Protection douanière : les céramistes reviennent à la charge

Ils s’impatientent de la lenteur de la mise en place des mesures de sauvegarde…
…et mettent en cause l’Union européenne qui exercerait des pressions
pour que ces mesures ne l’affectent pas
Le ministère du Commerce extérieur
assure qu’une solution sera bientôt
trouvée.
Les producteurs de carreaux en céramique, à travers leur association (Association professionnelle des industries céramiques, APIC), reviennent à la charge. Ils demandent l’application des mesures de sauvegarde envisagées par les pouvoirs publics, suite à l’enquête réalisée par le ministère du Commerce extérieur sur le phénomène des «importations massives» observées ces dernières années. L’enquête a conclu à l’existence d’un lien causal entre ces importations et les dommages causés à l’industrie nationale.
Ces mesures de sauvegarde, comme il est précisé dans le rapport d’enquête, devaient consister en la mise en place de droits de douane additionnels sur l’importation de carreaux, à partir de fin août/début septembre 2005, pour une durée de quatre ans. Seulement voilà : certaines parties intéressées, qui se sont exprimées lors de l’audition publique organisée au siège du ministère du Commerce extérieur le 1er mars dernier, conformément à l’article 3.1 de l’accord de l’OMC sur les clauses de sauvegarde, n’étaient pas d’avis que les difficultés de la branche céramique provenaient des importations, en tout cas pas des importations en provenance d’Europe. On l’aura deviné, ces parties sont l’Union européenne, l’Espagne (premier exportateur mondial) et l’Italie. Pour celles-ci, le dommage ou la menace de dommage invoqué par les industriels marocains, à supposer qu’il existe – ce dont la Commission européenne doute – ne serait pas le fait des exportations espagnoles ou italiennes mais surtout chinoises. Et en tout état de cause, si, malgré tout, des mesures de sauvegarde devaient être décidées, rappelle la représentante de la Délégation de la Commission européenne au Maroc, citée par le rapport d’enquête, ces mesures devraient «préserver une préférence pour l’Union européenne, et ce conformément [à l’accord d’association liant les deux parties]».
Le prix unitaire moyen de l’importé est de 42% moins élevé que le produit local
Pour les producteurs marocains, les pressions européennes pour amener l’administration à surseoir aux mesures de sauvegarde envisagées et même annoncées sont inadmissibles. «L’enquête diligentée par le ministère du Commerce extérieur a dûment constaté l’accroissement substantiel des importations, le préjudice subi par l’industrie nationale et dûment établi le lien de cause à effet, le tout dans le respect des règles de l’OMC en la matière», rappelle David Toledano, vice-président de l’APIC. «Nous avons expliqué à nos amis espagnols, poursuit-il, qu’il est dans leur intérêt aussi que notre industrie ne soit pas emportée par le flot des importations, car notre matière première, il faut le savoir, nous l’importons d’Espagne».
Quoi qu’il en soit, les chiffres contenus dans l’enquête du ministère du Commerce extérieur parlent d’eux-mêmes. Ainsi, la part de marché absorbée par les importations a augmenté de 17,54% en 2002 à 26,54% en 2003 puis à 26,17% en 2004, alors que la part de marché détenue par les producteurs nationaux a baissé respectivement de 73,61% à 61,83% entre 2002 et 2003 puis a légèrement augmenté à 63,03% en 2004 – cette légère remontée étant due, faut-il le préciser, à la baisse des prix concédée par les producteurs. D’autre part, le prix unitaire moyen à l’importation a baissé de 34,52 à 28 DH/m2 entre 2002 et 2003, puis à 22,85 DH/m2 en 2004. Durant la même période, le prix unitaire moyen de vente de la production nationale sur le marché domestique est passé de 50,09 à 48,28 DH/m2 entre 2002 et 2003, puis à 42,64 DH/m2 en 2004.
Il en résulte, selon le rapport du Commerce extérieur, que la baisse du prix moyen à l’importation a créé des difficultés de commercialisation de la production nationale et l’accumulation de stocks importants, ce qui a poussé les producteurs à baisser leurs prix de vente au détriment de leurs marges afin de sauvegarder leur part de marché et d’écouler les stocks. «Une telle politique est fortement préjudiciable et ne peut être viable à terme car le maintien de prix de vente à un niveau bas menace gravement la pérennité de la branche de production nationale».
Déjà, l’APIC annonce que si les mesures de sauvegarde annoncées ne sont pas mises en application, des unités seront contraintes de fermer au cours du mois de novembre prochain.
Au ministère du Commerce extérieur, le ton est moins alarmiste et la problématique est appréhendée dans sa globalité. On admet volontiers que la production nationale est grandement perturbée, ces dernières années, par les importations, c’est pourquoi, assure-t-on, une solution sera trouvée d’ici la fin de ce mois. Des consultations sont en cours avec l’Union européenne.