L’étiquetage en arabe divise les importateurs

Reporté d’une année, le décret entrera en vigueur en janvier 2006.
Pour les petites quantités, les importateurs n’arrivent pas à imposer
la mesure à leurs fournisseurs.
Chocolats, confitures, biscuits, épicerie fine…. Les produits haut
de gamme seront pénalisés.

Trois ans et demi après sa promulgation au Bulletin officiel, le décret réglementant les conditions d’étiquetage et de présentation des denrées alimentaires va enfin entrer en vigueur et ce, à partir du 1er janvier 2006. Ce décret qui oblige notamment industriels locaux et importateurs à faire figurer sur les produits vendus au Maroc un étiquetage en langue arabe, devait initialement être appliqué en janvier 2005, mais son application a été reportée afin de permettre aux importateurs de se préparer à cette nouvelle procédure. Sont-ils prêts aujourd’hui ? Pas tous, affirme-t-on au sein de leur association dont certains membres craignent une baisse substantielle de leur chiffre d’affaires.

Des dispositions aussi claires que contraignantes
En effet, le texte sur l’étiquetage, qui s’inscrit dans le cadre du dispositif légal concernant la concurrence, impose l’affichage en langue arabe de plusieurs mentions relatives au produit importé. Ainsi, peut-on lire dans l’article 5 du décret (2-01-1016 du 4 juin 2002) : «Toutes les mentions d’étiquetage (…) doivent être facilement compréhensibles, rédigées en langue arabe et éventuellement en toutes autres langues et sans autres abréviations que celles prévues par la réglementation ou les conventions internationales. Elles sont inscrites à un endroit apparent et de manière à être visibles, clairement lisibles et indélébiles. Elles ne doivent en aucune façon être dissimulées, voilées ou séparées par d’autres indications ou images». Pour l’administration, l’obligation de l’étiquetage en arabe permettrait d’assurer la traçabilité des produits et aussi de lutter contre les importations illégales.
Les mentions devant être affichées sont au nombre de neuf (voir encadré en p. 10). On y trouve notamment la dénomination de vente qui précise la nature de la denrée alimentaire (et son utilisation, si nécessaire), la liste des ingrédients, la quantité nette, les dates de production et de péremption ainsi que l’adresse du fabricant, du conditionneur ou de l’importateur.
La réglementation de l’étiquetage est donc claire et son application, qui doit intervenir dans moins de deux mois, devrait se faire facilement, du moins quant à l’interprétation des obligations, car une bonne partie des importateurs, même ayant disposé d’une année pour s’y préparer, appréhende l’application de ce nouveau texte.

Ce n’est pas le cas pour Stock Pralim, distributeur de denrées alimentaires vendues sous la marque «Excello», et qui affirme aujourd’hui réaliser près de la moitié des importations de produits alimentaires vendus au Maroc. Pour lui, l’étiquetage en langue arabe est effectué depuis plusieurs mois maintenant. «Nous avons négocié avec nos fournisseurs et toutes les mentions figurent désormais en langue arabe sur nos emballages», explique un chef de produit de cette société. Il faut aussi noter que l’adaptation n’a pas été trop difficile puisqu’une grande partie des produits achetés et vendus sous la marque Excello proviennent des pays arabes, notamment l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, ce qui rend l’étiquetage en arabe moins contraignant. Sans compter que les importations portent sur de grandes quantités, ce qui permet d’être en position de force pour négocier.
Ce n’est pas le cas pour les nombreux importateurs contestant cette obligation. Travaillant davantage avec des fournisseurs européens et important des petites quantités, ils ont eu du mal à convaincre leurs fournisseurs de modifier les emballages. «Ce qui va aboutir à l’arrêt des importations de plusieurs produits et donc priver les consommateurs», affirme l’un d’entre eux. Kamil Ouazzani, patron d’Atlantic Food, va plus loin, estimant que c’est le marché des produits haut de gamme qui sera pénalisé. «Confitures, biscuits, chocolats et autres produits d’épicerie fine accuseront le coup. Les quantités écoulées sur le marché marocain ne justifient pas, pour l’exportateur européen, la production de séries étiquetées en arabe. Résultat, c’est la contrebande qui va se substituer aux importations légales dans certains cas», explique-t-il.

