L’Etat ne garantit plus les prêts hôteliers du CIH

En contrepartie de l’annulation de la garantie d’une dette de 2,4 milliards de DH, le Trésor renonce à la créance d’un milliard de DH qu’il détient sur la banque.
La banque devra provisionner 1,4 milliard de DH pour la partie non encore recouvrée.
Le CIH risque de replonger dans le rouge en 2005 si l’activité ne se développe pas.
Les petits porteurs du CIH ne se seront pas ennuyés lors de l’Assemblée générale de la banque tenue le 30 mai. Le CIH, dans l’attente d’un nouvel actionnaire qui lui permettra de sortir la tête de l’eau, continue à leur donner des sueurs froides, mais certaines décisions les renforcent dans l’idée qu’une valorisation plus significative de leurs participations n’est pas près d’être acquise. Paradoxalement, ils ne se sont pas trop focalisés sur l’annonce majeure qui a été faite lors de cette réunion : le conseil d’administration, réuni le 23 mai, a pris acte de l’annulation pure et simple de la garantie de l’Etat dont bénéficiait la banque depuis des décennies pour les créances détenues sur le secteur hôtelier. Le montant en jeu est de 2,4 milliards de DH, à fin 2004. Argument avancé avec beaucoup de doigté : le souci de «meilleure lisibilité des comptes CIH».
Pour préparer le terrain, le Trésor avait diligenté une expertise indépendante pour évaluer la contrepartie financière de cet engagement qui ne pouvait, en tout état de cause, être mis en jeu qu’après épuisement de tout espoir (y compris par voie judiciaire) de recouvrement. Celle-ci ne pouvant se faire raisonnablement avant fin 2005 (délai de mise en conformité avec l’obligation de recapitalisation), il a été décidé d’un commun accord avec les actionnaires de référence de verser au CIH un montant forfaitaire d’un milliard de DH contre l’abandon de ladite garantie.
La fronde des petits porteurs s’est focalisée sur le projet d’opération accordéon
L’objectif annoncé est de revenir à une situation nette positive dès l’automne prochain grâce à une entrée d’argent frais de 2,8 milliards de DH après que les stigmates d’un passé peu réjouissant (report à nouveau négatif de 4,9 milliards de DH à fin 2004) eurent été presque totalement effacés.
Mais, avec le CIH, rien n’est décidément simple. Jugez-en. Même si le management ne le dit pas clairement, l’abandon d’une garantie de 2,4 milliards de DH sur des créances malsaines et le cadeau d’un milliard de DH de la part de l’Etat obligeront la banque à constituer des provisions à concurrence de la différence (1,4 milliard de DH). Un spectre qui fera sans doute replonger dans le rouge le résultat 2005. Certes, le recouvrement de ces créances se poursuivra et le CIH optera plutôt, pour peu que la Banque centrale y consente, pour un provisionnement échelonné. Mais l’ardoise est loin d’être négligeable. La situation nette de l’automne risque de n’être qu’une petite éclaircie avant un hiver qui s’annonce plutôt glacial (comptes à fin décembre 2005).
Ce qui n’a pas été également mis en exergue lors de l’AG, c’est que le Trésor ne remettra pas de chèque à la banque. En contrepartie du retrait de sa garantie, l’Etat abandonnera le prêt d’un milliard de DH consenti en 2002 dans le cadre du contrat-programme signé avec la banque. Tant mieux, diront certains, car cela allégera les charges de refinancement de la banque qui pèsent toujours lourdement sur son PNB. L’idéal serait, et tout le monde en convient, que la banque arrive à générer davantage de bons dossiers pour augmenter ses revenus. Des efforts, il en faudra parce que cette décision de retrait de la garantie de l’Etat comporte, comme déjà souligné, des risques sur les fondamentaux de l’établissement.
L’avenir de la banque en partie lié à l’arrivée d’un nouvel actionnaire de référence
Sachant cela, et contre toute logique économique, la fronde des petits porteurs s’est focalisée sur une opération qui n’est qu’un simple jeu d’écriture comptable : le projet de réduction du nominal de 100 DH à 10 DH, tel que cela a été confirmé de façon malencontreuse par la banque. Ce fâcheux épisode a été entamé au lendemain du conseil d’administration décisif du 23 mai, par une communication embrouillée sur le coup d’accordéon envisagé en 2005 (réduction de capital suivi d’une augmentation immédiate). Pour ajouter un peu plus à la confusion, un paquet de 200 000 actions, mis subitement en vente par un institutionnel sans doute mieux informé que les petits porteurs, avait semé la panique et fait perdre au titre le maximum (-6 %) durant la séance du vendredi 27 mai. Ce qui intima d’ailleurs le CDVM (Conseil déontologique des valeurs mobilières), qui flaira probablement un délit d’initié, de suspendre la cotation du CIH et d’annuler provisoirement la transaction suspecte.
Toujours est-il que le dernier conseil d’administration a en effet décidé de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour statuer sur une injection d’argent frais de 1,85 milliard de DH qui devrait se faire suite à une réduction du capital de 90 %.
A propos de cette opération qui a suscité tant d’émois à cause du risque de voir le nominal de l’action fondre de 100 DH à 10 DH, il a été indiqué que les modalités ne sont pas encore définitivement arrêtées mais qu’elles respecteront scrupuleusement les articles en vigueur de la loi sur les SA (société anonyme).
Quoi qu’il en soit, il y a une précision à apporter dans ce dossier : que la valeur faciale de l’action vaille 10 DH ou 100 DH ne change strictement rien. Et pour cause, avec une capitalisation du CIH d’un peu plus de 2 milliards de DH, le marché ne valorise depuis la remontée du cours en 2005 qu’un potentiel de redressement devenu un peu plus avéré avec l’entrée probable d’un nouvel actionnaire au grand savoir-faire en financement de l’immobilier et le dégagement d’un bénéfice en 2004. Bref, le nominal n’a jamais été un gage pour les actionnaires quand la faillite est consommée (rappelons-nous le cas de la BNDE dont l’Offre publique de retrait s’est faite à 25 DH).
Aujourd’hui, tous ceux qui avaient misé sur la banque croisent les doigts en espérant que leur attente ne sera pas vaine. Ils s’en tiennent toujours aux promesses du premier ministre qui avait annoncé que «l’année 2005 sera celle du CIH», traduisant ainsi la détermination du gouvernement à redresser une fois pour toutes l’établissement public après les résultats en demi-teinte d’un plan de redressement mené dans la foulée de la signature du contrat-programme (Etat-CIH). Ce message était suffisant pour nourrir davantage un vent d’optimisme qui soufflait depuis mars dernier, et alimenté par l’annonce de l’entrée probable de la Caisse d’épargne française dans le tour de table mais aussi par la publication, pour la première fois depuis six ans, d’un bénéfice net de 80 MDH.
Maintenant, il reste à savoir quelle sera la réaction du marché après la reprise de la cotation. Tout dépendra de l’appréciation de la probabilité de recouvrement des créances ne jouissant plus de garantie étatique mais aussi du potentiel de création de richesse indépendamment du lourd fardeau du passé… et de l’évolution des négociations avec la Caisse d’épargne française.
Quant à l’enseignement majeur à tirer des évènements de ces derniers jours, il se résume ainsi : une communication financière transparente et perspicace vaut mieux qu’un discours fumeux et embrouillé. Et cela est vrai même quand il s’agit de communiquer sur le pire
Dans l’attente du deal avec la Caisse d’épargne française…