Maroc – Intempéries : dégà¢ts limités dans la région d’Azemmour

Des serres endommagées par le vent et des exploitations inondées.
Les maraîchers ont profité des inondations du Souss et du Gharb pour vendre leur production à  des prix intéressants.
Risque de réapparition des maladies fongiques dans les serres.

En longeant les champs dans quelques-unes des communes rurales d’Azemmour comme M’harza Sahel, Chtouka ou encore Sidi Ali Ben Hamdouch, l’effet des importantes pluies qui sont tombées sur le Maroc récemment est bien visible. Dans cette région, la pluviométrie moyenne annuelle par campagne (de septembre à juin) est de 370 mm. Or, on a déjà atteint plus de 421 mm cette année. L’eau a submergé plusieurs exploitations agricoles et, par endroits, l’accès des routes est rendu difficile. Les cultivateurs rencontrés sur les lieux parlent de dommages importants sur cette zone dont le littoral est à vocation primeuriste alors que la plaine centrale est dédiée aux cultures intensives.
Abderrahim Arfaoui, qui cultive une bonne centaine d’hectares du côté de la commune de M’Harza Sahel dans le douar de Oulad Haj Kacem, témoigne : «Les vents forts ont endommagé les serres et, forcément, abîmé quelques cultures. Mais je peux dire que cette année, les pluies, bien que plus abondantes, sont arrivées par vagues espacées, ce qui a donné relativement le temps au sol d’absorber l’eau, surtout dans les terres hrach (NDLR : dur), sinon les dégâts auraient certainement été plus graves».
Tout le monde s’accorde à dire que la région, contrairement à ce qui est arrivé au Gharb ou au Souss, s’en est largement bien sortie. Abderrahmane El Badraoui exploite une dizaine d’hectares où il fait du maraîchage et un peu de céréales. Il déplore aussi serres endommagées et détérioration des cultures et s’empresse d’ajouter que le temps perturbe la commercialisation. «On ne s’y retrouve pas toujours. Heureusement pour nous et malheureusement pour les agriculteurs du Souss que les inondations ont empêché, un moment, d’écouler leurs pommes de terre et tomates. Résultat, nous avons pu mieux vendre une partie de nos produits. Mais si la pomme de terre s’est vendue entre 2,80 et 3 DH le kilo/ départ ferme, la carotte, elle, atteint difficilement
1 DH».

Rupture de la digue de Sidi Daoui

Les citadins connaissent bien la valse des prix, même si souvent leur logique les dépasse. Et dans cet ordre d’idées, Hamid Jarmouni apporte une explication. Il n’est pas agriculteur mais intermédiaire spécialisé dans la carotte depuis dix ans. Ce Settati établi à Azemmour depuis des années explique : «Il m’est arrivé d’acheter un hectare de carottes sur pied à 100 000 DH quand il y a rareté sur le marché. Mais plusieurs fois je n’ai proposé qu’entre 10 000 et 20 000 DH pour le même hectare. C’est qu’il arrive que le kilo soit à
1 DH à 1,30 DH comme cette année, mais l’année dernière, à la même période, ce même kilo était à 5 DH».
Mais revenons aux dégâts causés par les dernières pluies dans la région d’Azemmour.
Le témoignage de Driss El Assal qui est propriétaire d’une quarantaine d’hectares, du côté de la commune de Sidi Ali Benhamdouch, et d’une autre exploitation d’une vingtaine d’hectares de la commune de Haouzia, apporte un autre éclairage et précise la nature des pertes. «Quand on parle de serres endommagées, on ne sait pas toujours que pour équiper un hectare il faut entre 200 000 et 250 000 DH et qu’une station de pompage revient à quelque 50 000 DH. Or, moi, je peux vous dire que j’ai perdu quelques hectares de serres et même des moteurs de pompage qui ont été emportés à hauteur de la digue de Sidi Daoui qui a été brisée par la montée des eaux pluviales, mais aussi par les lâchers des barrages en amont», explique-t-il.
Bekkay Benattou, qui gère les quatre fermes de Sefraoui, des domaines totalisant 120 hectares où l’arboriculture (avocatier, grenadiers, papaye) côtoie le maraîchage, a été également surpris par cet incident. Une grande partie des 80 hectares situés à proximité de la digue est inondée suite à la rupture de cet ouvrage. Les motopompes sont sauvées, mais les cultures de plein champ de pommes de terre et de haricots ont été mises à rude épreuve.

Des effets positifs sur la nappe phréatique

Quand on dit à Driss El Assal que l’agriculteur a tendance à toujours exagérer ses difficultés, il s’en défend avec des arguments très clairs. «J’ai été parmi les premiers qui ont cultivé la papaye et je dois dire que cela rapportait assez bien. Rien que l’année dernière, j’en ai vendu entre 10 et 12 DH le kilo. Mais patatras, cette année, je trouve difficilement des acheteurs à3 DH. Tout cela pour vous dire que les aléas climatiques se conjuguent aux fluctuations des marchés de la demande pour avoir toujours raison de l’agriculteur», détaille-t-il.
Reda Bounja, agriculteur mais aussi ingénieur agronome, tire, pour sa part, la sonnette d’alarme à propos des maladies fongiques qui, à la faveur de l’humidité des serres, peuvent avoir raison d’une partie ou même de la totalité des cultures. Il s’en explique : «Si vous ne traitez pas le mildiou ou l’alternaria, deux champignons dangereux, dans les 24 heures qui suivent leur apparition, vous pouvez perdre jusqu’à 50% de votre production et même l’ensemble. Et même ceux qui réagissent vite peuvent voir leurs produits irrecevables à l’exportation».
Un autre agriculteur préfère ne pas se plaindre des pluies actuelles car, dit-il, après les très dures sécheresses des années 1984/1985, le Maroc avait connu des pluies bienfaitrices et même des inondations en 1990. La nappe phréatique était remontée d’une manière si importante que les agriculteurs ont pu avoir de quoi irriguer pendant une bonne dizaine d’années. En d’autres termes, malgré les dégâts, l’avenir se présente sous de bons auspices.