Même appréciation chez un autre importateur, qui estime qu’avec ce décret «l’administration pénalise une fois de plus les entreprises structurées et les importations légales, alors que les produits alimentaires importés illégalement ne portent aucune mention et connaissent un grand essor». L’argument n’est pas dénué de logique, sauf si l’Etat renforce le contrôle à ce niveau-là, ce qui est loin d’être un acquis. Il faut aussi dire que même la possibilité jusqu’ici accordée aux importateurs de procéder à la mise en conformité locale, c’est-à-dire procéder à un étiquetage en arabe au niveau du port, n’est plus permise.

Quatre amendements d’ici à la fin de l’année
Solution ? Pour le moment, la loi sera appliquée, affirme-t-on auprès des autorités, alors que les importateurs parlent d’un flou quant à l’entrée en vigueur de cette réglementation. Selon eux, le texte devrait être amendé et donc il risque d’y avoir une nouvelle fois report de la mise en application.

Faux espoir, semble-t-il, car, à la Direction de la répression des fraudes dépendant du ministère de l’Agriculture, on ne parle pas de report de l’entrée en vigueur, mais confirme par contre que des «amendements sont actuellement à l’étude au niveau d’une commission technique regroupant tous les ministères concernés. Ils devront être soumis par la suite au Secrétariat général du gouvernement et la loi entrera bien en vigueur dans les délais prévus».
Les amendements, au nombre de quatre, portent, entre autres, sur la nécessité d’afficher le numéro du lot auquel appartient le produit importé et sur l’élargissement de la liste des produits pouvant être dispensés de l’affichage, sachant qu’une première liste a été fixée par le décret du 4 juin 2002 (voir encadré en p. 8).
Enfin, notons que les fabricants locaux de produits alimentaires se sont déjà adaptés à une mesure à la quelle il étaient certes favorables. Mais ils reviennent à la charge, estimant qu’il y a d’autres problèmes plus urgents, sur lesquels l’administration devrait se pencher. Ils citent particulièrement la sous-facturation qui pénalise de nombreux secteurs, particulièrement la confiserie et biscuiterie.

Le passage à l’étiquetage en arabe est plus facile pour les sociétés qui importent en grande quantité et pour les produits en provenance des pays arabes.

Produits dispensés d’étiquetage en arabe
Le décret du 4 juin 2002 fixe déjà une liste des denrées dispensées de l’affichage des mentions exigées, notamment les fruits et légumes frais, les eaux gazéifiées dont la dénomination fait apparaître les caractéristiques, le vinaigre de fermentation provenant d’un seul produit de base, le fromage, le beurre, laits et crèmes qui n’ont subi que l’adjonction de produits lactés, les produits constitués d’un seul ingrédient et, enfin, les agents d’aromatisation. Cette liste sera élargie, au cas où les quatre amendements seraient adoptés, à d’autres denrées alimentaires, notamment les spiritueux, les échantillons, les produits destinés aux industriels ou encore aux hôtels, cafés et restaurants

Neuf mentions doivent figurer sur l’étiquette
Dénomination de vente (description de la denrée alimentaire et, si nécessaire, de son utilisation) ;
Liste des ingrédients ;
Poids net ;
Date de péremption et indication des conditions particulières de conservation et date de production ;
Nom ou raison sociale et adresse du fabricant ou du conditionneur et de l’importateur ;
Lieu d’origine ou de provenance chaque fois que l’omission de cette mention est de nature à créer la confusion dans l’esprit du consommateur sur l’origine réelle de la denrée alimentaire ;
Mode d’emploi chaque fois que son omission ne
permet pas un usage approprié ;
Titre alcoométrique volumique acquis pour les
boissons titrant plus de 1,2% d’alcool en volume ;
Le cas échéant, toutes autres mentions obligatoires prévues par les dispositions réglementaires relatives à certaines denrées alimentaires