Médicaments : les fabricants se défendent de pratiquer des prix trop élevés

En réponse aux sollicitations du gouvernement qui demande une baisse des prix, ils ont réalisé une étude comparative par rapport à d’autres pays
1 612 produits passés à la loupe.
Les laboratoires pharmaceutiques défendent leur bifteck. Ils estiment, chiffres à l’appui, que les médicaments fabriqués localement sont moins chers que les produits similaires s’ils venaient à être importés. Le premier ministre Driss Jettou avait invité, rappelons-le, il y a quelques semaines, l’industrie pharmaceutique à réfléchir sur les possibilités de réajustement du prix des médicaments, jugé très élevé (cf. La Vie éco du 18 mars 2005).
L’Amip (Association marocaine de l’industrie pharmaceutique) vient à cet effet de boucler une étude comparative sur les prix des médicaments importés et des produits fabriqués localement. Les conclusions de cette enquête, présentées lundi 18 avril au ministère de la Santé, doivent être incessamment soumises à la primature pour discussion.
Entre 1996 et 2004, le prix du médicament a augmenté moins vite que l’inflation
L’étude de l’Amip a porté sur un échantillon de 1 612 médicaments dont 632 importés et 980 fabriqués au Maroc. Ces 1 612 produits représentent 77% du marché du médicament et un chiffre d’affaires global de 3,3 milliards de DH (prix grossiste HT) sur un total de 4,3 milliards.
Globalement, l’enquête a démontré, aussi bien pour les médicaments importés que pour la fabrication locale, que le prix de base du pays d’origine est plus élevé qu’au Maroc. Ainsi, il apparaît que pour les 1 612 produits, l’écart entre les prix est de 32%. Ce qui se traduit par une économie de 1,54 milliard de DH pour le Maroc. Même si, affirment les auteurs du rapport, dans l’industrie pharmaceutique nationale, il est difficile de réaliser des économies d’échelle et ceci, en raison de l’étroitesse du marché, de la faiblesse du pouvoir d’achat et de l’importance du coût des investissements à opérer régulièrement pour la mise à niveau de l’outil de production. Notons que, pour les médicaments importés, l’étude démontre que la différence, en faveur du Maroc, est de 17 % par rapport au prix pratiqué dans le pays d’origine, tandis que pour les produits fabriqués au Maroc elle se situe à 37 %.
Par ailleurs, l’étude précise que, sur les neuf dernières années (1996-2004), le prix des médicaments n’a que très peu évolué comparativement à l’inflation (voir graphe).
Ce constat chiffré établi par les labos ne manque pas d’arguments mais il va à l’encontre de la position du gouvernement. Ce dernier a d’ailleurs diligenté une étude, qui est en cours de finalisation.
L’économie pour le Maroc est de 1,5 milliard de DH par an
Cette baisse se fera, selon l’analyse du ministère de la Santé, par un rétrécissement des marges bénéficiaires des fabricants. Un manque à gagner qu’il devrait largement compenser par l’élargissement de la demande suite à l’entrée en vigueur de l’Assurance maladie obligatoire (AMO).
Aucune réaction officielle n’a pu être obtenue auprès de l’Amip. Cependant, certains industriels estiment que la profession est «disposée à aider à la mise en place de l’accessibilité du médicament à toutes les bourses, sauf que cela ne se fera pas facilement car les multiples contraintes auxquelles fait face le secteur doivent être prises en compte». L’étude de l’Amip fait d’ailleurs référence aux handicaps dont souffre l’industrie pharmaceutique, comme elle énumère les mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics. Ceux-ci sont invités, dans un premier temps, à œuvrer dans le sens «du développement de l’accès aux médicaments dans le cadre de l’AMO». En second lieu, il leur est suggéré de «mettre en place une procédure de réajustement des prix des médicaments fabriqués localement». Cette procédure aurait déjà été étudiée et validée par la commission interministérielle des prix.
L’étude de l’Amip appelle toutefois une remarque importante. La comparaison des prix ne fait pas référence au pouvoir d’achat dans les pays concernés. Ce qui en biaise quelque peu les conclusions. Au Maroc, on l’a répété, c’est la faiblesse du pouvoir d’achat qui explique celle de la demande de médicaments (275 DH/habitant). Ces derniers restent donc chers dans le contexte local.
Pour certains industriels, il y a une nuance : l’étude faite par l’Amip s’est fondée sur le prix grossiste hors taxe (soit le prix facturé par l’industriel) et non sur le prix public Maroc (PPM). Une façon pour les industriels de se dédouaner et de démontrer qu’à leur niveau les prix sont raisonnables. «Maintenant, au niveau du PPM, nous n’intervenons pas, ce n’est pas nous qui le fixons. Il est obtenu en ajoutant la marge du pharmacien (30%) et de la TVA de 7% dont certains produits sont exonérés», tient à préciser le patron d’un laboratoire marocain. Et d’ajouter que «le PPM n’est pas toujours élevé par rapport au pays d’origine. Il est en moyenne de 20 ou 30% moins cher».
Par ailleurs, les industriels tiennent à souligner que le prix du médicament a baissé ces dernières années, suite à la mise sur le marché des génériques. Plusieurs cas peuvent être retenus, notamment le Zocor (anticholestérol), dont le prix est passé de 450 à 150 DH ou encore l’Oméprazol (antiulcéreux), pour lequel le prix a atteint 49 dirhams contre 350 dirhams pour le médicament non générique. La balle serait donc dans le camp des prescripteurs, notamment les médecins, qui doivent contribuer au développement du générique et donc de l’accessibilité du médicament .