L’Etat veut codifier les tarifs des risques refusés par les assurances

Probabilité de sinistralité élevée, conducteurs récidivistes, engins à moteur spéciaux, les compagnies peuvent refuser de couvrir un risque spécifique.
C’est la Direction des assurances qui intervient aujourd’hui en cas de refus d’assurance, fixe les tarifs et désigne l’assureur.
Un barème actualisable
sera fixé et la gestion du système sera confiée à la Fédération des assureurs.
Des risques refusés par les compagnies d’assurance ? ça existe bel et bien. Le ministère des finances vient de lancer un appel d’offres pour la réalisation d’une étude sur la tarification des risques refusés en assurance responsabilité civile automobile par les assureurs. L’objectif est de mettre en place un système de tarification pour la couverture. Pourquoi l’administration décide-t-elle aujourd’hui de réaliser un tel travail ? Et quels sont les risques faisant l’objet d’un refus de couverture ?
Selon l’article 120 de la loi n°17-99 portant code des assurances, toute personne physique ou morale dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages matériels ou corporels causés à un tiers par un véhicule terrestre à moteur doit être couverte par une police contractée auprès d’une compagnie d’assurance. Ce qui revient à dire que les assureurs n’ont pas le droit de refuser la couverture aux assurés.
En pratique, le marché étant libre, les assureurs peuvent bel et bien refuser de couvrir le risque. En cas de refus, le code dispose que l’assuré peut saisir l’administration, en l’occurrence la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS), qui fixe le montant de la prime moyennant laquelle la compagnie d’assurance et de réassurance concernée est tenue de garantir le risque qui lui a été imposé. A défaut, son agrément peut lui être retiré.
Les risques pouvant faire l’objet d’un refus sont de divers types : une probabilité très élevée de sinistralité, un conducteur récidiviste, un assuré fraudeur, des engins particuliers notamment les moyens de transport pour les handicapés, les véhicules pour les rallyes ou encore des engins à usage agricole (tracteur par exemple).
L’administration ne doit plus intervenir dans la tarification
Le cadre légal existe donc et a été «rarement appliqué dans la mesure où il n’y a pratiquement pas de cas de refus de couverture», relève la Daps. Mais alors pourquoi codifier les tarifs, les cas étant trop rares. Pour la DAPS, il est nécessaire aujourd’hui de mettre en place une tarification spécifique car la pratique actuelle est en contradiction avec la libéralisation de l’assurance automobile en vigueur depuis 2006. Ce cadre ne permet pas -ou plus- poursuit-on à la DAPS, l’intervention de l’administration puisque les tarifs ne sont plus réglementés. En outre, on avance que la fixation d’une tarification spécifique des risques refusés permettra d’éviter des abus de tarification de la part des assureurs qui peuvent, dans certains cas et en vue de dissuader les assurés, proposer des tarifs fortement majorés.
La DAPS tient à préciser que les tarifs fixés par l’administration pour la couverture des risques que l’on appelle «aggravants» sont un peu plus élevés que la normale. Et la tarification spécifique dépassera également les tarifs normaux. Ce qui est en quelque sorte «normal» , explique un professionnel qui estime que «la majoration permettra de sanctionner les assurés concernés». Pour justifier le projet de tarification des risques refusés, la DAPS souligne par ailleurs que celui-ci constitue un préliminaire au changement de son statut.
Rappelons que cette entité dépend, depuis sa création en 1978, du ministère des finances et doit faire l’objet d’une restructuration visant sa transformation en autorité de contrôle du secteur des assurances. La séparation de la DAPS du ministère des finances n’est pas d’ordre conflictuel, mais s’inscrit dans une évolution logique des choses.
Un bureau de tarification sera créé
La DAPS, qui deviendra l’autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), doit, après avoir assaini le secteur, jouer le rôle de régulateur et assurer le suivi de plusieurs chantiers comme la réforme des régimes de retraite, la réforme des mutuelles et l’élaboration du contrat-programme du secteur de la prévoyance sociale. De ce fait, la direction déléguera plusieurs fonctions, dont la fixation des tarifs des risques refusés, à la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR) qui devrait même créer un bureau de tarification. Cette dernière n’a pas souhaité se prononcer sur le sujet.
La mise en place de la tarification des risques refusés est, selon la DAPS, un chantier qui doit être réalisé à moyen terme. En 2010, l’étude sera lancée après la sélection du bureau d’expertise. Cette sélection ne sera pas aisée dans la mesure où, selon la DAPS, les cabinets spécialisés en la matière sont peu nombreux. Une fois sélectionné, le cabinet procédera à une analyse des systèmes de tarification des risques refusés appliqués dans des pays étrangers et, sur la base de ces expériences, il devra proposer un schéma au ministère des finances.
Par ailleurs, il proposera la méthodologie permettant la mise en vigueur du système de tarification, notamment la procédure pour le traitement des cas de refus d’assurance et le système de fixation des primes. Concernant ce dernier point, le bureau d’études fournira également les logiciels et autres applications informatiques mettant en œuvre les méthodes statistiques et actuarielles retenues pour la détermination des tarifs des risques refusés. Il faudra certainement patienter encore quelques années pour connaître les tarifs.