Que faire du matériel informatique devenu obsolète ?

En cas de cession d’un matériel usagé, le problème ne se pose pas si l’on fait appel à un expert assermenté et si le prix de vente est réaliste. En cas de donation à une association ou d’un retrait du bilan sans contrepartie, le fisc peut évaluer et redresser.
Outil indispensable mais pourtant à obsolescence très rapide, le matériel informatique fait partie des immobilisations qui connaissent le taux de rotation le plus élevé chez les entreprises. Souvent, malgré les mises à jour, les systèmes d’information deviennent inadaptés aux nouvelles versions logicielles et/ou le software devient trop gourmand en mémoire vive et une capacité de calcul. Résultat, une durée de vie qui s’établit entre 3 et 5 ans et des achats de renouvellement fréquent. Le problème est qu’avec un parc informatique d’environ un million d’ordinateurs dans les entreprises et organismes publics et de nouvelles acquisitions atteignant jusqu’à 250 000 par an, on se retrouve très vite avec une importante quantité inutilisable. Ne sachant que faire, la plupart des entreprises les conservent, ce qui entraîne encombrement et charges supplémentaires relatives au coût du stockage, entre autres.
Entre mise en rebut, cession ou même donation, la sortie de cette immobilisation du bilan, même après amortissement, peut avoir des conséquences fiscales, si l’opération n’est pas correctement retranscrite sur les livres comptables et surtout si le nombre d’unités est significatif. Le problème au Maroc, c’est qu’aucun texte ne parle spécifiquement de ce point. Il relève du Code général des impôts dans sa partie relative à l’impôt sur les sociétés et plus particulièrement de l’article 161 sur les plus-values constatées ou réalisées en cours ou en fin d’exploitation.
Même en cas d’amortissement, le bien garde une valeur de marché
Même en cas d’amortissement complet, chaque immobilisation a une valeur de marché tant qu’elle peut être utilisée. Car contrairement aux stocks, et sauf erreur initiale dans la qualification du bien, toute inscription en classe 2 du plan comptable d’un bien à durée définie, c’est-à-dire amortissable, est irréversible. Il n’existe pas d’autres procédures de sortie de cette classe 2 conforme à la loi. Par conséquent, le bien, même s’il est totalement amorti, doit y rester inscrit.
Si l’entreprise désire absolument le sortir de son bilan, deux cas de figure sont envisageables. Le premier prend deux formes : la cession du bien à un tiers ou une sortie du bilan sans cession.
En cas de vente, un expert mandaté doit évaluer la valeur du matériel informatique selon les conditions du marché et la constater dans un rapport qu’il remettra à la société afin qu’elle procède à la vente. La plus-value ainsi réalisée constituera un profit taxable au titre de l’exercice.
En cas de disparition ou de détérioration, l’indemnisation de l’assureur doit être comptabilisée
«Mais attention ! , avertit un expert-comptable, dans cette situation, il faut fixer un prix de cession réaliste, en accord avec le marché». Car, si le fisc a tendance à fermer les yeux sur la cession de matériels informatiques sans rapport d’expert quand la quantité est négligeable, il effectue un redressement automatiquement quand le prix est symbolique et que le cumul de sa valeur simple dépasse une certaine somme. Le contribuable doit donc s’entourer d’arguments et de preuves pour justifier ses opérations. Or, dans la plupart des cas, la revente d’ordinateurs, si l’on devait respecter cette procédure, coûte plus en temps et démarches administratives qu’elle ne rapporte. De fait, les ordinateurs qui ont 4 ou 5 ans sont acquis, systématiquement, par des intermédiaires qui vont écouler cette marchandises auprès des entreprises de récupération de métaux, câblages et silicium contenu dans les cartes. Ils n’ont donc pas de valeur utile en tant que biens informatiques et de ce fait le prix proposé est ridiculement bas mais constitue quand même une valeur de marché. C’est pour cette raison que les entreprises se contentent de stocker le matériel en attendant de s’en débarrasser un jour… en le jetant à la poubelle !
Lorsqu’un bien n’a plus de valeur de marché, sa sortie sans cession doit être enregistrée de manière bien particulière. La sortie sans cession est caractérisée par l’absence d’une valeur de marché. Cette situation peut résulter des faits suivants : disparition de l’immobilisation quelle qu’en soit la cause, destruction suite à un sinistre, incendie ou accident, mise hors service d’un bien ne respectant plus les normes de sécurité ou environnementales, etc. Dans le cas d’une disparition ou d’une détérioration accidentelle du matériel, il faut comptabiliser l’indemnité d’assurance versée par l’assureur, si elle existe.
Enfin, dans le cas d’une donation, notamment à un organisme sans but lucratif, second cas de figure, le matériel est toujours estimé par un expert en informatique assermenté qui consignera sa valeur dans un rapport remis à la direction. Un huissier de justice constatera alors la remise du matériel à l’association en contrepartie d’un bon de réception délivré par cette dernière. Il s’agit d’une garantie permettant d’éviter un redressement fiscal. D’autant plus que les donations aux associations reconnues d’utilité publique et à certains organismes comme les associations de microcrédit sont exonérées. Il n’empêche, le Code général des impôts dit clairement que «lorsqu’un élément corporel ou incorporel de l’actif immobilisé est retiré sans contrepartie pécuniaire, l’administration peut l’évaluer. La plus-value résultant, le cas échéant, de cette évaluation est imposée comme une plus-value de cession». Le fisc tient compte ici de la nature même du bien. Il est donc évident que le matériel informatique, si la quantité est limitée, ne fera pas l’objet de la même attention qu’un véhicule ou une grosse machine. Mais il reste que le principe de précaution doit être privilégié, en attendant un dispositif adéquat. Selon un expert comptable, un projet de circulaire qui en est à sa quatrième version devait traiter de tous les points ambigus concernant la cession d’immobilisations, mais il ne dit rien sur le matériel informatique.