, vendredi 13 mai, relativise les problèmes, amplifiés, estime-t-il, par des revendications sectorielles.
Des mesures sont bel et bien prévues, mais «il faut qu’elles soient bien pensées et dosées dans le temps». Certes, reconnaît-il, «il y a des problèmes qui se posent, mais les opérateurs sont trop impatients et, surtout, ils se tournent systématiquement vers le gouvernement. Agir dans l’urgence ne permet pas d’être constructif.» L’idée de Driss Jettou est de profiter des soubresauts qui agitent certains secteurs de l’économie pour remettre à plat la politique. «Pas de demi-mesures, il faut construire», affirme-t-il.
Les prochaines semaines seront, promet-on, riches en mesures. Sur le plan macro-économique, il y a déjà eu la hausse des prix du carburant qui évitera à l’Etat de débourser 2 milliards de DH, non budgétisés. Cela dit, d’autres hausses du carburant pourraient intervenir cette année si le prix du baril continue à se maintenir au-delà de 50 dollars. Sachant que, affirme le premier ministre, il faudra revenir – progressivement – au système d’indexation de sorte à rétablir la vérité des prix d’ici à fin 2005. L’augmentation du prix du carburant n’est pas la seule mesure prise en matière d’énergie. Elle s’accompagnera à partir du 1er juillet de la mise en place de la journée continue ainsi que de l’horaire d’été (GMT+1). Cet horaire d’été sera d’ailleurs annuellement reconduit : passage à GMT en octobre, puis à GMT + 1 en mars. Là encore, l’économie espérée est d’un milliard de DH par an.
Enfin, et toujours sur un plan macro-économique, la situation budgétaire pour l’année 2005 est relativement maîtrisée. D’autant que la flambée des importations a permis d’engranger de substantielles recettes fiscales. L’équilibre budgétaire sera maintenu, assure M. Jettou, et le programme d’investissements publics sera respecté.
Concernant le Code du travail et la polémique née du chevauchement entre l’augmentation du Smig et la réduction de la durée du travail, le premier ministre se veut clair: «Quand le code dit que la réduction du temps de travail ne doit pas s’accompagner d’une perte de revenu, il s’agit de revenu horaire. Les entreprises qui veulent continuer à travailler 48 heures sont libres de le faire, mais elles devront payer 44 heures au taux normal et 4 heures supplémentaires. Quant au Smig, il y en a un seul et il est de 9,66 DH/h» . Le premier ministre estime qu’il n’y a pas lieu d’amender le Code du travail à ce sujet. Une position qui ne manquera pas de faire perdurer le problème. Les lectures dudit code et des décrets y afférent donnent lieu à de multiples interprétations…
Quid des problèmes que vit l’industrie ? Le premier ministre affirme que le gouvernement est décidé à faire un effort sur le coût de l’énergie, en opérant prochainement une baisse de l’électricité industrielle pour les entreprises grosses consommatrices. Mais, s’il faut soutenir certains secteurs, d’autres feront les frais de la mondialisation pour cause de non-compétitivité. «On ne peut éternellement garder sous perfusion un malade qui n’a pas de chances de rémission.» C’est le cas de l’industrie du plastique par exemple. Pour le textile, il juge en revanche que le soutien de l’Etat est nécessaire et c’est pour cela que ce dernier a décidé de se substituer aux banques en accordant des crédits, pouvant être utilisés à des fins de restructuration financière et de modernisation, à hauteur de 12 millions de DH par entreprise. «Il s’agit de donner aux entreprises de ce secteur les moyens de mettre à jour leur stratégie», argumente-t-il. la migration vers la qualité et les investissements en amont du secteur sont les deux voies de salut pour se maintenir sur les marchés étrangers. L’autre idée est de lever la contrainte que pose l’accès à la matière première. Il évoque notamment le cas du coton, taxé à 32,5%, et qui alourdit le prix de revient. «Il faut faire vivre le marché intérieur, et pour cela la production locale doit être compétitive par rapport aux produits importés». Une déprotection sur le coton est prévue.
L’agroalimentaire est également jugé stratégique. Le premier ministre estime que le plus grand obstacle réside dans l’approvisionnement en matière première. La solution passe donc par une intégration en amont des entreprises et des partenariats avec des investisseurs de taille, étrangers notamment. En ce sens, le texte interdisant par exemple la vente de terres agricoles à des étrangers sera modifié. Par ailleurs, le gouvernement promet de revoir la taxation des intrants pour le secteur de la biscuiterie/confiserie.
Enfin, pour les autres branches de l’industrie, le premier ministre, tout en mettant en exergue la divergence d’intérêts entre les différentes requêtes, invite les professionnels à lui soumettre des propositions. «Elles seront examinées avec le plus grand sérieux, mais l’intérêt du pays passe avant tout. L’équilibre entre les différentes composantes de l’économie, et notamment le droit du consommateur à avoir accès à des produits moins chers, sera toujours pris en compte», conclut-il
Les milieux d’affaires s’inquiètent… Le premier ministre reste serein.