L’Etat supporte encore 0,70 DH par litre de gasoil
Les augmentations du prix du carburant à la pompe allègent la pression sur la Caisse de compensation.
Le secteur des transports accuse le coup et l’ONE voit ses charges s’alourdir de 200 MDH.
Ce qui devait arriver arriva : après en avoir retardé l’échéance, le gouvernement a fini par se rendre à l’évidence qu’il ne pouvait indéfiniment supporter, à lui seul, la hausse du cours du pétrole. L’inéluctabilité de la hausse était d’ailleurs bien assimilée par les automobilistes qui, lundi 16 mai, ne paraissaient pas surpris outre mesure en constatant chez le pompiste du coin que les prix des carburants avaient tous été augmentés de 50 centimes.
Il faut dire que les prix à l’international ont dépassé toutes les prévisions, même les plus pessimistes. C’est d’ailleurs pour cela que le directeur de la Caisse de compensation, Najib Benamor, parle non pas de hausse des prix intérieurs, mais seulement de leur alignement sur les prix internationaux. Et encore, cet alignement n’est que partiel puisque, sur la base d’une moyenne de 48 dollars le baril, l’Etat supporte encore 70 centimes par litre de gasoil (le produit le plus consommé). Il en résulte que, s’agissant du pétrole, le budget de l’Etat devra supporter pour l’année 2005, et à condition que le niveau des prix actuels ne change pas d’ici la fin de l’exercice, quelque 2,5 milliards de DH. Ce montant sera de 4,5 milliards en tenant compte de la subvention du gaz butane, dont le prix n’a pas été révisé.
D’autres hausses ne sont pas à exclure
Il vaut mieux le savoir tout de suite : d’autres augmentations peuvent intervenir au cours des prochains mois. D’abord parce que, légalement, les produits pétroliers – en dehors du butane, régi par des textes spécifiques – ne bénéficient pas de la subvention. Leur prix dépend des cours du brut sur le marché international. C’est le fameux système d’indexation, mis en place depuis 1995, mais gelé depuis septembre 1999. Ensuite, parce que, à l’international, le renchérissement des prix de l’or noir, selon des prévisions plausibles, paraît s’inscrire dans la durée : outre le boom des économies chinoise et indienne, grandes consommatrices d’énergie, les pays exportateurs, de l’Opep notamment, ont déjà dépassé leur capacité de production. L’Irak étant encore empêtré dans les problèmes que l’on sait, le seul pays qui peut peser sur le marché est l’Arabie Saoudite. Or, nous disent les spécialistes, ce pays produit surtout du pétrole lourd, alors que la plupart des raffineries dans le monde sont équipés pour le pétrole léger. Pour que l’Arabie saoudite puisse, grâce à sa production, influer sur les prix, il faudrait que les raffineurs opèrent des investissements, ce qui, à supposer que ce sera le cas, demandera du temps.
Enfin, ceci expliquant cela, une subvention des carburants risque d’aggraver le déficit budgétaire, déjà difficilement contenu à son niveau de 3% du PIB, retenu dans la Loi de finances. Il faut bien dire les choses comme elles sont : subventionner les carburants, c’est tout simplement enlever de l’argent à un autre secteur, et cela ne peut être que l’investissement. Cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Qu’un déficit budgétaire résulte d’un surcroît d’investissement, c’est encore soutenable; mais pour subventionner chaque année environ un demi-million de touristes…
La question qui se pose maintenant est la suivante : est-ce que les consommateurs de produits pétroliers, en dehors des particuliers, bien sûr, vont répercuter cette dernière hausse sur leurs clients ? Le secteur des transports, qui consomme quelque 35 % des carburants (essentiellement du gasoil), y pense déjà, mais la situation est différente selon qu’il s’agisse du transport des voyageurs ou du transport de marchandises. Pour le transport des voyageurs, les tarifs sont réglementés à travers la fixation de maximas à ne pas dépasser. Pour les réviser, il faut donc l’accord des pouvoirs publics. Et, selon nos informations, les professionnels de ce secteur s’apprêteraient à saisir leur tutelle de cette question.
S’agissant du transport de marchandises, les tarifs sont libéralisés depuis 2003. Rien n’empêche donc les opérateurs de facturer cette hausse à leurs clients. Seulement, la filière est dans un tel état d’atomisation (90 % des unités ont moins de trois véhicules) que la pratique du dumping bat son plein, explique Abdelilah Hifdi, président de la fédération du transport. Chacun tirant les prix vers le bas afin de se faire une place dans un marché où l’accès est devenu une simple formalité, la notion de coût ressemble à un OVNI dans ce milieu. «Nous sommes pour l’indexation des prix intérieurs des carburants sur le marché international, le problème est que nous n’avons pas la possibilité de répercuter les hausses sur nos tarifs. Pourquoi ? Parce que, dans ce secteur, la notion de coût est inconnue, les règles du jeu sont complètement absentes», regrette M. Hifdi. C’est pourquoi, révèle-t-il, la fédération a envoyé une lettre au ministre de l’Equipement dans laquelle elle souhaite l’intervention de l’Etat pour une régulation rapide du secteur.
Concernant l’augmentation du prix du fuel industriel (+ 500 DH la tonne), elle affecte tout particulièrement l’ONE, le plus gros consommateur de ce combustible. Le poste des charges de combustibles de l’office, du fait de la hausse du fioul mais aussi du gasoil, sera ainsi alourdi de 200 MDH en 2005, en sus des 400 millions supplémentaires résultant de la hausse du cours du charbon.
Cela étant, si les hausses intervenues en début de semaine paraissent tout à fait justifiées, vu le contexte international, beaucoup estiment que, désormais, les prix doivent dépendre justement de ce contexte. «S’il y a des baisses à l’international, nous devrions pouvoir en bénéficier», souhaite un industriel. Nombre de ministres partagent cet avis. On verra bien…