Ouverture d’agences : les banques décélèrent

Seulement 210 agences inaugurées en 2015 contre une moyenne de 300 entre 2006 et 2013. Du fait de la politique d’expansion, les charges générales d’exploitation ont presque doublé ces dix dernières années.

Manifestement, les banques continuent de se serrer la ceinture en matière d’ouverture d’agences. En 2015, elles n’en ont créé que 210, ce qui porte leur réseau à plus de 5 135 agences, d’après les chiffres des huit grandes banques commerciales recueillis par La Vie éco, à l’exception de BMCI dont les données ne nous ont pas été transmises et qui ne sont pas susceptibles de bouleverser la tendance du marché. C’est certes mieux qu’en 2014, année pendant laquelle les établissements se sont montrés les moins ambitieux de toutes ces dernières années avec seulement 190 agences créées. Mais l’on reste bien loin des niveaux affichés au plus fort de la bataille pour l’extension du parc entre 2006 et 2013. Sur la période, les banques ont carburé au rythme de près de 300 ouvertures en moyenne annuelle, faisant presque doubler le réseau qui n’était encore que de 2 422 agences, il y a 10 ans.

Les établissements calment aujourd’hui leurs ardeurs, clairement pour contenir leurs coûts. Du fait des efforts d’extension de leurs réseaux, les grandes banques commerciales ont subi un fort alourdissement de leurs charges générales d’exploitation, passées de quelque 11 milliards de DH en 2006 à presque le double en 2013 (hausse à lier aussi, il est vrai, à d’autres chantiers structurants menés par les opérateurs). Dans ce sillage, le coefficient d’exploitation du secteur bancaire (charges générales d’exploitation rapportées au PNB) a dérapé de manière notable, passant de 47% à près de 50% sur la période. Les banques n’en ont pas moins réussi à faire croître leurs profits continuellement depuis 2006.

Cependant, le produit net bancaire dégagé par agence (marges d’intermédiation et de commissions) s’est dégradé chez quasiment tous les établissements parallèlement à l’effort soutenu pour développer le réseau commercial. C’est ainsi qu’Attijariwafa bank a vu son PNB par agence chuter de 11 MDH à 9 MDH entre 2006 et 2013. BMCE Bank Of Africa perd 2 MDH de revenus par agence sur la période avec un PNB qui passe de 10 à 8 MDH. Crédit du Maroc et Crédit Agricole du Maroc voient leurs profits fondre du tiers, passant de 9 MDH à 6 MDH, et CIH Bank voit même ses marges par agence divisées par deux, de 12 MDH à un peu plus de 6 MDH. Au final, seule la Banque Populaire est retombée sur ses pieds dans la course à l’extension du réseau avec un PNB par agence qui se maintient autour de 9 MDH entre 2006 et 2013.

Les investissements n’ont pas été associés à un effort commercial de même envergure
Partant, en réduisant aujourd’hui la cadence, les banques semblent se donner le temps de digérer l’extension de leurs réseaux en les rendant plus efficaces commercialement. Il faut dire que les établissements ne se sont pas tellement souciés de cet aspect ces dernières années. Le cabinet français Nouvelles Donnes, auteur d’une récente étude sur les réseaux bancaires au niveau des pays émergents, rapporte ainsi que près des deux tiers de l’effectif déployé en agence au Maroc est affecté aux guichets et à des tâches de traitement et de contrôle tandis que seulement 21% des ressources sont affectés au conseil commercial. A titre de comparaison, en France, 60% des agents sont affectés à des tâches commerciales et 20% opèrent dans les guichets, sachant que le traitement et le contrôle sont automatisés.

Les banques ont été d’autant plus poussées à réduire le rythme d’ouverture sur les deux dernières années que la conjoncture est marquée par une évolution hésitante des dépôts et des crédits, réduisant le potentiel des marges d’intérêts et de commissions. Ceci, sans compter que la lourdeur du coût du risque absorbe une partie des bénéfices. Prenons les deux banques de tête. Au lieu du rythme de 68 ouvertures affiché entre 2006 et 2013, Attijariwafa bank s’est contentée d’une trentaine de nouveaux points en 2014 et de 60 l’année passée, établissant son parc actuel à 1 160 points. Quant à la Banque Populaire, elle a inauguré 70 agences en 2015 pour un réseau de 1396. Elle en avait ouvert 76 l’année d’avant contre une moyenne annuelle de 80 jusqu’en 2013.

La banque à distance prend de l’importance

Si les établissements ouvrent aujourd’hui moins d’agences, c’est aussi parce qu’ils semblent affecter une partie grandissante de leurs ressources au développement des solutions de banque à distance. Les établissements à capitaux français parient le plus sur ce segment. Crédit du Maroc n’a ainsi ouvert aucune agence en 2015, ce qui maintient son réseau à 338 points. La banque a même fermé 6 agences l’année d’avant, concédant un coût de 10 MDH et la perte de 2300 clients alors que jusqu’en 2013, elle ouvrait 22 agences en moyenne par an. Mais parallèlement à cela, la filiale du Crédit Agricole France a consenti un investissement de 10 MDH pour revoir de bout en bout sa solution de banque en ligne. La Société Générale aussi s’est contentée de 4 nouvelles ouvertures l’année passée, au lieu de 18 nouveaux points créés par an jusqu’en 2013, ce que le management justifie par «une concentration des efforts sur le renforcement du positionnement de banque multi-canal». Selon les spécialistes, l’engouement des banques étrangères pour les solutions en ligne s’explique essentiellement par leur besoin de s’affranchir des contraintes d’extension de leurs réseaux physiques du fait qu’elles accusent un retard important en termes d’ouvertures d’agences par rapport à la concurrence. Par exemple, Crédit du Maroc et Société Générale ne représentent que 15% du parc au niveau national (22% si l’on rajoute BMCI). CIH Bank est dans une situation similaire. Elle détient la plus faible part du parc (4,8% avec 244 agences). Et c’est à dessein que l’établissement se montre des plus actifs en matière d’offres à distance, tout en réduisant ses efforts en matière d’extension de réseau (8 ouvertures en 2015 et le même nombre en 2014 contre une moyenne annuelle de 14 nouvelles agences jusqu’en 2013).

Ne pas déduire pour autant que les banques devraient persister dans la retenue en matière d’extension de réseaux sur les années à venir. Avec seulement un guichet bancaire pour 5 700 habitants au Maroc, d’après les statistiques de Bank Al-Maghrib, le champ d’expansion est encore large. Les établissements le savent bien, comme en témoignent leurs objectifs d’ouvertures en 2016. BMCE Bank Of Africa ambitionne d’ouvrir 38 agences, approchant ainsi les 740. Crédit Agricole Maroc veut même doubler son record avec 65 ouvertures, consolidant ainsi un réseau qui dépasse aujourd’hui les 500 agences.