Mustapha Mechahouri : «Il y a des parts de marché à  prendre en Chine»

Le phosphate constitue 80% de nos exportations vers la Chine.
Le marché chinois devient de plus en plus accessible et des niches existent.

Pour Mustapha Mechahouri, ministre du Commerce extérieur, on ne doit donc pas considérer le forcing commercial de la Chine comme une menace. A son avis, on ne peut prendre de mesures restrictives à l’importation non justifiées à l’égard d’un pays membre de l’OMC. Le ministre, qui s’est rendu récemment à Pékin avec une délégation d’hommes d’affaires, estime qu’il y a des parts de marché à prendre dans ce pays, à condition de mener une prospection judicieuse. Ses explications.

La Vie éco : L’agressivité commerciale chinoise inquiète les opérateurs économiques Marocains
Mustapha Mechahouri : C’est un fait constaté depuis des années. Les exportations chinoises se développent d’une manière assez rapide sur tous les marchés du monde et pas seulement au Maroc et cela est dû essentiellement à la compétitivité-prix de ses produits et aux efforts de commercialisation déployés par les opérateurs chinois.
Effectivement, certains secteurs économiques marocains souffrent de la concurrence de produits en provenance de la Chine. Il s’agit surtout de secteurs opérant dans la production de produits finis de consommation, tels que les articles en porcelaine ou en céramique, la quincaillerie, les piles sèches, la coutellerie et articles de ménage, les chaussures de sport, les jouets, etc.
Généralement, la concurrence chinoise pour ces produits se place dans des segments «bas de gamme» et la différenciation sur le plan de la qualité des produits nationaux par rapport aux produits chinois, avec une plus grande agressivité sur le plan commercial, peut, dans une certaine mesure, limiter l’effet de la concurrence chinoise.
En 2003, les importations d’origine chinoise ont certes augmenté de 24 % par rapport à 2002 mais nous avons assisté en même temps à une augmentation de nos exportations vers la Chine de l’ordre de 117 %. Durant la période 1999-2003, les importations ont progressé en moyenne annuelle de 31 %.

Doit-on considérer l’afflux des produits chinois comme une fatalité ?
Non, ce n’est pas une fatalité pour le Maroc puisque plusieurs pays vivent le même phénomène depuis des décennies. L’afflux des produits chinois et l’apparition de quartiers chinois est un phénomène réel dans un certain nombre de pays.
La Chine, en tant que pays membre de l’OMC, doit bénéficier du même traitement que celui accordé aux autres pays membres, dans le sens où les produits chinois ne doivent pas faire l’objet de mesures de restriction à l’importation non justifiées par rapport aux règles et disciplines des accords de l’OMC.
A cet égard, il faut distinguer deux situations : celle où les prix des produits chinois exportés vers le Maroc sont artificiellement bas soit parce que les exportateurs pratiquent le dumping soit parce que les produits en question bénéficient de subventions. Dans cette situation des mesures correctives sous la forme de droits antidumping ou droits compensateurs peuvent être imposées selon les règles et procédures prévues par les accords de l’OMC.
Dans le cas d’une concurrence déloyale, avec des prix qui pourraient être qualifiés de «normalement bas», des mécanismes de sauvegarde peuvent être actionnés au cas où une branche de production donnée souffre d’un préjudice grave à la suite d’un accroissement massif des importations.
Pour faire prévaloir le droit de recours à des mesures correctives, les services du ministère et les secteurs concernés sont tenus, au cas par cas, d’œuvrer en commun, en conformité avec les obligations d’ordre procédurale et juridique prévues par les accords de l’OMC concernés.
Malheureusement, nous avons constaté, pour des cas examinés suite à des plaintes de producteurs nationaux, que les informations requises pour entamer la procédure destinée à la mise en place de la mesure corrective appropriée ne sont pas fournies par les plaignants ; ce qui handicape l’action du ministère dans ce domaine.

Comment procéder pour transformer l’ouverture de ce pays en opportunités pour les exportateurs ?
Les engagements pris par la Chine à l’occasion de son adhésion à l’OMC attestent d’un processus de mutation profonde et progressive de l’économie chinoise vers l’économie de marché. La mise en œuvre de ces engagements se traduira par une ouverture du marché chinois qui sera soumis aux règles du commerce multilatérales. Il s’agit, tout particulièrement, de la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires et de la simplification de la politique commerciale de ce pays. Dans ce contexte, le marché chinois, de par sa taille, ne peut qu’être prometteur pour certains secteurs exportateurs.
Nos exportations vers la Chine ont certes enregistré une augmentation appréciable, mais leur évolution dépend, en premier lieu, de nos ventes de phosphates et dérivés qui ont représenté en moyenne plus de 80 % de nos exportations totales vers ce pays.
Ma visite en Chine en juillet dernier, à la tête d’une importante délégation d’hommes d’affaires, était notamment destinée à encourager nos exportateurs à s’impliquer d’une manière plus active dans la prospection de ce vaste marché et la communication sur les possibilités d’exportation et de partenariats qu’offre le Maroc dans divers secteurs.

Dans quels secteurs les exportateurs marocains peuvent-ils être performants ?
Il faut reconnaître que, dans l’immédiat, le marché chinois n’offre pas d’opportunités commerciales à tous les secteurs marocains exportateurs. Mais, et en dehors des phosphates et dérivés, il existe des niches de produits sur lesquels tous nos efforts doivent être mobilisés pour pénétrer ce marché et développer les exportations marocaines. Le marché est notamment demandeur dans l’immédiat de produits de la pêche, en particulier les conserves de sardines, le marbre et les agrumes.
Toutefois, je suis convaincu qu’à terme, d’autres produits peuvent avoir leur place dans ce marché, à condition de mener une prospection judicieuse qui tienne compte des modifications futures des habitudes de consommation, de multiplier les contacts avec les milieux d’affaires chinois et de faire davantage connaître les produits marocains

«Les opérateurs marocains ne fournissent pas les informations requises pour la mise en œuvre du dispositif de sauvegarde contre les importations en sous-facturation.»

Mustapha Mechahouri Ministre du Commerce extérieur Le marché chinois est notamment demandeur, dans l’immédiat, de produits de la pêche, en particulier les conserves de sardines, le marbre et les agrumes.