Nador West Med ne sera pas seulement un port pétrolier : les premiers appels d’offres pour 2012

L’objectif initial était de créer une plateforme ayant le statut de zone franche pour le transbordement des cargaisons en provenance de raffineries de pays méditerranéens.
Annoncé en juillet 2009, le projet du port de Nador West Med aura finalement demandé plus d’études que prévu. Selon Mehdi Tazi-Riffi, son DG, nommé en février 2010, les études actuellement menées et les différentes options seront remises au ministre de l’équipement et du transport à celui de l’énergie et des mines avant la fin de cette année pour décision.
Prévu sur un domaine foncier de 850 ha sur la baie de Betoya située à l’ouest de Nador et limitée sur son flanc oriental par le fameux cap des Trois fourches, ce port devrait certes se consacrer principalement au vrac liquide, celui des produits pétroliers bruts et raffinés, mais pas seulement.
L’annonce du projet en juillet 2009 avait suscité de grands espoirs dans cette région plus réputée pour son enclavement et son économie informelle que par ses atouts industriels. Un projet de port signifie des liaisons routières et autoroutières améliorées, une connexion au réseau ferroviaire et une plus grande ouverture sur l’économie nationale et méditerranéenne, avec plus de commerce et d’industrie notamment.
Des attentes régionales et nationales importantes
Après le lancement et les progrès du port de Tanger-Med, Nador West Med suscite évidemment beaucoup d’espoirs. A côté des attentes régionales de développement mais aussi de délocalisation des importations de charbon du port de Nador ville vers Nador West Med en raison de l’avancée des travaux d’aménagement de la lagune de Marchica et de la construction de projets touristiques, les attentes nationales sont elles aussi importantes.
Il s’agit d’approvisionner les centrales thermiques à de meilleurs prix rendus possibles par des volumes plus importants, de soulager ainsi la Caisse de compensation de quelques dizaines de millions de DH et d’avoir des réserves en pétrole et en produits raffinés plus importantes que ne le permettent les possibilités actuelles à Mohammédia, Casablanca ou Jorf Lasfar. Mais ces ambitions n’excluent pas les hésitations.
«Un port est une infrastructure construite pour durer 50 ans», rappelle M. Tazi-Riffi. Et surtout, depuis l’annonce du projet à l’origine, il y a eu le fait que la part des énergies fossiles est censée baisser dans la consommation énergétique internationale et nationale. En effet, à l’horizon 2020, le Maroc prévoit de produire 14% de son énergie électrique grâce au solaire, autant grâce à l’éolien et autant grâce à l’hydraulique. Il fallait donc bien cerner le projet avant de passer à la mise en œuvre.
Les premières études sismiques et environnementales avaient été jugées incomplètes
En septembre 2010, décision avait donc été prise d’approfondir les études parce que les premières avaient été jugées incomplètes du point de vue de l’impact sismique et environnemental. Ensuite, à l’annonce du projet, phénomène légitime, des professionnels ont estimé que Jorf Lasfar ou Kénitra pouvaient remplir ce rôle.
Mais l’idée des actionnaires de Nador West Med, l’Agence nationale des ports (ANP) et l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA), est autre. Outre l’éventuel approvisionnement du Maroc en produits pétroliers raffinés, ces derniers veulent créer une plateforme ayant le statut de zone franche pour le transbordement des cargaisons en provenance de raffineries en Méditerranée et monter une raffinerie qui exporterait vers une Europe importatrice nette de carburant diesel et des Etats-Unis demandeurs d’essence super. Fin 2009, le volume de pétrole brut en provenance du Moyen-Orient et destiné aux raffineries européennes était estimé à 38 millions de tonnes en vue d’être raffiné et réexpédié vers les marchés africains et nord-américains.
Pour sa part, le Maroc disposait en 2010 d’une capacité de stockage de 1,2 million de tonnes dont 80% sont situés à Mohammédia, Casablanca, Agadir et Jorf Lasfar. Tanger-Med dispose de capacités de stockage depuis moins d’une année.
Enfin, last but not least, l’idée des ingénieurs marocains est de capitaliser sur le relatif isolement géographique et la construction d’un terminal pétrolier et chimique pour accueillir des industries du secteur.
Du coup, des zones d’activité y seront développées et le ministère du commerce et de l’industrie y prévoit déjà une plateforme industrielle intégrée (P2i). Avec les capacités de Tanger-Med qui arriveraient à saturation à 2018-2020, il n’est pas exclu de prévoir un quai à conteneurs également, ce qui permettrait au port de diversifier son offre.Si le planning de l’ANP et de TMSA est respecté, les appels d’offres seraient lancés au premier trimestre 2012. Depuis plusieurs mois, les groupes intéressés suivent de près le dossier. Certains travaillaient sur des offres lorsque la décision fut prise en septembre 2010 d’approfondir les études. A partir de l’ouverture des plis, 24 à 36 mois seront nécessaires pour livrer le premier quai. L’expérience de Tanger-Med est passée par là.
Le démarrage de l’activité du port de Nador WM devrait logiquement induire de profonds changements de la géographie régionale et nationale et des flux pétroliers en Méditerranée occidentale. Le Nord marocain -hormis Tanger et région- et son littoral méditerranéen restent encore faiblement industrialisés avec des activités économiques saisonnières, notamment dans le tourisme. Aujourd’hui, le rail se trouve à moins de 50 km de Betoya et le dernier tronçon de l’autoroute Rabat-Taza-Oujda qui sera ouverte en juin prochain se trouve à 200 km de Nador.
Autant d’éléments qui devraient bouleverser la cartographie économique du Rif et du Nord marocain au cours des 10 prochaines années.