Obligations subordonnées : la capacité d’endettement des banques devient limitée

Ces emprunts, constituant des fonds propres complémentaires, doivent représenter au maximum 50% des fonds propres de base, selon la réglementation de BAM. Attijariwafa Bank, BMCE Bank et Crédit du Maroc ont presque atteint ce plafond.

A trop avoir sollicité les emprunts obligataires subordonnés sur les dernières années, les banques ne disposent plus aujourd’hui que de peu, voire pas du tout, de marge pour profiter encore de ce levier comme soutien à leurs fonds propres. Depuis 2003, les plus grands établissements de la place ont levé près de 21 milliards de DH d’emprunts subordonnés. Or, la réglementation de Bank Al-Maghrib, spécifiquement la circulaire 26/G de décembre 2006, stipule que «l’exigence en fonds propres au titre du risque de crédit doit être couverte à hauteur de 50% au moins par des fonds propres de base». Cela revient à dire que si les banques devaient solliciter des fonds propres complémentaires, dont notamment les emprunts obligataires subordonnés, ceux-ci ne peuvent dépasser 50% de l’exigence en fonds propres globale, le reste devant être impérativement couvert par des fonds durs. Et il se trouve que plusieurs établissements de la place sont proches de la limite.

En base sociale (activité Maroc), selon les calculs de la société de bourse Attijari Intermédiation, Crédit du Maroc joue le plus serré avec à peine 150 MDH de dette subordonnée pouvant être levée et compter comme fonds propres complémentaires. La banque a déjà dans son bilan 1,5 milliard de DH de dette subordonnée sur un total de capitaux propres de 3,3 milliards de DH. Non loin de la filiale de Crédit Agricole France, BMCE Bank, qui a déjà mobilisé 5,4 milliards de DH de dette subordonnée sur un capital de 12,8 milliards de DH, ne dispose que d’une marge de 1 milliard de DH. Attijariwafa bank affiche également une marge de manœuvre relativement ténue avec un levier de 2,4 milliards de DH, sachant qu’elle a déjà consommé 11,1 milliards de dette subordonnée sur les 13,5 milliards pouvant être admis comme quasi-fonds propres.

Les autres banques disposent de plus de possibilités. Ainsi, la Banque Populaire n’a pour l’heure mobilisé que 1,5 milliard sur les 10,45 milliards de DH possibles. Sur un plafond de 4 milliards de DH, BMCI n’a exploité pour l’heure que 800 MDH. Enfin, CIH n’a pas du tout fait jouer son levier jusqu’à présent, gardant sous la main un matelas d’au moins 2 milliards de DH que lui permettent ses 4 milliards de DH de capitaux propres.

Bâle III interdit de comptabiliser la dette subordonnée dans le calcul du ratio de solvabilité

Les banques qui sont les plus limitées en matière d’emprunt subordonné pourraient se voir privées d’un instrument avantageux dans la conjoncture actuelle. En effet, dans un contexte de manque de liquidité, les levées subordonnées offrent l’avantage de la liquidité immédiate. «D’une part, le marché de la dette subordonnée attire les investisseurs, surtout si l’émetteur est un institutionnel de renom. D’autre part, ce type de levée permet de reporter l’échéance des dettes contractées, le remboursement se faisant in fine sur des maturités longues», explique un professionnel. Des atouts que les banques ont bien mis à contribution pour satisfaire leur besoin constant de conforter leurs fonds propres. Elles doivent en effet diversifier leurs sources de financement à long terme. Mais plus que cela, elles doivent se conformer aux ratios réglementaires, notamment de solvabilité. Certes, jusqu’à 2012 ce dernier s’établissait à 12,3% en base sociale et 12,9% en base consolidée, un niveau largement supérieur au minimum réglementaire qui était alors de 10%.

Mais en 2013, les banques ont dû s’aligner sur un ratio de solvabilité de 12% et un tier one (fonds durs) de 9%, une décision prise par BAM visant à renforcer la résilience du système bancaire dans un contexte conjoncturel incertain. Dès lors, elles ont pu s’appuyer sur les emprunts subordonnés, considérés comme quasi-fonds propres pour se mettre à niveau. Mais le recours à cette manœuvre risque d’être plus difficile à l’avenir, qu’il s’agisse d’ailleurs d’établissements ayant encore de la marge pour effectuer des levées subordonnées ou pas. 

En effet, les nouvelles exigences du dispositif prudentiel de Bâle III prévoient de ne plus prendre en compte le total de la dette obligataire subordonnée dans le calcul du ratio de solvabilité. En termes clairs, cet instrument ne pourra plus contribuer à l’assise financière des institutions, seuls les fonds durs devraient être admis. A partir de là, les banques leaders de la place de par leurs activités tant au niveau local qu’international, fortement consommatrices de fonds propres, seront forcément incitées à utiliser d’autres sources de financement tels que les augmentations de capital ou encore la titrisation de créances. Et ce genre de leviers semble effectivement prendre progressivement le relais des levées subordonnées.