Maison bioclimatique, un projet précurseur

S’inspirant des formes de l’habitat des zones semi-arides du Maghreb, Meryem Soussan et Laurent Moulin tentent de répondre, en précurseurs, à des problématiques environnementales.
A l’extérieur, un bloc de terre émerge du sol. Quatre murs de pisé opaques ou simplement striés de fentes et de renfoncements verticaux plus ou moins larges. Au sommet, une tour à vent et une éolienne. Plus haut encore, une grande toile noire soutenue par des perches ombre la façade sud et protège arbres et cultures sur le côté ouest. Une tranchée ceinture l’ensemble, on y découvre deux niveaux semi-enterrés. A l’intérieur, la vie se développe autour d’un patio central entouré d’espaces polyvalents. Sous terre, un demi-niveau reçoit les réservoirs d’eau. Au-dessus, le sous-sol abrite une cuisine, un salon qui s’ouvre sur le patio et son jardin d’arbres en pots. Au rez-de-chaussée, des salons se transforment au gré des usages en salle à manger, espace de détente ou chambre. A l’étage, les surfaces varient suivant les saisons, la journée ou l’occupation. Une migration à l’intérieur du bâtiment rendue possible par un système de mezzanines soutenues par des poutres en fibres de chanvre, ou en bois, qui s’encastrent dans des réservations maçonnées dans les murs. Epais de 40 cm, ils sont réalisés en pisé de terre stabilisée par un apport de ciment à 6% pour éviter la production de poussières. Toutes les ouvertures, entrée et fenêtres, sont positionnées latéralement, sur les façades est et ouest pour protéger l’intérieur du rayonnement direct du soleil. Les grandes fentes visibles de l’extérieur, travaillées dans la masse du pisé, évoluent en embrasures généreuses pour apporter la lumière. De hauts volets obturent l’ensemble, et confirment l’aspect d’une masse tout en terre lorsque les ouvertures sont complètement fermées.
Une unité autonome en apports énergétiques et non polluante
Cette unité d’habitation, conçue pour cinq à sept personnes, est autonome en apports énergétiques et non polluante par ses rejets extérieurs. L’eau, stockée dans les réservoirs maçonnés, est fournie par un puits et par la récupération des eaux pluviales grâce à une toile de 400 m2, tendue lors des précipitations (une à deux fois par an). L’eau usée des douches fonctionne en circuit fermé. Par énergie éolienne elle est conduite de la cuve vers des distillateurs solaires situés à l’extérieur. L’eau distillée produite est remontée vers le réservoir haut qui fait château d’eau. Cuisine, hammam et sanitaires sont concentrés dans une même zone.
Les piles photo-électriques des capteurs solaires alimentent une dizaine d’ampoules pour l’éclairage. Ce procédé est associé à un corps noir pour le chauffage de l’eau. Les résidus totalement secs des distillateurs solaires sont nettoyés de temps à autre. Les w.c. fonctionnent sans utilisation d’eau. Un procédé solaire permet de réduire, en deux heures, 1kg de matière fécale en 50 g. Tous les trois mois, ces résidus rejoignent dans la fosse à compost tous les déchets organiques. Le produit obtenu sert à l’amendement des terres ou à la production de méthane.
L’orientation des façades joue un rôle important dans les techniques actives ou passives d’apport énergétique ou de régulation thermique. Plein sud aucune ouverture, mais un mur trombe qui génère du chauffage. Il peut être obturé par un grand volet vertical. En été, son principe s’inverse. Il est toujours ouvert, mais l’air chaud est aspiré et rejeté vers l’extérieur. Un four solaire parabolique sert à la cuisson des aliments. Au nord, seul le volet de la réserve des aliments périssables s’ouvre la nuit. Dans ces zones au ciel très pur, les nuits sont froides en toutes saisons. Le refroidissement est obtenu par l’effet du rayonnement nocturne qui va du chaud vers le froid, des aliments vers le ciel. Avec ce principe, on obtient des glaçons en plein désert. Un panneau isolant ferme le local, pour conserver la température basse pendant douze heures, jusqu’à la tombée de la nuit suivante. L’eau associée au vent assure la circulation de l’air et la climatisation de l’habitat. De grands clapets très légers, en Isochanvre, sont installés en toiture au-dessus du patio. L’été, ils s’ouvrent la nuit pour rafraîchir le lieu et se ferment le jour avec une surface réfléchissante pour éviter l’échauffement. L’hiver c’est l’inverse, on tend une toile en nylar noir pour créer un effet de serre, les murs sont chauffés par rayonnement. Les clapets se referment la nuit, les murs restituent alors la chaleur emmagasinée.
Premier chantier dans la région de Benslimane
C’est pour valider au Maroc des expériences menées au niveau international que Meryem Soussan et Laurent Moulin veulent réaliser leur projet. A vocation touristique pour financer une partie de son fonctionnement, il s’adressera à des personnes de Rabat et Casablanca souhaitant vivre une expérience originale. «Les études sont prêtes, nous sommes à la recherche d’un lieu et de sources de financement. Le premier que l’on essaiera de construire sera dans la région de Benslimane. Il y fait chaud et c’est plus facile pour suivre un chantier pilote qui va fonctionner sur une dizaine d’années, pour accumuler les mises au point sur les principes et pouvoir valider ou réadapter tout ou partie pour le développer dans les villages» .
Perspective sud.